Glossarium mediae et infimae latinitatis Conditum a Carolo du ...

42 DISSERTATIONS
endroits de ses poemes, pour dire le sommet d'honneur, se
sert de ces facons de parler:
C'est d'honneur la droite montjoie.
Ailleurs:
Car je vy d'honneur la montjoie.
Et plus bas:
C'estoit montjoie de doulours.
Doublet' remarque que la royale abbaye de Saint-Denys a
conserve pour devise de ses armes ces mots, Montjoye Saint
Denis. La Chronique manuscrite de France de la bibliotheque
de M. de Mesmes donne pour cry au comte de Saint-Paul, a
la bataille de Bovines, Montjoie a Chastillon, qui estoit compose
de celuy du roy et de celuy de sa famille.
Comme les rois de France invoquoient dans leur cry d'armes
1'assistance de saint Denis, comme le principal protecteur
de leur royaume 2 , ainsi les rois de Castille imploroient
celle de I'ap6tre saint Jacques, patron tutelaire de leurs
Etats, dont le corps et les pretieuses reliques reposent a
Campostelle, au royaume de Galice, par ce cry, San lago !
qu'ils crioient dans les combats. La Chronique manuscrite
de Bertrand du Guesclin, decrivant la guerre d'entre Pierre
le Cruel, roy de Castille, et Henry le Batard :
Car j'ay ouy saint Jacques reclamer et huchier.
Us commencerent a user de ce cry depuis le regne de dom
Ramir, roy de Leon 3 , qui deflt plus de soixante mille Mores
1'an 944, en la bataille de Clavijo, laquelle il avoit entreprise
a la persuasion de ce saint, qui lui apparut en songe *, ou il
lui promit la victoire, et de se trouver lui-meme au combat,
comme protecteur de 1'Espagne; ce qu'il fit, y ayant paru
monte sur un cheval blanc, avec un etendart de meme couleur,
charge 'd'une croix rouge, combatant et encourageant
les Chretiens. « Ex tune haec invocatio inolevit, Deus adjuva
« et sancte Jacobe, » ainsi qu'ecrit Roderic, archevesque de
Tolede 5 : quelques auteurs toutefois revoquent en doute la
verit6 de cette histoire 6 .
Les rois d'Angleterre crioient Saint George ! ainsi que nous
apprenons de Froissart, de Monstrelet, et autres 7 . Thomas
de Walsingham, parlant d'un combat d'Edouard III, pres de
Calais : « Rex Eduardus provide frendens apri more, et ab ira
« et dolore turbatus, eyaginato gladio, sanctum Edwardum et
« sanctum Georgium invocavit. dicens: Ha sancte Edwarde!
« Ha saint George! » Robert d'Artois, combatant en Flandres
avec les Anglois centre les Francois , y cria Saint
George! Martial de Paris, parlant de la prise de Pontoise,
1'an 1437 8 :
Quand ils se virent les plus forts,
Commencerent a pleine gorge
Crier tant qu'ils peurent alors:
Ville gagnee! vive saint George 1
Roger, comte de Sicile, flls de Tancrede, le reclama pareillement
dans les combats 9 . La maison de Vienne au duche de
Bourgogne crioit Saint Georges au puissant due! I0 La devotion
des empereurs et des princes a este de tout temps
tres-grande envers saint Georges ; ils 1'ont invoque dans les
batailles, et plusieurs d'entre eux, ayant ressenti des secours
visibles par son intercession, lui ont dresse des autels et
baty des temples. Les empereurs d'Orient " le representoient
dans 1'un de leurs douze etendarts dont ils se servoient dans
les ceremonies ; et ceux d'Occident ' 2 , qui ont eu pareillement
une grande confiance en 1'intercession de ce saint, en ont un
qui se porte conjointement avec 1'aigle de 1'Empire aux entrees
solennelles des empereurs. Les dauphins de Viennois l3
recevoient 1'investiture du Dauphine par 1'epee ancienne du
delphinat et la banniere de saint Georges. Les Ethiopiens et
Jes Abyssins 1'avoient aussi en grande veneration, comme il
est remarque par le Tasso '*. Ceux que Ton appelle Georgiens
dans 1'Orient sont ainsi nommez, acause que dans les batailles
centre les infideles ils invoquent saint Georges, et parce qu'ils
1. Aux Antiq. de Saint-Denys, 1. 1, c. 18. — 2. Suger. in Lud. VI; Loisel aux
Mem. de Beauvais, p. 154; Froiss. v. 3, c. 14. — 3. Lud. Nonnius, in Hisp. —
4. Lucas Tudens. in Chr. sera 880. — 5. Roderic. Tolet. 1. 4, c. 13 ; 1. 9, c. 16. —
6. Sandoval, au traite de la bat. de Clavijo ; Marca, au 1. 3 de 1'Hist. de Beam, c. 7,
n. 3. — 7. Henry Knighton, p. 2508; Chron. de Fland. c. 79. — 8. Vigiles de
Chart. VII. —9. Gaufr. Malalerra, 1. 2, c. 33. — 10. Le Roy d'armes. —11. Cedren.
Codin. de Offic. — 12. Chron. Reichersp. p. 275 ; Ceremon. Rom. 1. 1, p. 50. —
13. A. Du Ches. enl 'Hist, des Dauf. — 14. Canto 2, stanz. 23.
ont une particuliere cpnflance en son intercession, suivant
la remarque du cardinal Jacques de Vitry'; laquelle se
trouve confirmee par ces vers de Gautier de Mets, tirez de
son Roman intitule la Mappemonde:
Celle gent sont boin chrestien,
Et ont a nom Georgien :
Car Saint Georges I crient toujours
En bataille, et es estours
Centre paiens, et si 1'aourent
Sur tous autres, et 1'honnourent.
