Glossarium mediae et infimae latinitatis Conditum a Carolo du ...

90 DISSERTATIONS
Les dues et les petits princes souverains ont use pareillement
de ces concessions. Jean due de Lorraine et de Galabre'
donna les armes de Lorraine a Virgilio Malueszo, comte de
Castelguelfo, qui 1'avoit loge et recu en sa maison au voyage
que ce prince fit en Italie. Le due de Bourgogne permit a
N... Paterin. son chancelier 2 , de porter pour cimier de ses
armes un escu armoye des armes de Bourgogne, avec cette
devise : « Le due me 1'a dqnne. » Louis 3 , due de Bavieres et
empereur, passant en Italie Fan 1327, permit a Castruccio,
Due de Lucques, de porter les armes de Bavieres. Et 1'annee
suivante, estant a Francfort, il donna a Jacques et a Fancio
de Praia, comte de Luniciane en Italic, la couronne des armes
du duche de Bavieres pour la joindre au lyon de leurs
armes. Freher en a rapporte les lettres. L'empereur Robert,
prince palatin du Ehin, voulut que Jacomuzzo Attendula*,
duquel la famille des Sforza en Italie est issue, ajoutat le
lyon du Palatinat a ses armes, qui estoit une grenade.
Les republiques memes et les yilles ont souvent communique
leurs armes a des particuliers, comme a fait celle de
Venise 5 aux Maisons de Foscari, de Magno, et de Nani, des
plus illustres d'entre celles qui ont rang parmy les nobles de
cette republique, lesquelles portent en 1'escu de leurs armes
le lyon de Saint-Marc, qu'ils ont obtenu pour recompense
de services. Les chevaliers de Saint-Marc, en la meme republique,
ont le privilege de porter au cimier de leurs armes
1. Sansovino, p. 140. — 2. Science Heroique, p. 175. — 3. J. Villani, 1. 10,
c. 38 ; Freher. in Orig. Palat. c. 13. — 4. Paul. Jovius, in Vita Jacomuzzi Attend.
c. 18. — 5. Le Arme di tutti li nobili della Citta di Venetia.
un mufle de lyon. La republique de Gennes permit a Guillelmi
Cibo' (d'autres disent a Arano Cibo), vice-roy de Naples,
de porter au chef de ses armes la croix de gueules en champ
d'argent. Ceux de Padoue 2 donnerent a Richard, comte de
San-Bonifacio, le privilege de porter les armes de cette ville,
conjointement avec celles de sa famille, pour les services
qu'il leur rendit en la charge de Podestat. Ceux de Sienne 3
flrent le meme a 1'endroit de Blaise de Monluc, depuis mareschal
de France, pour avoir soiitenu vaillamment le siege
que 1'empereur Charles V mit devant leur ville. Enfin les
papes ont fait porter a quelques cardinaux de leurs creatures
un chef de leurs armes 4 : comme fit Pie IV, de la Maison
de Medici, aux cardinaux Sorbellon Bonromeo, Altaemps, et
Jesualdo. Le pape Jules III, du surnom de Monte, aux cardinaux
de la Corne et Simoncello; le pape Pie V, aux cardinaux
Mafeo, Santorio, de Cesi, Callio, Bonello; le pape Gregoire
XIII, du surnom de Boncompagno, aux cardinaux de la
Baulme, Vastavillano, de Berague, et Riario. Quant a ce que
Paradin 5 et ceux qui 1'ont suivy ont ecrit, que 1'Ordre de
Saint-Jean de Hierusalem pria Amedee IV, comte de Savoye,
de prendre les armes de la religion, en memoire des grans
services qu'il lui avoit rendus au siege de Rhodes, cela est
controverse; car A. Du Chesne 6 tient que cette croix que les
dues de Savoye portent est 1'escu des armes de la principaut6
de Piemont.
