Glossarium mediae et infimae latinitatis Conditum a Carolo du ...

« Notre-Seigneur Jesus-Christ, lequel vous recevez digne-
« ment apres la celebration de la messe; si fait celuy. lequel
« vous avez esleu a bailler, comme au plus prud homme et
« vaillant chevalier : et ce fait, le baisez en la bouche, et luy
« baillez, et la tient en ses mains par grande reverence, afin
« que les barons assistans le puissent baiser comme reliques
« et choses dignes, et en luy baillant pour le porter, luy faites
« faire serment solemnel de le porter et garder en grande
« reverence, et a 1'honneur de vous et de yostre royaume. »
Juvenal des Ursins' a aussi touche ces ceremonies, qui s'observoient,
lorsqu'on confloit 1'oriflamme au chevalier qui la
devoit porter : « Le roy s'en alia a Saint-Denys, visita les
« corps saints, fit ses offrandes, fit benir roriflamme par
« 1'aboe de Saint-Denys, et la bailla a messire Pierre de
« Villers, lequel fit le serment accoustume. » Le meme auteur
ailleurs 2 : « Le roy alia a Saint-Denys, etc.; les corps
« de S. Denys et de ses compagnons furent descendus et mis
« sur 1'autel. Le roy, sans chapperon et sans ceinture, les
« adora, et fit ses oraisons bien et devotement et ses oflran-
« des, et si firent les seigneurs. Ce fait, il fit porter 1'ori-
« flamme, et fut baillee a un vieil chevalier, vaillant homme,
« nomm6 Pierre de Villers 1'ancien, lequel recut le corps de
« Notre-Seigneur et fit les sermens en tel cas accoustumez :
« et apres s'en retourna le roy au bois de Vinciennes. »
i'Histoire latine du roy Charle VI dit la meme chose en la
meme annee : « His ergo rite peractis, cum rex de manibus
« ejus (abbatis videlicet) yexillum suscepisset, illud Petro
« de Villaribus domus regise magistro, cum pacifico osculo,
« tradidit deferendum. » Le meme ecriyain en Fan 1412 :
« Vexilliferum etiam regium multiphciter commendavit
« (abbas), qui prius percepto eucharistise sacramento, inter
« regem et aboatem flexis genibus, et sine caputio mansit
« donee verbis finem fecit; et cum publice surper corpus
« Christi jurasset, quod illud usque ad mortem fideliter cus-
« todiret, mox illud rex de manu abbatis recipiens, cum
« pacis osculo, ad collum ejus suspendit, priscorum ceremo-
« nias observans. » Enfin cet auteur, en 1'an 1414,. parlantdu
seigneur de Bacqueville, qui porta roriflamme en cette anneela,
remarque encore la forme de porter cette banniere : « Et
« illud, quasi pretiosissimum monile, a collo usque ad pectus
« dependens, detulit multis feriis successivis ante regem,
« donee Silvanectum pervenisset. »
L'oraison qui se recitoit par I'abb6 de Saint-Denys, lorsqu'il
donnoit roriflamme, se voit dans 1'histpire de cette
abbaye 3 ; mais quant au serment qui estoit fait par celui a
qui on en donnoit la charge, je Finsereray en cet endroit, par
ce qu'il n'a pas encore est6 publi6 : « C'est le serement que
« fait le chevalier a qui le roy bailie 1'oriflambe a porter.
« Vous jurez et promettez sur le precieux corps de Jesus
« Christ sacre cy-present, et sur le corps de monseigneur
« saint Denys et ses compagnons, qui cy sont, que vous
« loyalment en vostre personne tendrez et gouvernerez 1'ori-
« flambe du roy monseigneur, qui cy est, a 1'honneur et pro-
« fit de luy et de son royaume, et pour doute de mort, ne
« autre avanture qui puisse venir, ne la delaisserez, et ferez
« par tout vostre devoir, comme bon et loyal chevalier doit
« faire envers son souverain et droiturier seigneur. »
Plusieurs sont tombez en cette erreur, qu'ils ont cru que
l'oriflamme n'estoit tiree de 1'eglise de Saint-Denys que lorsque
nos rois avoient de facheuses guerres sur les bras pour
repousser leurs ennemis, qui venoient attaquer leurs Etats,
et pour les defendre contre leurs insultes, et non mie quant
an veut conquester autre pays, ainsi que Juvenal des Ursins *
parle en quelque endroit de son histoire, qu bien lorsqu'on
faisoit la guerre aux infideles, ainsi que Froissart 5 a avance:
parce qu'il est sans doute que cette enseigne a tousjours passe
pour la principale de nos armees, soit que la guerre fust entreprise
pour la defense des frontieres, soit qu'elle fust au
dedans contre les ennemis de 1'Etat. Memes le poete breton
temoigne qu'elle se portoit devant toutes les autres bannieres:
Omnibus in bellis habet omnia signa preire.
