Glossarium mediae et infimae latinitatis Conditum a Carolo du ...

gnite et de la fonction desquels il y a une constitution de
Louys IV', empereur de 1'an 1328, rapportee par Goldast.
Guntherus* remarqueque de son temps les empereurs ayoient
un comte palatin en Italie, qui faisoit sa residence ordinaire
a Lunello, chateau qui estoit des dependances de 1'Empire :
Aspice quam turpi Lunelli nobile castrum,
Atque palatini sedem, fidosque penateis
Verterat ilia dolo, comitem civeisque vocabat
Perfida, etc.
Et incontinent apres il decrit ainsi la fonction de ce comte,
en ces vers :
Et nunc iste comes censors et regius aulae,
Ille potens princeps, sub quo romana securis
Italiae punire reos de more yetusto
Debuit, injuste victrici cogitur urbi
Ut modicus servire cliens, nulloque relicto
Jure sibi, dominae metuit mandata superbae.
Mais il est sans doute qu'il y a erreur en ces vers de Guntherus,
et qu'au lieu de Lunelli nobile castrum, il y faut restituer
Lumelli ou Lomelli: car il entend parler des comtes
palatins de Lomello, dans le district de Pavie, dont il est fait
mention dans les patentes de 1'empereur Frederic I, de 1'an
1164, par lesquelles il donne a Guy, Geoffrey, et Ruffin, qui y
sont qualiflez comites palatini de Lomello. le chateau de Poblezano,
assis au comte et en 1'evesche de Plaisance, et prend
tous leurs biens en sa protection. Elles sont inserees dans
un grand registre de la chambre des comptes de Paris 3 ,
contenant les privileges des nobles 4 des citez de Pavie, de
Cumes, de Verceilles, de Novare, et d'Alexandrie, avec plusieurs
autres chartes des empereurs d'Allemagne expediees
en fayeur de cette famille, desquellesil resulte que les comtes
palatins de Lomello avoient entre autres prerogatives, a raison
de cette dignite, le privilege de porter I'epee devant
1'empereur lorsqu'il estoit en Lombardie : pour marque de la
justice souveraine, appellee jus gladii paries jurisconsultes,
.qui leur avoit este accordee dans 1'Italie. Ce titre de comte
palatin en Italie a este change depuis en celui de vicaire de
1'Empire, qui a este donne par les empereurs a divers princes
et potentate d'ltalie.
Les comtes du palais estant envoyez dans les provinces
commettoient quelquefois des lieutenans aux endroits ou ils
ne pouvoient se transporter, lesquels sont appellez vicomtes
du palais en la Chronique de saint Vincent de Wlturne s , et
lieutenans dans une Notice de saint Martin de Tours 6 , ou il
est fait mention d'Adalardus, locum tenens vice Ragenarii
comitis palatii. Quelquefois memes les comtes des lieux estoient
commis par eux pour juger souverainement en leurs
places les differens des parties, comme nous apprenpns du
cartulaire du monastere de Casaure 7 : « Ego Heribaldus
« comes, in vice comitis Palatii (Hucboldi scilicet, qui sub
« Ludov. II. imp. id muneris obiisse dicitur in eqd. Tabul.)
« ad singulas hominum justitias faciendas, vel deliberandas,
« residentibus mecum Lecinaldo et Erifredo, et Cariprando,
« bassis domini imperatoris, Adelberto, Joanne, Majulfo
« judicibus, etc. » Ce titre fait voir encore que les vassaux
du prince estoient appellez aux jugements des comtes du
palais, avec les juges des lieux: ce qui peut avoir donne
1'origine a la justice et a la cour des pairs, qui n'estoient
autres que les vassaux d'un seigneur, ainsi nommez, parce
qu'ils estoient egaux entre eux, et relevoient egalement d'un
autre. II est encore parle de cet Heribald en un autre jugement,
rendu la vingt-quatrieme annee de 1'empire de
Louys II, le quatrieme du mois de decemb. indict. 7 au meme
cartulaire, pu la qualite de comes sacri palatii lui est donnee.
Mais ce qui est remarquable est qu'il y reconnoit lui-meme
qu'il ne scait ecrire, dans la souscription, en ces termes :
« Signum Heribaldi comitis sacri palatii, qui ibi fui; et
« propter ignprantiam litterarum, signum S. Crucis feci. »
D'oti il s'ensuit que ces dignitez n'estoient pas toujours conferees
aux personnes scavantes, et qu'elles n'ont pas toujours
este du nombre de celles que Cassiodore 8 appelle litterarum
dignitates, parlant de la charge de questeur.
Comme done il y a eu des comtes provinciaux. ausquels on
a commis le vicariat, ou la lieutenance des comtes palatins.