1. A. Favyn, 1. 8 du Theatre d'Honn.; Sansovino, et Jean le Laboureur, en la
Geneal. de Cibo. — 2. Sansovino, p. 140. — 3. A. Favyn, 1. 7 du Theatre d'Honn.
p. 1343. — 4. Hist, de Nivernois, p. 189. — 5. Aux annal. de Savoye, 1. 2, c. 115.
— 6. Hist, de la Maison de Bethune, p. 205.
EXPLICATION DES INSCRIPTIONS DE LA VRAYE CROIX
QUI EST EN L'ABBAYE DE GRANDMONT,
ET DE CELLE QUI EST AU MONASTERE DU MONT SAINT-QUENTIN EN PICARDIE.
Entre les plus rares reliquaires que la France chretienne
possede aujourd'huy est celuy de la vraye Croix, que 1'abbaye
de Grandmont en Limosin conserve religieusement, adorable
pour le bois sacre qu'il enferme, que Dieu a voulu employer
pour seryir d'organe a nostre redemption. Ce pieux objet de
la devotion des fi deles merite une veneration toute particuliere,
tant pour son antiquite que pour la main royale qui
en a regale cet illustre monastere. Les inscriptions grecques
qui se lisent au dos de ce reliquaire ont exerce la plume d'un
des plus scavants et des plus eloquens personnages de nostre
siecle', lequel y a fourny de si belles et de si doctes remarques,
que c'est une espeee de temerite de s'en departir.
Mais comme c'est un champ ouyert a tout le monde, et que
dans les choses obscures, et qui sont exposees aux divinations,
il est loisible a un chacun de produire ses conjectures,
je me donneray la liberte d'etaler icy les miennes, quelque
foibles qu'elles soient, sur une matiere peu certaine, apres
m'estre precautionne de ce trait de Symmachus* : « liceat
« inter olores canoros anserem obstrepere. »
Ces sortes de reliquaires ajustez en forme de croix, ou
memes contenans des portions du bois sacre, sont reconnus
vulgairement par les auteurs grecs du nom de 9uXaxTYipiov,d'ou
quelques Peres de 1'Eglise et autres auteurs latins ont forme
celui de filaterium. Saint Gregoire le Grand, pape, en a use
en 1'une de ses epitres 3 , en ces termes : « Adalowaldo regi
« transmittere filateria curavimus, id est crucem cum ligno
« S. Crucis. » Et Richard, prieur 'd'Hagulstad * : « fecit igi-
1. M. Francois Ogier, en 1'Inscript. de la vraye Croix de 1'Abb. de Grandmont. —
2. L. 10, ep. 54. — 3. L. 12, ep. 7. — 4. De Episc. Hagulstad. c. 9.
DISSERTATION XXVI.
« tur illam (redditionem) cum pulchro filaterio, scilicet cruce
« argentea in qua... sanctorum reliquiae continentur. » D'ou
il est aise de restituer ce mot, qui est corrompu, dans 1'ancien
interprete de Juvenal : « Nam et Niceteria filateria
« sunt, quae ob victoriam fiebant, et de collo pendentia ges-
« tabant' » ; pu 1'imprime porte mal en deux endroits syllateria.
Nos poetes francois se servent souvent aussi du motde
filatiere, en ce sens : le Roman de Garin :
Porter lor fet et crois et encensiers,
Les filatires, les seintueres chers.
Ailleurs :
Ne filatires, ne crucifix dorez.
Et Guillaume Guiart, en la vie de Louys VIII:
Calices, fiertes, filatieres.
Chapes de coeur, viez sainctuaires.
II y avoit deux sortes de ces reliquaires ; les uns, plus
grands, qui se conservoient religieusement dans les eglises,
pour estre exposez a la veneration et a la devotion des fideles
; les autres, plus petits, que les particuliers portoient
pendus au col (ce que 1'in'terprete de Juvenal a touche), pour
leur servir comme de preservatif centre toute sorte d'accidens
; c'est pour cela que dans la plupart des auteurs grecs
cette espeee de reliquaire est nomme aTowpbs l^\moi;t ou
1. Sat. 3.