Glossarium mediae et infimae latinitatis Conditum a Carolo du ...
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80 DISSERTATIONS<br />
dans le commun <strong>du</strong> peuple, elle ne laissoit pas de se conserver<br />
en certain nombre de scayans. Mais on pourroit avancer<br />
que le mot de mon<strong>et</strong>a estoit incomparablement plus Elegant<br />
que celui d'officina, puisque c'est ainsi que les Latins appelloient<br />
le lieu ou Ton battoit la monnoye; jusque-la meme<br />
que quelques auteurs 1'ont employe pour toute sorte d'officines,<br />
comme Seneque ', Macrobe 2 <strong>et</strong> Sidonius Apolinaris 3 .<br />
Ce n'est pas encore un p<strong>et</strong>it argument, a mon avis, pour<br />
convaincre que c<strong>et</strong>te monnoye a <strong>et</strong>e frappee en France, de<br />
ce que le nom <strong>du</strong> mon<strong>et</strong>aire s'y trouye exprime; car je n'ay<br />
pas remarqueque c<strong>et</strong>te coutumese soit observee ailleurs, non<br />
pas meme dans les monnoyes des rois des Visigoths en<br />
Espagne.dont les empreintes nous ont este donn6es par Antonius<br />
Augustinus. Le nom meme de ce mon<strong>et</strong>aire, qui y est<br />
marque, estoit familier alors dans la province Viennoise,<br />
comme ont peut recueillirde quelques 6pitresd'4w£tts 4 , archevesque<br />
de Vienne, qui fait mention en divers endroits d'un<br />
Laurentius, auquel il donne le titre de vir illustris, qui en<br />
estoit originaire. D'ailleurs on ne trouve pas que les noms<br />
des villes ou les monnoyes estoient frapp6es soient inscrits<br />
dans les cercles, sinon en celles de nos rois <strong>et</strong> en quelquesunes<br />
des Visigoths d'Espagne; car en celles <strong>du</strong> Bas-Empire 5 ,<br />
ils se trouvent souvent exprimez en abrege au dessous de la<br />
figure <strong>du</strong> revers.<br />
II a este necessaire d'<strong>et</strong>ablir pour fondement de ce que j'ai a<br />
dire de c<strong>et</strong>te monnoye dans la suite, qu'elle a este frappee a<br />
Vienne en Dauphin6, pour inferer de la que c'a este par quelqu'un<br />
de nos rois, puisqu'il est certain qu'on ne la peut pas<br />
appliquer a Maurice, qui n'a jamais rien possede dans la<br />
France ni dans le royaume de Bourgogne. Pour decouvrir<br />
c<strong>et</strong>te verite, <strong>et</strong> le prince a qui on la peut attribuer, il faut<br />
remarquer qu'au temps de c<strong>et</strong> empereur Gontran estoit roi<br />
de la Bourgogne 6 , qui apres la mort de ses enfans adopta le<br />
jeune Childebert II, roi d'Austrasie, son neveu, incontinent<br />
apres celle de Sigebert I, pere de ce prince, qui mourut en<br />
Fan 575 7 . Childebert, en suite de c<strong>et</strong>te adoption, traita son<br />
oncle <strong>du</strong> nom de pere, <strong>et</strong> Gontran 8 le reconnut pour son<br />
unique heritier.luy donnant lepouvoir de disposer de toutes<br />
choses, <strong>et</strong> reconnaissant que tout ce qu'il possedoit estoit a<br />
luy : « Omnia enim quse habeo ejus sunt, » ainsi qu'il parle<br />
dans Gregoire de Tours : toutefois la correspondance qui<br />
devoit estre entre ces deux princes fut souvent brouillee<br />
<strong>du</strong>rant le cours de leur regne par divers incidents, au suj<strong>et</strong><br />
des successions des oncles de Childebert 9 , <strong>et</strong> quoy que<br />
Gontran se dechargeat souvent de ses affaires sur son neyeu,<br />
si est-ce qu'il ne laissoit pas d'agir de son chef, jusques a ce<br />
que sur la fin de ses jours il s'enferma dans un monastere, ou<br />
il mourut en reputation de saint<strong>et</strong>e.<br />
Cela presuppose, il est probable que 1'un de ces deux<br />
princes fit battre c<strong>et</strong>te monnoye. Mais comme il est aussi a<br />
pr6sumer que la ville de Vienne, estant la capitale <strong>du</strong><br />
royaume de Bourgogne, appartenoit a Gontran, on pourroit<br />
en meme temps avancer que ce fut luy qui 1'y fit frapper en<br />
1'honneur de Maurice : car Gregoire de Tours I0 semble<br />
confirmer cecy a regard de la possession de la ville de Vienne,<br />
ecrivant que Sabau<strong>du</strong>s, e>esque d'Arles estant mort, Licerius,<br />