Ce que Rigord 6 assure pareillement en ces termes : « Vexillum
Sancti-Dionysii, quod omnes prsecedere in bella solebat. »
II y en a memes qui estiment que le poete florentin 7 a fait
allusion a cette coutume lorsqu'il a donne le nqm a la Vierge,
d'Oriafiamma, Pacifica : parce que comme l'oriflamme precedoit
toutes les autres bannieres, ainsi cette reine des cieux
estoit la conductrice des compagnies bienheureuses des
saints :
l.A. 1381. —2. Id. A. 1382.— 3. Doublet, 1. 1, c. 41. — 4. A. 1386. —
5. Vol. 2, c. 125. — 6. A. 1215. — 7. Dante, nel Parad. Cant. 31, rers. 127.
SUR L'HISTOTRE DE SAINT LOUYS. 61
Cosi quella pacifica Oriafiamma,
Nel mezzo s'avvivava; e d'ogni parte
Per igual modo allentava la flamma.
Mais afin qu'il ne reste aucun sujet de douter que cette
sacree banniere de Saint-Denys n'ait este portee en toute
sorte de guerre de nos rois, il est a propos d'en donner toute
1'histoire, et de marquer exactement les occasions ou elle a
este employee.
Pour commencer par Louys le Gros, qui fut le premier qui
devint possesseur du comte de Vexin, j'ay remarque qu'il la
fit porter dans ses armees lorsqu'il marcha contre 1'empereur
Henry V. Son fils Louis VII 1 , ayant entrepris le voyage
d'outremer en 1'an 1147, Ad iter tantse. peregrinationis venit,
ut moris est,ad ecclesiam Beati Dionysii a martyribus licentiam
accepturus : et ibif post celebrationem missarum, baculum peregrinationis
et vexillum B. Dionysii, quod Oriflambe gallice
dicitur, valde reverenter accepit, sicut moris est antiquorum
regum, quando solent ad bella procedere vel votum peregrinationis
adimplere*. Philippes Auguste, flls de Louys, estant
sur le point de faire le meme voyage, Ad ecclesiam beatissimt
martyris Dionysii cum maximo comitatu venit, causa licentiam
accipiendi. Consueverant enim antiquitus reges Francorum,
quod quandocumque contra hastes arma movebant, Vexillum
desuper altare Beati-Dionysii pro tutela, seu custodia, secum
portabant, et in prima acie pugnatorum ponebant 3 . Le meme
roy en la bataille de Bovines y porta encore roriflamme, ou
1'enseigne de Saint-Denys: « Vexillum Sancti-Dionysii, cum
« signo regali, vexillo scilicet floribus lilii distincto, quod
« ferebat die ilia Galo de Montiniaco, miles fortissimus, sed
« non dives *.» Ce que Guillaume le Breton 5 temoigne en
core, en ces vers :
Ast regi satis est tenues crispare per auras
Vexillum simplex cendato simplice textum,
Splendoris rubei, letania qualiter uti
Ecclesiana solet certis ex more diebus,
Quod cum flamma habeat vulgariter aurea nomen,
Omnibus in bellis habet omnia signa preire;
Quod regi 6 praestare solet Dionysius abbas,
Ad bellum quoties sumptis proficiscitur armis.
Puis, distinguant roriflamme de la banniere de France, il
ajoute :
Ante tamen regem signum regale tenebat
Montiniacensis, vir fortis corpore, Galo.
Et ainsi il paroit evidemment que Philippes Mouskes, en son
Histoire de France, s'est mepris lorsqu'il a confondu ces deux
bannieres:
Et par le conseil de sa gent,
Si a fait bailler esrament
L'oriflambe de Saint-Denyse,
A un chevalier par devise,
Walo de Montigny ot nom,
Qui moult estoit de grant renom.
L'auteur de la Chronique de I'abbaye de Senone 7 est aussi
tombe en cette erreur. Louys VIII, fils de Philippe, porta
encore l'oriflamme en la guerre contre les Albigeois, au recit
du meme Philippes Mouskes :
Armet se sont, et si ont prise
L'enseigne au roy de Saint-Denyse,
Vers Avignon u mult ot tors, etc.
Apres Louys VIII suit le roy saint Louys, son fils, qui, selon
Mathieu Paris 8 , fit porter l'oriflamme en la guerre qu'il cut
contre Henry roi d'Angleterre, 1'an 1242: « Mane autem facto,
« ecce nostri Anglici viderunt oloflammam regis Francorum,
« et eorum papiliones, cum vexillis. » II la fit encore porter
dans les deux voyages qu'il entreprit en la Terre Sainte. Le
sire de Joinville en rend le temoignage a 1'egard de celuy de
1'an 1248 : « A la main destre arriva la Gallee de 1'enseigne
« de Saint-Denys, etc. » Et apres luy Guillaume de Nangis :
« Rex cum legato sacrosanctam crucem Domini triumphalem
« deferente nudam et apertam, in quodam nassello erat, prae-
« cedente quoque juxta ipsos in alio nassello Beati-Dionysii
« martyris vexillo. » Guillaume Guiart nomme cette banniere
de Saint-Denys roriflamme :
1. Gesta Ludov. VII, c. 4. — 2. Rigord, A. 1190. — 3. Odo de Diogilo, 1. 1. —
4. Rigord, A. 1215. — 5. L. 2, Philip, p. 228. — 6. Gall, prester. — 7. C. 15. —
8. P. 399.