Glossarium mediae et infimae latinitatis Conditum a Carolo du ...

54 DISSERTATIONS
DE L'ESCARCELLE ET DU BOURDON
CASSIAN ', traitant des habits et des vetemens des anciens
moines d'Egypte, dit qu'ils se reyetoient d'un habit fait de
peaux de chevre, quel'on appelloitmelotes, et qu'ils portoient
ordinairement 1'escarcelle et le baton. Les termes de cet
auteur ne sont pas toutefois Men clairs en cet endroit-la :
« Ultimus est habitus eorum pellis caprina, qua3 melotes
« vel pera appellatur, et baculus » ; car il n'est pas probable
que cet habit de peaux de chevre ait este appel!6 pera. Cequi
a donne sujet a quelques commentateurs de restituer penula.
Neantmoins Isidore 2 et Papias, comme aussi ^Elfric dans
son Glossaire saxon, ont ecrit apres Cassian que melotis estoit
la meme chose que pera. Quant amoy, j'estime que Cassian
a entendu dire que ces moines, outre ce vetement fait de
peaux, avoient encore coutume de porter un petit sachet, et
un baton, dont ils se servoient durant leurs pelerinages. Ce
qui se peut aisement concilier, en restituant le mot appellatur,
ou le sousentendant, apres melotes. Tant y a que Cassian
parle du baton des moines au chapitresuivant; et dans 1'une
de ses Collations 3 il fait assez yoir que lorsqu'ils entreprenoient
quelque voyage ils prenoient 1'un et 1'autre : « Cum
« accepissemus peram et baculum, ut ibi moris est monachis
« universis iter agentibus. » Le Moine d'Angouleme 4 ecrit
que le corps de Charlemagne, apres sa mort, fut inhume
avec tous ses habits imperiaux, et que pardessus on y posa
1'escarcelle d'or, dont les pelerins se servent ordinairement,
et qu'il avoit coutume de porter lorsqu'il alloit a Rome :
« Et super vestimentis imperialibus pera peregrinalis aurea
« posita est, quam Romam portare solitus erat. » D'ou il
resulte que le baton et 1'escarcelle ont toujours este la marque
particuliere des pelerins, ou, comme parle Guillaume de
Malmesbury 5 , solatia et indicia itineris.
Les pelerins de la Terre Sainte, avant que d'entreprendre
leurs pelerinages, alloient recevoir 1'escarcelle et le bourdon
des mains des prestres dans 1'eglise. Un titre de Sebrand
Chabot, qui vivoit en 1'an 1135, au Cartulaire d'Absie en
Gastine G : « Siebrandus Chabot, volens ire Hierusalem, coram
« Deo et reliquiis SS. accepto baculo et pera in ecclesia
« B. Nicplai, reconcessit Raynerio abbati et monachis Absiae
« terragia. » La Chronique de Beze 7 : « Hugo miles... in die
« qua peram assumpsit ad Hierosolymitanum iter facien-
« dum. » Et celle de Vezelay 8 : « Assumpto baculo et pera,
« quasi B. Dionysii petiturus oracula. » Et cela s'est pratique
memes par nos rois, lorsqu'ils ont voulu entreprendre ces
longs et facheux voyages d'outremer. Car apres avoir charge
leurs epaules de la figure de la croix 9 ils avoient coutume
de venir en 1'abbaye de Saint-Denys, et la, apres la celebration
de la messe, ils recevoient des mains de quelque prelat
le baton de pelerin et 1'escarcelle, et memes I'orinamme I0 ,
ensuite dequoy ils prenoient conge de S. Denis, patron du
royaume. C'est ainsi que Ton parloit alors. L'auteur de la
Vie de Louys le Jeune ", ecrivant au sujet de ce roy, lorsqu'il
se croisa pour le voyage de Hierusalem : « Venit rex, ut mo-
« ris est, ad ecclesiam B. Dionysii, a martyribus licentiam
« accepturus. et ibi, post celebrationem missarum, baculum
« peregrinationis, et vexillum S. Dionysii, quod oriflambe
« Gallice dicitur, valde reverenter accepit. » Eudes deDieuil IZ
parlant du roy Louys VII : « Dum igitur a B. Dionysio
« vexillum et abeundi licentiam petiit, qui mos semper
« victoriosis regibus fuit, etc. » Et plus bas : « Deinde,
« sumpto vexillo desuper altari, et pera, et benedictione
« a summo pontifice, in dormitorium monachorum, multitu-
« dini se subducit. » Philippes Auguste l3 en usa de la meme
l.L.deHabituMon. — 2. L. 19, c. 24. — 3. H, c. 3. — 4. In vita Car. M.
A. 814. — 5. L. 1, de Gest. Pontif. Angl. p. 221. — 6. Fol. 89. — 7. Chron.
Besuense, p. 653. — 8. L. 3, p. 561. — 9. Vita S. Teliai, episc. Landav. apud Bol.
9 Febr. c. 2, n. 6. — 10. Vita Lud. VI. — 11. C. 4. — 12. Od. de Diogil. L. 1. —
13. Rigord. A. 1190.
DES PELERINS DE LA TERRE SAINTE.
DISSERTATION XV.
maniere, lorsqu'il eut le dessein de passer en la Terre Sainte;
car il vint en la meme abbaye, causa licentiam accipiendi,
pour prendre conge des martyrs : « puis, Ab oratione sur-
« gens, sportam et baculum peregrinationis de manu
« Guillelmi, Remensis archiepiscopi, avunculi sui, apos-
« tolicae sedis legati devotissime ibidem accepit. » Richard,
roy d'Angleterre, qui partit au meme temps que Philippes
Auguste pour le meme voyage, vint a Tours, et ibi recepit
peram et baculum peregrinationis suas de manibus Willelmi
Turonensis, ainsi que Roger de Howeden ecrit. Brompton '
dit que ce fut a Vezelay, et Mathieu Paris semble insinuer
que ce fut en 1'eglise de Saint-Denys. Mais je crois qu'il y a
erreur, et qu'on y a tronqu6 quelques termes qui se trouvent
dans Brompton, qui eclaircissent ce point.
La Chronique de S. Denys* nous apprend que S. Louys,
a son premier voyage de la Terre Sainte, recut pareillement
1'escarcelle et le bourdon dans Feglise de Saint-Denys des
mains du legat. « Hoc anno (1248) feria vi Pentecostes Ludo-
« vicus rex accepit vexillum, et peram, et baculum, in eccle-
« sia B. Dionysii, et fratres ejus ab Odone cardinale, et post
« accepit licentiam in capitulo nostro, etc. » II fit de meme
a son second voyage, au recit de Guillaume de Nangis, qui
ecrit qu'il recut en 1'eglise de Saint-Denys I'oriflamme cum
pera et baculo peregrinationis. Ce qui est aussi remarqu6 dans
le petit Cartulaire de I'eveche de Paris de la bibliotheque de
M. du Puy, en ces termes : « Anno 1269, mense martip, pridie
« idus, die Veneris, dominica, qua cantatur Reminiscere,
« Ludovicus, rex Francise, arripuit iter ad partes transma-
« rinas de S. Dionysio, et ibi accepit peram et baculum