Glossarium mediae et infimae latinitatis Conditum a Carolo du ...

52 DISSERTATIONS
succinctement le denombrement. Le premier done qui paroit
clans nostre histoire avec le titre de comte du palais est
Gucilion, sous Sigebert, roy d'Austrasie, dans Gregoire de
Tours '. Le meme auteur dqnne encore cette quality a
Trudulfe, et a Romulfe sous Childebert, et y fait voir clairement
que le comte du palais estoit different du maire du
palais, quoy qu'Aimoin 2 ,rauteur de la Viede saint Drausin 3 ,
Philippes Mouskes et autres les confondent imprudemment.
Tacilon fut comte du palais sous Dagobert I*. L'auteur de la
Vie de saint Wandril, la Chronique de Maillezais et Molanus,
donnent encore ce titre a ce saint sous le meme regne,
comme plusieurs auteurs a Badefrid *, pere de sainte Austreberte.
Une patente de Cloyis II, fils de Dagobert, pour le
monastere de Saint-Denys, fait mention d'Aygulfe comte du
palais sous ce roy 6 . La Chronique de Fredegaire 1 donne
aussi cette quality a Berthaire sous le meme Clovis, comme
1'auteurde la Vie de sainte Berthe a Rigobert, pere de cette
sainte, qui y est nomme comte palatin. Andobald est qualifie
comte du palais sous Clotaire III, dans un titre de
Saint-Benigne de Dijon, et Chrodebert sous Thierry I, en la
Vie de saint Leger. qui probablement est le meme que ce
Chrunrodebald dont il est parle en un titre de 1'abbaye de
Saint-Denys et dans Miraumont 8 . Quoy que 1'auteur de la
Vie de saint Hubert 9 donne a ce saint la quality de comte
palatin sous le roy Thierry, si est-ce que je n'oserois pas assurer
qu'il ait eu celle de comte du palais, laquelle est attribuee
par Gregoire de Tours I0 a Temulfe, sous le roy Childebert
II.
Sous la seconde race de nos rois nous en trouvons plusieurs
revetus de cette dignite : et premierement, sous le
roy Pepin ", Wicbert: sous Charlemagne l2 , Anselme. Vorade,
ou, ainsi qu'il est nomm6 en un titre pour 1'eglise de Saint-
Pierre de Treves, Voradin, et Treante; sous Louys le Debonnaire,
Regnier l3 , Bernard '*, Ranulfe IS , Adhalard l6 , Bertric
successeur d'Adhalard l7 , Morhard l8 , Geboin et Ruodbert,
desquels Eguinard fait mention en divers endroits l9 : sous
Lothaire 20 . Ansfrid: sous Louis II Rodolfe 21 ; sous Charles le
Chauve, Adhalard", Bodrad* 3 , Hilmerad 2 *, Boson 25 , et
Fouques 2S ; sous Eudes, Eldouln : sous Charles le Simple,
Guy": sous Eaoul, ou Rodolphe, Robert 28 : sous Louys IV,
Ragenaire : enfln sous Lothaire, fils de Louys, Heribert III
du nom, comte de Vermandois et de Troyes, que ce roy qualifie
comte de son palais, en un titre de 1'an 980, qui se lit aux
Antiquitez de Troyes de Camusat 30 .
Nous trouvons aussi descomtes du palais dans la troisieme
race de nos rois : entre lesquels Hugues de Beauvais paroit
avec cette dignite, qu'il obtint du roy Robert, au recit de
Glaber 31 . Ensuii e 1'on remarque plusieurs comtes provinciaux
revetus de cette qualite, scavoir les comtes de Champagne,
au sujet desquels nous avons entrepris ce discours, les comtes
de Tolose, de Guienne, et de Flandres, qui en consequence
de ce titre avoient droit d'exercer la justice souveraine, et
presque royale, dans 1'etendue de leurs comtez.