referendaire de Gontran, lui succeda, <strong>et</strong> qu'Evantius, evesque<br />
de Vienne, estant pareillement deced6, Virus, 1'un des senateurs,<br />
luy fut substitue par le choix que le roi en fit: ce<br />
terme de roy ne se pouvant entendre que de Gontran, <strong>du</strong>quel<br />
il avoit este parle peu auparavant.<br />
Cependant on ne voit pas de raison assez puissante pour<br />
porter a croire que c<strong>et</strong>te monnoye fut frappee par Gontran<br />
en 1'honneur de Maurice, dautant que 1'histoire ne parle<br />
d'aucuns traitez qu'il ait faits avec c<strong>et</strong> empereur, mais bien<br />
de ceux que Childebert fit avec ce prince. Ce qui m'a fait<br />
avancer qu'on la doit plut6t attribuer a Childebert, qu'a<br />
Gontran : car comme ces Etats confinoient a 1'Italie, Sigebert,<br />
son pere, ayant succ6d6 a ceux de Theodebert <strong>et</strong> de<br />
Thibaud son fils, qui en estoient voisins, comme on peut recueillir<br />
des guerres que ces princes eurent en Italic, il se<br />
presenta souvent occasion de faire des traitez d'alliance<br />
entre eux ". II est vray que ce qui donna suj<strong>et</strong> d'abord a ces<br />
pourparlers fut la captivite <strong>du</strong> jeune Athanagilde, neveu de<br />
Childebert, qui avoit este con<strong>du</strong>it a Constantinople apres la<br />
mort d'Ingonde, sa mere. Mais depuis ce temps-la Childebert<br />
rechercha avec beaucoup d'empressement par ses ambassadeurs<br />
1'alliance de Maurice, auquel il donne le titre de pere<br />
en la plupart de ses l<strong>et</strong>tres «.: ce qui pourroit faire pr6sumer<br />
4. De Benef. 1. 3, c. 35. — 2. L. 1, in Somn. Scip. c. 6. — 3. L. 4, ep. i. —<br />
4. Ep. 7, 41, 42, 43. — 5. M. Bouter. p. 179. — 6. Greg. Tur. 1. 5, c. 6,18. 26. —<br />
7. Id. 1. 8, c. 13. — 8. Id. 1. 9, c. 20 ; Airaoin. 1. 3, c. 79. — 9. Tom. 2, Spicil.<br />
Acheriani, p. 41 ; Sigeb. — 10. L. 8, c. 39. — 11. Greg. Tur. L 6, c. 40 ; ep. Fr.<br />
torn. 1 ; Hist. Fr. p. 867, 873. — * Ib. ep. 25, 39, 42, 44, 45.<br />
la m6me chose que j'ay remarqu6e de Theodebert, que ce<br />
prince fut adopte par honneur par c<strong>et</strong> empereur. II ecrivit a<br />
c<strong>et</strong> eff<strong>et</strong> a tous les grands seigneurs de la cour de Maurice,<br />
au patriarche, au legat apostolique, a Paul, pere de 1'empereur,<br />
au fils de Maurice, <strong>et</strong> autres, pour les prier de. donner<br />
leurs entremises pour 1'obtenir. En celle qu'il ecrivit au fils<br />
de 1'empereur, il use de ces termes : « Et quia ad serenissi-<br />
« mum atque piissimum PATREM nostrum, genitorem ves-<br />
« trum, Mauritium Imperatorem legatarios direximus. »<br />
Et dans une autre ' qui fut adressee a Childebert de la part<br />
de Maurice, c<strong>et</strong> empereur y est trait6 <strong>du</strong> titre de pere, <strong>et</strong><br />
I'lmperatrice de celui de soeur de ce prince. Ce qui montre<br />
que celui de pere estoit personnel pour 1'empereur, probablement<br />
acause de 1'adoption d'honneur, <strong>et</strong> que celui de soaur<br />
regardoit le commun des souverains <strong>et</strong> des rois, qui se traitoient<br />
reciproquement <strong>du</strong> nom de freres 2 . Les conventions<br />
de ces traitez furent que Maurice feroit delivrer a Childebert<br />
cinquante mille sols, <strong>et</strong> que Childebert seroit tenu d'aller<br />
faire la guerre aux Lombards d'ltalie. En suite de ces<br />
traitez, Childebert passa dans 1'Italie en Tan 584 <strong>et</strong> obligea<br />
ces peuples a demander la paix, laquelle ayant este arr<strong>et</strong>ee,<br />
il enyoya ses troupes dans 1'Espagne 3 . Cela n'agrea pas A<br />
Maurice, qui se plaignit <strong>du</strong> mauvais employ de son argent,<br />
<strong>et</strong> de ce qu'il 1'amusoit de belles promesses, sans en venir<br />
aux eff<strong>et</strong>s. Enfin, presse par ses ambassadeurs *, il y r<strong>et</strong>ourna<br />
1'annee suivante, <strong>et</strong> prooablement continua c<strong>et</strong>te guerre en<br />
sa faveur, veu qu'en 1'an 588 il fit demander <strong>du</strong> secours a<br />
