Glossarium mediae et infimae latinitatis Conditum a Carolo du ...

et qui participe en quelque facon aux prerogatives de sa
famille, dont il est oblige de conserver 1'honneur.
Ce privilege de porter les armes ou une partie des armes
du prince a este de tout temps estime tres-particulier, n'ayant
este confere qu'a ceux qui avpient beaucoup merite de I'Etat,
et qui luy avoient rendu de signalez services. Ce qui verifle
la maxime des politiques ', qui tiennent que les princes ont
souvent des moyens innocens pour recompenser, non-seulement
les hommes de merite, mais encore leurs favoris, sans
apporter un notable detriment a leurs finances, qui sont les
nerfs et le fpndement des Etats: parce qu'effectivement
1'honneur, qui est 1'unique aiguillon de la vertu, et non la
valeur des choses, donne le prix aux recompenses. Les couronnes
de laurier et d'autres plantes estoient trop peu de
chose a 1'egard des belles actions qu'elles combloient de
gloire, si une fin plus honorable ne leur eust donne quelque
relief. II n'y avoit rien de plus aise que ces surnoms que le
senat donnoit a ces grands chefs qui s'estoient signalez
dans les combats et qui avoient subjugue les provinces:
cependant il ne se pouvoit trouver une plus digne recompense
de leur courage qu'en les faisant connoitre a la posterite
par 1'imposition d'un nom qui comprenoit en peu de
lettres leur eloge et leurs beaux faits d'armes, et expliquoit
la grandeur et 1'excellence de leurs victoires : Qui uno cognomine
declarabatur non modo quis esset, sed qualis esset, dit
Ciceron 2 .
Je mets au rang de ces recompenses, faciles en apparence,
mais glorieuses en effet, les privileges que les princes ont
concedez a leurs sujets, ou autres seigneurs etrangers qui
avoient bien merite de leurs Etats, de porter leurs armes, ou
une partie parmi celles de leurs families. Aussi ils n'en ont
use qu'envers les personnes de consideration, et qui leur
avoient rendu des services signalez, laquelle sorte de recompense
se trouve avoir este pratiquee par les empereurs, les
rois, les dues, et les autres princes souverains, comme je vay
justifier par des exemples tirez de 1'histoire.
Et pour commencer par les empereurs d'Occident, je
remarque qu'ils en ont use plus que tous les autres. OTHON
I er du nom voulut que Louys et Pierre Del Ponte, Italiens,
portassent au chef de leurs armes 1'aigle de 1'Empire, et
prissent le nom d'Ofhoni. « Ex nostro proprio nomine, cogno-
« mine Othonis eorum familiam nominare , et insigniis
«'aquilam superaddere liberalitate augusta concedimus, »
ainsi que portent les patentes de cet empereur, du mois de
decembre de 1'an 963, rapportees par Sansovino 3 , si toutefois
elles sont veritables, parce qu'on peut mettre en doute s'il y
avoit des ce temps-la des armoiries stables, et affectees aux
families. OTHON surnomme le Roux donna pour armes a
Udalric, due de Boheme, son gendre, 1'aigle de 1'Empire, au
lie.u duquel VIadislas, second roy de Boheme, prit le lion,
qui luy fut donne par 1'empereur Frederic I er , apres qu'il eut
fait merveille au si6ge de Milan 4 . Le meme FREDERIC ayant
confere a Julio Mariom, gentil-homme d' Ugubio, le titre de
comte, il luy donna en meme temps le privilege d'ajouter
1'aigle de 1'Empire a ses armes, par ses lettres du mois
d'avril 1'an 1162 s . La maison de Jovio e , en Italie, reconnoit
que 1'aigle qu'elle porte au chef de ses armes est de sa concession,
ausquelles 1'empereur Charles-Quint ajouta les deux
colonnes d'Hercules, qui estoit sa devise. Conrad Malaspina' 1
eut en don de 1'empereur FREDERIC II un chef de 1'Empire
pour avoir vaillamment combattu au siege de Vittoria, dont
il estoit gouverneur, prise d'assaut par les infideles. Le sir
de Joinville 8 ecrit que Scecedun, chef des Turcs, qui estoit
le plus vaillant et le plus preux de toute payennie. portpit en