A 1'egard de ceux de Tolose. plusieurs patentes justifient
qu'ils ont pris la qualite de pala'tins, conjointement avec celle
de comtes de Tolose, entre autres le comte Pons, qui vivoit
en 1'an 1056, qui, en une charte du Cartulaire de Moissac
s'intitule Poncius Dei gratia comes palatinus. Et dans une
autre de 1'an 1063, qui se voit au meme endroit, et est
rapportee par M. Catel, en son Hisloire des comtes de Tolose 31 ,
il est parle de Pons, et de Guiilaume, son fils. en ces termes :
« Mei seniores ac palatini comites, Poncius, et ejus filius
« Willermus. » Non seulement ces deux comtes se sont ainsi
qualifiez, mais encore Raymond, surnomme de Saint Gilles,
comte de Tolose, fils de Pons, et frere de Guiilaume, comme
nous apprenons de ses monnoyes, entre lesquelles monsieur
Charton, conseiller du roy et auditeur en sa chambre des
comptes de Paris, tres-curieux en cette sprte d'antiquite,
en conservoit une petite d'argent, qui est a present dans le
cabinet des medailles du roy, dont nous representons ici
1'empreinte 33 . D'un c6te est une croix de Tolose, vuidee,
clecnee, et pommetee aux extremitez, telle que fut celle que
1. L. 5, c. 19 ; id. 1. 9, c. 12, 30. - 2. L. 3, c. 91; 1. 4, c. 38. — 3. T. I, Hist.
Fr. p. 680. — 4. Gest. Dagob. c. 37. — 5. Vita S. Rictrud.; Vita S. Aust. c. 1,
n. 4. — 6. Flor. Wig. p. 552. — 7. C. 90. — 8. Vita S. Leod. c. 14 ; Doublet. —
9. C. 1. — 10. De Mirac. S. Mart., 1. 4, c. 6. — 11. Doublet, p. 693. — 12. Eguin.
Gesta Franc. Episc. Cenoman. — 13. Vita Lud. P. an. 817. — 14. Vet. carta,
an. 819. — 15. Bad. carta. — 16. Eguin. an. 822, 823, 824. — 17- Eguin. —
18. Thegan. c. 45. — 19. Eguin. ep. 9 ; Thorn. Leod. p. 13. — 20. Notit. Eccl.
Belg. c. 32. — 21. Annal. Fr. Fuld. an. 857. — 22. Capit. Car. C. tit. 43. —
23. Ibid. tit. 41. — 24. Chron. Fontanell. Mem. de Languedoc. p. 559. —
25. Camusat, p. 87. — 26. Flod. 1. 3, Hist. Rem. c. 26. — 27. Tabul. Aremar. —
28. Chron. S. Benigni, p. 426. — 29. Panch. Nigra S. Mart. Turon. — 30. P. 86.
— 31. L. 3, c. 2. — 32. L. 1, c. 3. — 33. [Voyez Glossaire, planche XXV, num. 119.]
le grand Constantin eleva dans le marche de Constantinople,
semblable a celle qu'il avoit veue au ciel lorsqu'il combattit
Maxence, qui estoit garnie de petites pommes aux extremitez,
sv TOI? ocxpwnipiaTOt? [ispeffi ffTpoyyuXoi; (1.^X0*1?, ainsi que nous
apprenons de Codin, aux Origines de Constantinople; ces mots
se trouvent dans le cercle d'alentour : R. COMES PALATII ;
a 1'autre revers est un croissant surmonte d'une etoile, et
pour legende il y a ces mots, DUX MARCHIO PV. c'est a dire
Provincise, d'ou il paroit assez que les comtes de Tolose ont
eu la dignite de comtes du palais, et qu'en cette qualite ils
ont exerce toute la justice qui y estoit attribuee, dans
1'etendue de leurs comtez, et aussi qu'on ne peut pas dire,
sans s'exposer au ridicule, qu'ils 1'avoient obtenue des
empereurs d'Allemagne.
Quant aux dues de Guyenne, la Chronique de Saint-Estienne
de Limoges semble la leur attribuer, en ces termes : « A. 1137,
« v. id. april. obiit Willelmus, palatinus comes Pictavensis,
« ultimus dux Aquitanorum. » J'avoue neantmoins qu'on
peut avec justice disputer cette qualite aux comtes de Poitou
et aux dues de Guyenne, veu que dans le grand nombre des
titres de ces dues et de ces comtes, que Besly a inserez en
son histoire, il ne se trouve pas qu'ils 1'y ayent prise. Au
contraire, il est probable que les ecrivains de ces siecles-la
se sont servis de ces termes pour designer les pairs de
France, comme a fait Mathieu Paris ', dans lequel f'evesque
de Nqion est appelle : « Comes palatinus et unus de xn.