pour exercer en leur absence les jugemens souverains, et
ceux des affaires qui regardoient le bien de 1'Etat dans le
district de leurs comtez; il y en a eu d'autres qui ont obtenu la
1. Tom. 1 Constit. Imper. — 2. L. 3. Ligar. — 3. Com. par M. d'Herouval. —
4. Fol. 31 et seq. et fol. 237 et seq. — 5. Lib. 2, t. 3, Hist. Fr. p. 690. —
6. Pancharta Nigra. — 7. N. 237. — 8. L. 1, ep. 12 : 1. 5, ep. 4; 1. 8, ep. 18.
SUR L'HISTOIRE DE SAINT LOUYS. 51
dignite de comtes du palais, conjointement avec celle de
leurs comtez, ou gouvernemens particuliers, pour en faire la
fonction seulement dans leur etendue, et pour, en consequence
du pouvoir qui y est annexe, juger les differens en
dernier ressort, ayans a cet effet la puissance et 1'autorite
royale en toutes choses. Bracton ', auteur anglois, apres avoir
dit qu'il n'y a que le roy qui puisse juger les traitres et les
criminels de leze-majeste,ajoute :« Et haec verasunt, nisi sit
« aliquis in regno quiregalemhabeatpotestatem in omnibus,
« sicut sunt comites paleys. » D'ou nous apprenons que
Richard I, roy d'Angleterre, a entendu parler de cette jurisdiction,
ou justice souveraine, lorsqu'il donne a 1'evesque et a
Feglise de Dune]me certaines possessions, cum dominio et
libertatibus comitis palatini, c'est a dire avec toute haute
justice, telle qu'estcelle qui appartientau comte du palais 2 .
Car ainsi qu'il est enonce en une ancienne constitution touchant
la fonction du comte palatin, rapportee par Goldast 3 ,
le comte palatin adeo amplam potestatem, junsdictionem. et
auctpritatem habet, ut dempta regia dignitate. nullus omnino
justitiariorum ampliorem. sed neque parem habeat.
Toutefois, en ce cas la dignite de comte du palais n'estoit
pas tenement annexee a celle de comte provincial, qu'il ne
fust en la liberte du prince de Ten separer, s'il le jugeoit a
propos, et d'en priver le comte, si le cas y echeoit, qui pour
cela ne laissoit pas de demeurer en la jouissance de sa premiere
dignite de comte provincial. Arnoul de Lubec fait voir
clairement cette verite, ecrivant au sujet du comte palatin
du Rhin * : « Palatinus sane qui partes fratris instanter
«juvabat, continuas minas a Philippe audiebat, quod digni-
« tatem palatii, quam circa Rhenum habebat, perderet nisi
« a fratre recederet ; dicebat enim se nolle tolerare, quod
« rebus palatii gravaretur, quas ipse etnon alius dispensare
« videretur, » ou il esta observer que le comte palatin est
dit avoir eu cette charge aux environs du Rhin : ce qui est
conforme a ce que Guntherus ecrit du comte Herman s :
.... Hermannus. sacrse comes additus aula3,
Cujus erat tumido tellus circumflua Rheno.
Les empereurs allemans, suivans le meme u-sage, ont etabli
des comtes palatins dans les autres provinces de leur Empire,
ayant communique cette dignite a divers comtes.
Quelquefois ils ont donne ce titre a quelques seigneurs dans
1'etendue de la seigneurie des dues ou des comtes provinciaux,
pour y exercer la jurisdiction imperiale en leur nom :
car il est hors de controverse qu'il y a eu des comtes palatins
dans la Saxe, dont Rineccius a donne la genealogie 6 , qui
estoient autres que les dues de Saxe : et 1'histoire parle souvent
des palatins de Schiern et de Witelespach, qui Font
possedeedans la Baviere, qui avoit ses dues. Memes les palatins
du Rhin avoient cette dignite dans la Franconie, qui
avoit aussi les siens. La Lusace en a eu pareillement, au
recit de Lambert de Schaffnabourg 7 . L'empereur Frederic I
joignit ou plut6t confera la dignite de comte du palais a
Othon, son flls, comte de Bourgogne, en 1'etendue de ses
Etats 8 . La Chronique d'Hildesheim fait mention d'un grand
nombre d'autres comtes palatins d'Allemagne 9 . Enfin pour
user des termes du Speculum Saxon. : « QuaBlibet provincia
« terras Theutonicae habet suum Palansgravionatum, Saxonia,
« Bavaria, et Franconia I0 . »
Les rois de Bourgogne ont eu aussi leurs comtes palatins,
entre lesquels je remarque un Odolric, reyetu de ce titre en
une patente du roy Conrad de 1'an 900, qui se voit dans le
Cartulaire de I'abbaye de Cluny " de la bibliotheque de M. de
Thou. La Pologne et la Hongrie ont eu pareillement de tout
temps leurs palatins, dont la dignite et rautorite est grande
encore a present en ces royaumes-la. Mais je ne pretends
pas en cet endroit m'etendre sur les comtes palatins d'Allemagne
et des autres pays, pource que cette matiere a este
traitee par les auteurs allemans l2 , et par le scavant Selden l3 .
en son liyrerfes Titresd'honneur: aussi je n'ay entrepris cette
dissertation qu'au sujet des comtes palatins de France, et
pour faire voir que nos rois ont eu ces officiers dans leurs
palais des la naissance de la monarchic, qu'ils les ont conservez
longtemps, meme bien avant dans la troisieme rage,
et enfin que toutes les autres nations ne les ont empruntez
que d'eux.
Pour justifier ce que j'avance. je me sens oblige d'en faire
1. L. 3, de Corona, c. 3, § 4. — 2. Tom. 1, Monast. Angl. p. 47. — 3. Tom. 2
Constit. Imper. p. 403. — 4. Arnold. Lubec. 1. 6, c. 6. — 5. Lib. 5. Ligur. —
6. In append, ad Wilik. — 7. A. 1057. — 8. Gol. 1. 2. rer. Suev. c. 37. — 9. An.
1034,1038,1085,1095, 1099, 1105, 1108, 1111,1113,1120. Hist, de Mets, p. 309.
— 10. Spec. Sax. 1. 3, art. 53, § 1. — 11. Fol. 199. — 12. Freher. de Orig. comit.
palat. — 13. Part. 2, c. 1, g 33 et seq.