ses bannieres les armes de cet empereur, qui 1'avoit fait
chevalier, et qui probablement les luy donna. Matheo, ou
Maffeo Visconii, surnomme le Grand, recut de 1'empereur
ADOLPHE, avec le vicariat general de Milan et de Lombardie,
la permission de porter 1'aigle de 1'Empire, a un quartier de
ses armes 9 . HENRY VII, donna a Alboino delta Scala, prince
de Verone, le privilege de porter un quartier de 1'Empire en
ses armes, confirme depuis par 1'empereur Louis de Baviere
a .Can Grande, qui porta cet aigle en chef au-dessus de
1'echelle de gueules l(f . SIGISMOND ayant cree comte de Sanguinetto
Louys del Verme, gentil-homme de Verone, luy donna
1'aigle de 1'Empire, 1'an 1433, en laquelle annee il accorda la
meme prerogative a Jean-Francois de Gonzague, qu'il crea
premier marquis de Mantoue, luy donnant pour ses armes
quatre aigles de sable ". Quelque temps auparavant, scavoir
1. Scipione Ammirato, nelDiscors. Polit. 1. 2. — 2. Pro Fonteio. — 3. Nelle
Famig. illustri d'Hal. 1.1, p. 33. — 4. /Eneas Syl. in Hist. Bohem. c. 18, 24. —
5. Sansovino, p. 343. — 6. Paul. Jov. in Descript. Larii Lacus. — 7. Jean le
Laboureur, en la Geneal. de Malasp. — 8. P. 38. — 9. Sansovino. — 10. Joseph.
Scalig. in epist. de orig. gentis Scalig. p. 18. — 11. Sansov. 1. 1, p. 285, 359.
DISSERTATIONS
en 1'an 1413, il honora Francois Justinian, gentil-homme
genois et comte du sacr6 palais', de 1'aigle de 1'Empire, que
cette maison porte au chef de ses armes, par ses lettres inserees
en YHistoire de Visle de Chio 2 . Deux ans apres, estant a
Avignon, il permit a Elzeas de Sado, seigneur des Essars 3 ,
gentil-homme provencal, de charger 1'etoille de ses armes
de 1'aigle de sable. Un auteur aleman* remarque que dans
les actes manuscrits du concile de Constance, qui se conser^
vent dans les Archifs de cette ville-la, on y voit empreintes
les armes que cet empereur donna a diverses families de
diverses nations, durant la tenue du Concile : ou il ne faut
pas douter qu'il n'y en ait beaucoup qui obtinrent en cetemps-la
1'aigle de 1'Empire. FREDERIC IV crea, en 1'an 1451,
Borso d'Est s , marquis de Ferrare, et luy donna pour armes
d'azur a 1'aigle d'argent; il donna encore 1'aigle de I'Empire
a Manfredo, comte de Corregio, estant a Venise, le 23" jour
de may 1'an 1455. Jean Roverello e ayant est6 fait par le
meme empereur comte palatin en 1'an 1444, il luy permit de
porter 1'aigle de sable a c6te de ses armes. MAXIMILIAN I er
confera cette meme aigle 7 a Jean Bentivoglio II 8 du nom,;
prince de Bologne, pour la porter en un quartier de ses
armes, ayec cette devise: Mascimiliani munus; a Alberic
Cibo 8 , prince de Masse, lorsqu'il luy donna le titre de prince
de I'Empire : et a Raphael Grimaldi*, surnomme de Castro,
par lettres du 16 e jour de Janvier 1'an 1497, le faisant chevalier
et comte palatin. Le meme empereur ayant erige la ville de
Cambray en duche, en faveur de Jacques de Croy I0 , evesque,
luy permit, et a ses successeurs evesques, de porter au chef
des armes de leurs maisons 1'aigle de 1'Empire, brisfe d'un
lambel de gueules, par ses lettres patentes du 28 e jour de
juin 1'an 1510. L'empereur CHARLES Quint donna a Maximilien
Stampa", gentil-homme milanois, le marquisat de
de Sancino, et 1'aigle de I'Empire au chef de ses armes, pour
recompense de sa fidelite en la garde du Castello di Zobia de
Milan. Nicolas Grimaldi l2 , seigneur de Montalde, obtint, en
1'an 1525, du meme empereur le titre de comte palatin, et
1'aigle d'or en champ de gueules au chef de ses armes, qui
sont celles des empereurs de Constantinople, semblables a
celles que 1'empereur MANUEL Paleologue donna a Castellino
Beccaria l3 , qui le recut et le deffraya a Milan, lorsqu'il y passa
pour aller au concile de Florence, ce seigneur s'estant encore
employ^ envers les princes pour luy faire donner le secours
qu'il demandoit centre les Turcs.