« paribus Franciae. » Je ne scay pas memes si 1'on ne doit
pas donner ce sens aux paroles de Lambert d'Ardres, lorsqu'il
attribue le titre de palatin a Arnoul le Grand, comte de
Flandres, fils du comte Baudouin le Chauve : « Hie siquidem
« Arnoldus cognomento Magnus, vel vetulus. a Balduino
« Ferreo tertius, a Lidrico Harlebeccense, qui ab incarnatione
« Domini anno DCCXCII Flandrise comes factus et constitutus
« est primus, in genealogies linea sextus computatur comes
« et palatinus.»
Mais comme je demeure d'accord qu'on peut douter de ces
titres de comtes palatins a 1'egard des comtes de Poitiers et
de Flandres, il faut aussi tenir pour indubitable que les
comtes de Champagne en ont jouy depuis leur etablissement,
jusques a ce que ce comte a este reuny a la couronne de
France, soit qu'ils aient obtenu cette dignity de temps en
temps de nos rois, ou qu'ils se la soient fait confirmer aux
investitures ; ou enfin, ce que je tiens plus vraysemblable,
qu'ils se la soient conservee, comme descendus des comtes
de Troyes, qui en jouissoient au temps de la decadence de
ce royaume. Car apres la funeste bataille de Fontenay, qui
commenca a epuiser le sang et la noblesse de la France, et
ensuite des irruptions ,des Normans, qui acheverent de
declarer ce miserable Etat, la plupart des gouverneurs de
provinces et des places, meprisans 1'autorite ou plut6t la
feblesse de nos rois, s'arrogerent en propre leurs gouvernemens,
avec les memes titres et qualitez qu'ils les possedoient.
et les transmirent a leurs heritiers. De sorte que les comtes
de Troyes s'estant trouvez alors revetus du titre de comtes
palatins, leurs successeurs continuerent de le prendre, et de
le joindre a celuy de leurs gouvernemens.
J'ai remarque cy-devant que Heribert III, comte de Vermandois
et de Troyes, en estoit revetu en 1'an 980, estant
probable qu'il le transmit au comte Estienne, son fils : au
droit duquel Eudes, comte de Blois et de Chartres, qui, apres
le deces d'Estienne, s'empara, malgre le roy Robert, du
comte de Champagne, continua de se dire comte du palais,
comes palatinus, comme il est qualifie en une charte de
Geoffrey, vicomte de Chateaudun, de 1'an 1031 2 , et dans le
titre de fondation de 1'abbaye de Saint-Satur, pres de Sancerre
en Berry. L'on voit ensuite le comte Thibaud, fils du comte
Eudes, avec le meme titre en une charte de Geoffroy, comte
de Mortagne, qui se lit en la Bibliotheque de Cluny 3 :
Estienne, comte de Blois, fils de Thibaud, paroit avec cette
qualite dans Orderic Vital *, et dans Yves, evesques de
Chartres, en une de ses epitres 5 , qui dans une autre qualifie
Adele femme d'Estienne palatina comitissa. Thibaud, fils
d'Estiennef est pareillement qualifi6 comte palatin dans
Suger, en la Vie de Louys le Gros 6 .
Ensuite tous les autres comtes de Champagne se sont
tousjours inscritspalatins, etsouvent cuens palais, d'un vieux
terme francois usite en ces temps-la, et entre autres Thibaud,
roy de Navarre, en une charte d'Aubert, abbe de Chatris. au
Cartulaire de Champagne 7 , de la bibliotheque de M. de Thou,
en ces termes : « Thibaus, rois de Navarre, de Champagne
1. A. 1249. — 2. Tab. Clun. — 3, P. 542, 544. — 4. L. 10. — 5. Ep. 49.136.—
6. C. 9, 20. — 7. Fol. 342.