L'Eglise romaine 2 a coutume de 1'invoquer avec saint Maurice
et saint Sebastien dans les guerres que les Chretiens ont
centre les ennemis de la foy. Enfin c'est le patron des chevaliers
; et dans les serments qui se faisoient par ceux qui
devoient se battre en duel, il y est appelle saint Georges le
bon chevalier. Lorsqu'on faisoit les chevaliers, ils se faisoient
au nom de Dieu et de monsieur saint George. Un auteur ancien 3
remarque que Robert, comte de Flandres, qui se trouya aux
premieres guerres saintes, fut surnomme filius Georgii parcequ'il
estoit vaillant chevalier. Les rois d'Angleterre* 1 ont
choisi pour patron de 1'ordre de la Jarretiere, dont le collier
porte 1'image de ce saint figure en cavalier delivrant une
dame, preste d'estre devoree d'un serpent. Le cardinal
Baronius 5 a donn6 la raison pourquoy il est ainsi represents
par 1'Eglise Romaine; car les Grecs le figuroient et le depeignoient
autrement, ainsi qu'Augerius Busbequius 8 a remarque.
II y a eu encore d'autres ordres erigez sous son nom,
que je passe sous silence, aussi bien que tout ce que le scavant
Selden a ramasse sur le sujet de ce saint 7 .
Les dues de Bretagne avoient pour cry Malou, ou, selon
quelques Provinciaux, Saint Malo au riche due. Monstrelet 8
et Berry, heraud d'armes, en I'Histoire de Charles VII, disent
que les Bretons a la prise du Pont de 1'Arche, 1'an 1449,
crierent Saint Yves Bretagne! L'histoire remarque que Charles,
due de Bretagne, de la maison de Chatillon 9 , portoit
une devotion si particuliere a ce saint, qu'il voiia d'aller nus
pieds jusques a 1'eglise de Triguier, ou son corps repose, depuis
le lieu de la Rochedarien,ou il avoit este pris en oataille.
Froissart I0 ecrit que Bertrand du Guesclin, connetable de
France et gentilhomme breton, crioit Saint Yves Guesclin I
Le comte de Douglas, Escossois, dans le meme Froissart,
crioit Douglas Saint Grilles ! qui estoit en veneration parmy
les Escossois, particulierement dans Edimbourg, capitale
d'Escosse. Les Liegeois, dans Monstrelet", crient Saint
Lambert! patron du Liege.
Tous les cris de guerre n'estoient pas toujours concus en
termes d'invocation; car souvent ils estoient tirez de quelques
devises des ancetres, qui avoient leur origine de quelque
ayenture notable, ou de quelques mots qui marquoient la
dignit6 ou 1'excellence de la maison; ils estoient meme quelquefois
tirez des armoiries ; et le plus ordinairement le simple
nom de la famille servoit de cry. Nous avons plusieurs
exemples de la premiere sorte de ces cris enoncez en forme
de devises, tirees pour la plupart de quelque action genereuse,
ou de quelques discours de bravade tenus dans les
occasions de la guerre. Ce sont ces cris qui sont appellez par
Guibert, abbe de Nogerit l2 , awogans varietas signorum, lorsqu'il
parle de nos Francois qui alloient en la guerre sainte :
« Remota autem arroganti varietate signorum, humiliter in
« bellis fideliterque conclamabunt: Deus id vult.» Ce qui fait
voir 1'antiquite de ces cris d'armes, et qu'ils estoient en
usage parmy nos Francois avant les guerres d'outremer. Tel
fut le cry des comtes de Champagne et de Sancerre, Passavant
li meillor, ou Passavant la Thibaut l3 , qui leur fut si
familier, qu'aucuns d'eux le porterent en leur contreseel pour
devise, comme 1'on peut voir en un seau de Thibaut IV, surnomme
le Posthume, qui est pendant a une charte de 1'an
1217, dont 1'original est au tresor de Saint-Martin de Paris,
et a une autre, de 1'an 1223, qui a est6 represent^ par M.
Perard. La vieille Chronique de Normandie '*, apres Gasce en
son roman, donne aussi a Thibaud I, dit le Tricheur, comte
de Chartres, le cry de Passavant, au combat qu'il fit contre
Richard I, due de Normandie l5 , sur la riviere d'Arque: je
1. L. 1, c. 79. Sanut. — 2. Baron, ad Martyr.; Godefr. Mon. an. 1190. — 3. Taeano
Patav. Hist. Exped. Asiat. Frid. 1, torn. 5. Canis. — 4. Guido Pap. quest. 622;
Gesla Franc, exp. Hierus. p. 574 ; Thorn. Smith, de Rep. Angl. 1. 1. — 5. Loco cit.
— 6. In Itiner. p. 58. — 7. V. Selden. Titles of Honors, et ce que je remarque sur
Ann. Comn.; A. Du Ches. en 1'Hist. de Montmor. 1.1, c. 4. — 8. Vol. 3 ; Berry, en
1'Hist. de Charl. VII, p. 168. — 9. Hist, de la mais. de Chastillon. — 10. Vol. 1,
c. 120; vol. 2, c. 10, 148. — 11. Vol. 1, c. 47 ; ^Egid. Mon. Aur. Vail. c. 18. -
12. L. 2, c. 1; Perard, en ses Mem. de Bourg. p. 331. — 13. Pithou, es Mem. des
comtes de Champ, p. 570. — 14. Hist, de Montmor. 1. 1, c. 4. — 15. Phil. Monet,
en son Trait 6 des armoir.