Si nous venons en France, nous trouverons que les memes
recompenses y ont est6 en usage. Saint Louis, estant outremer,
donna le Chef de France a 1'Ordre tentonique 1 *. Passant
par Antioche, il permit au jeune prince Boemond VI
d'ecarteler ses armes, qui estoient vermeillees, au rapport du
sire de Joinville l5 , des armes de France. PHILIPPE de Valois,
selon quelques-uns l6 , permit a Guillaume de la Tour de
porter son escu sem6 de France. Mais M. Justel, en I'Histoire
des Comtes d'Auvergne ", estime que cette permission est
beaucoup plus ancienne, remarquant qu'au chateau de la
Tour, avant qu'il fust ruine, on voioit deux ecussons des
armes de la Maison de la Tour, gravez en une cheminee ba-t
tie 1'an 1218,1'un avec la tour simple, qui sont les anciennes,
1'autre avec le champ d'azur, sem6 de fleurs de lys d'or, et la
Tour d'argent, qui sont celles que les seigneurs de la Tour
d'Auvergne ont portees jusques a present. Le meme roy 18
permit li messire Pierre de Sal vain, seigneur de Boissieu,
homme de grand credit dans le conseil d'Humbert. dernier
dauphin de Viennois, d'ajouter a ses armes une bordure de
France, pour avoir este 1'un des principaux auteurs de la
cession faite de cette province en faveur de la France. II
voulut l9 encore que le cardinal Bertrand chargeat le chevron
d'azur de ses armes de trois fleurs de lys d'or, pour avoir
deffendu les privileges de FEglise gallicane contre Pierre
de Cuigneres, advocat au parlement. CHARLES V donna a la
la famille de Fabre une fleur de lys d'or ao . Estienne, roy ou
empereur de Servie 2I , ayant envoye en France Nicolo Bucchia,
son protovestiaire, en 1'an 1351, pour rechercher la fille
du roy Philippe de Valois en mariage pour son fils Urosc,
quoy que cette recherche n'eust eu effet, le roy Charles V,
voulant reconnoitre la bonne conduite de cet ambassadeur,
1. Giust. nell. Hist, di Gen. 1. 5, an. 1413. — 2. P. 116. — 3. Hist, de Prov.
p. 557. — 4. Goldast. torn. 2, Rer. Alem. p. 197. — 5. Gen. d'Est. — 6. Sansov.
I. 1, p. 275, 392. — 7. Id. 1. 1, p. 173. — 8. Jean le Laboureur, en la Gen. de la
Maison de Cibo. — 9. Carol, de Venasque, in Gen. Grirnald. p. 109. — 10. Jean.
Scob. en la Gen. de la Maison de Croy, p. 52. — 11. Leand. Alb. nella Descrip.
d'ltal. p. 404. — 12. Carol, de Venasque, in Geneal. Gent. Grimaldae, p. 114. —
13. Sansovino, 1. 1, p. 161. — 14. A. Favyn. — 15. En 1'Hist. de S. Louys.—
16. La Roque, en la Gen. de Bourbon, p. 34. — 17. Hist. d'Auvergne, p. 247. —
18. La Colomb. en son Recueil d'Armoiries— 19. Mathieu de Goussanc. au Martyr,
des Chev. de Malthe, p. 50. — 20. Mathieu de Goussanc, au Martyr, des Chev. de
Malthe, p. 288. — 21. Mauro Orbini, nella Istor. degli Slavi, p. 266.