Gontran, son oncle, pour chasser les Lombards d'ltalie, afin<br />
de reprendre c<strong>et</strong>te partie qui avoit appartenu a son pere, <strong>et</strong><br />
de rendre le surplus a l'empereur. Gregoire de Tours^ remarque<br />
qu'il y envoya alors des troupes, apres en avoir donn6<br />
avis a Maurice par ses ambassadeurs, <strong>et</strong> qu'elles y furent<br />
taillees en pieces. C<strong>et</strong>te bonne intelligence de Childebert<br />
avec ce prince recut quelque alteration par la rencontre d'un<br />
mauvais traitement que quelques gentilshommes de la suite<br />
de Grippon, ambassadeur de Childebert, qui alloit de sa part<br />
a Constantinople, recut en Afrique 6 . Mais l'empereur ayant<br />
satisfait Grippon, Childebert envoya aussitfit ses trouper<br />
dans 1'Italie, ou les chefs trouv6rent les ambassadeurs de<br />
Maurice, qui leur donnerent avis d'un grand secours, qui<br />
leur arrivoit de la part de leur maitre. Mais, outre que ce<br />
secours ne parut pas, la maladie s'estant mise dans les<br />
troupes de Childebert, c<strong>et</strong>te entreprise fut sans eff<strong>et</strong>. Enfia<br />
les Lombards, fatiguez des frequentes irruptions des Francois,<br />
envoierent leurs ambassadeurs a Gontran pour obtenir<br />
la paix, avec promesse de lui obe'ir <strong>et</strong> de lui conserver la<br />
meme fidelite que leurs predecesseurs. Gontran renvoya ces<br />
ambassadeurs a Childebert, qui les congedia, avec promesse<br />
de leur faire scavoir sa reponse. Ce qui fait voir que e<strong>et</strong>te<br />
guerre d'ltalie se faisoit avec la participation <strong>et</strong> sous 1'autorite<br />
de Gontran. Nous ne lisons pas si Childebert r<strong>et</strong>ourna<br />
depuis ce temps-la dans 1'Italie, ni s'il fit de nouveaui<br />
traitez avec 1'Empire depuis la mort de Gontran son onele,'<br />
ensuite desquels il auroit pu faire frapper c<strong>et</strong>te monnoye en'<br />
1'honneur de Maurice; mais seulement que Theodoric, sonfils,<br />
qui lui succeda au royaume de Bourgogne, envoya seS;<br />
ambassadeurs a c<strong>et</strong> empereur pour lui offrir son secourS'<br />
centre les Avares 7 , au cas qu'il voulust luy fournir de 1'argent<br />
pour la Iev6e <strong>et</strong> 1'entr<strong>et</strong>enement de ses troupes.<br />
Pour appliquer plus precisement toutes ces observations!<br />
au suj<strong>et</strong> de c<strong>et</strong>te monnoye, qui porte le nom de Maurice, je<br />
dis qu'il se peut faire que Gontran 1'ait fait frapner danslaville<br />
de Vienne, en consequence des traitez d'alliance qu'M'<br />
eut avec c<strong>et</strong> empereur pour marque de deference <strong>et</strong> d'hon-'••<br />
neur, quoy que 1'histoire n'en fasse aucune mention : car ill<br />
est constant que tous nos rois francois de premiere race<br />
eurent <strong>et</strong> firent des alliances avec les empereurs,cequ'At>i«u«<strong>et</strong><br />
les epitres de Theodebert <strong>et</strong> de Childebert, dont j'ay parley<br />
disent en termes formels; ce que Ton peutpr6sumer d'autant"<br />
plus de Gontran, que, comme j'ay remarque, Childebert son<br />
neveu faisoit la guerre en Italie sous son aveu, <strong>et</strong> encores'<br />
que notre histoire ne parle pas des traitez qu'il fit ave6'<br />
Maurice, il ne s'ensuit pas qu'il n'en ait pas fait, veu quer-<br />
Procope nous apprend que Childebert I <strong>et</strong> Chlotaire estoientjoints<br />
avec Theodebert en ceux que ces princes firent avee !<br />
Justinian, quoy que nos ecrivains ne parlent en c<strong>et</strong>te occa-4<br />
sion que <strong>du</strong> dernier. II se peut faire encore que Childebert,-'<br />
neveu <strong>et</strong> successeur de Gontran, la fit frapper dans la ville I<br />
de Vienne apres la r<strong>et</strong>raite <strong>et</strong> la mort de son oncle, pu meme'<br />
de son vivant. Car comme il entra en quelque maniere dans ;<br />
le gouvernement des affaires de Gontran, apres qu'il en eut l<br />
1. Epist. 39. — 2. Greg. Tur. 1. 6, c. 42. — 3. Epist. 41. — 4. Greg. Tur. 1. V<br />
c. 18. — 5. Id. 1. 9, c. 20, 25. — 6. Id. 1. 10, c. 2, 3, 4. — 7. Theoph. Simoc.<br />
1. 6, c. 3.