Glossarium mediae et infimae latinitatis Conditum a Carolo du ...
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28 DISSERTATIONS<br />
ajoute que quelques-uns en rapportent 1'origine <strong>et</strong> 1'institution<br />
au roy saint Louys.<br />
Apres tous ces exercices militaries que je viens de nommer<br />
est celui de la Quintaine, qui est une espece de bust pose<br />
sur un poteau, ou il tourne sur un pivot, en telle sorte que<br />
celui qui avec la lance n'adresse pas au milieu de la poitrine,<br />
mais aux extremitez, le fait tourner; <strong>et</strong> comme il tient<br />
dans la main droite un baston, ou une epee, <strong>et</strong> de la gauche<br />
un bouclier, il en frappe celui qui a mal porte son coup. G<strong>et</strong><br />
exercice semble avoir este invente pour ceux qui se servoient<br />
de la lance dans les joustes, qui estoient pbligez d'en frapper<br />
entre les quatre membres, autrement ils estoient blamez<br />
comme maladroits. II est parle de la quintaine dans Robert<br />
le Moine ', en son Histoire de Hierusalem : « Tentoria variis<br />
« ornamentorum generibus venustantur, terra? infixis sudi-<br />
« bus scuta apponuntur, quibus in crastinum quintanae,<br />
« lu<strong>du</strong>s scilic<strong>et</strong> equestris, exerceatur. » Mathieu Paris 2 :<br />
« Juvenes Londinenses, statuto Pavone pro bravio, ad sta-<br />
« dium, quod vulgariter quintena dicitur, vires proprias <strong>et</strong><br />
«c equorum cursus sunt experti. » La Chronique de Bertrand<br />
<strong>du</strong> Guesclin :<br />
Quintaines y fist drecier, <strong>et</strong> j ouster y faispit,<br />
Et donnoit un beau prix celui qui mieux joustoit.<br />
Une autre chronique manuscrite <strong>du</strong> meme <strong>du</strong> Guesclin 3 :<br />
« Fist faire quintaines, <strong>et</strong> joustes d'enfans, <strong>et</strong> manieres de<br />
« tournois. » Enfin le Roman de la Malemarastre : « Emmy<br />
« les prez avoit une assemblee de barons de c<strong>et</strong>te ville, <strong>et</strong><br />
« tant que ils drechoient une quintaine, <strong>et</strong> qui mieux le fai-<br />
« soit, si avoit grant loange. » Les Grecs memes ont connu<br />
c<strong>et</strong> exercice, que Balsamon* appelle Kyvravoxovra?, parce<br />
que Ton s'y exercoit avec le contus, ou la lance. Mais je crois<br />
qu'il n'a pas bien rencontre lorsqu'il a dit que ce jeu a este<br />
ainsi appelle <strong>du</strong> nom de Quintus, son inventeur. II est plus<br />
probable qu'il fut ainsi nomme parce que les habitans des<br />
villes, a qui il estoit plus familier, 1'alloient exercer dans la<br />
campagne, qui en estoit voisine, <strong>et</strong> dans la ban-lieue, que<br />
les coutumes <strong>et</strong> les titres appellent quintes, ou quintaines s .<br />
Isidore 6 , Papias, <strong>et</strong> jElfric, disent que quintana est c<strong>et</strong>te<br />
partie de la rue oft un chariot peut tourner, pars plateas qua<br />
carpentum provehi potest. D'ou Ton ppurroit recueillir que<br />
comme les habitans des villes choisissoient les carfours,<br />
comme des lieux spacieux, pour tirer a la quintaine, le nom<br />
leur seroit demeure de ces quintaines, ou carfours. J'ay fait<br />
voir cy-devant comme les seigneurs obligeoient leurs suj<strong>et</strong>s<br />
de courir la quintaine; sous la peine de quelque amende.<br />
Gel a est encore confirme par les remarques que Ragueau 7<br />
fait a ce suj<strong>et</strong>.<br />
La noblesse estoit tenement portee pour les tournois, que<br />
plusieurs en choisissoient les occasions pour s'y faire faire<br />
chevaliers. Et tant plus on s'y estoit trouve, tant plus on<br />
estoit en reputation de valeur <strong>et</strong> d'adresse. Jean, <strong>du</strong>e de<br />
Brabant 8 , qui perdit la vie dans une jouste, 1'an 1294, s'estoit<br />
rencontr6 en soixante <strong>et</strong> dix tournois, tant en France, en<br />
Angl<strong>et</strong>erre, en Alemagne, qu'autres pai's elpignez. De sorte<br />
que pour louer un yaillant chevalier on disoit qu'il avoit<br />
frequente les tournois, eloge qui est donn6 a Roger de Mortemer,<br />
chevalier anglois 9 , en son epitaphe, qui se voit au<br />
priore de Wigmore :<br />
Militiam scivit, semper tormenta lo subivit.<br />
Aussi les rois favorisoient tellement les gentilshommes dans<br />
ces occasions, qu'ils ordonnerent qu'ils ne pourroient estre<br />
arr<strong>et</strong>ez en leurs personnes, ni leurs biens saisis pour leurs<br />
d<strong>et</strong>es, tandis qu'ils seroient aux tournois. Ce que j'apprens<br />
d'un ancien acte " contenant « la vente faite par Jean de<br />
« Flandres, chevalier, sire de Crevecoeur <strong>et</strong> d'Alleuz, de onze<br />
« vingt sept livres dix-huit sols huit deniers de rente, avec<br />
« faculte de le pouvoir prendre, <strong>et</strong> arr<strong>et</strong>er, <strong>et</strong> de tenir, luy,<br />
« ses hoirs <strong>et</strong> successeurs, <strong>et</strong> leurs biens en tournoy, <strong>et</strong><br />
« hors tournoy, en parlement <strong>et</strong> hors parlement, <strong>et</strong> nomme-<br />
« ment par tout ou ils seront trouvez, jusques adonc qu'ils<br />
« auroient fait gr6 a plain de la rente eschue, <strong>et</strong> de la peine,<br />
« <strong>et</strong>c. Ladite rente ratifiee par Beatrix de S. Paul, sa femme,<br />
« <strong>et</strong> confirmee par le roy, comme sires souverains, au mois<br />
« de mars 1316, confirmee par le roy en may 1317. »<br />
Je finiray c<strong>et</strong>te dissertation par 1'ordonnance faite sur les<br />
i. L. 5, p. 51. — 2. A. 1253, p. 578. — 3. Ch. 3. — 4. In Nomoc. tit. 13, c. 29.<br />
— 5. Chiffl<strong>et</strong>, en sa Beatrix, p. 48. Coust. d'Angers, art. 35. — 6. L. 15, orig. c. 2.<br />
Papias. Gloss. Sax. MKr. — 7. Au mot Quintaine. — 8. M. Chr. Belg. A. 1294.<br />
— 9. Monast. Angl. t. 2, p. 229. — 10. Pour torneamenta. — 11. Reg. <strong>du</strong> Parlem.<br />
commengant a Tan 1316. f. 242.<br />
tournois', tiree de 1'ancien Ceremonial, laquelle est conceue<br />
en ces termes :<br />
« C'est la maniere <strong>et</strong> 1'ordonnance, <strong>et</strong> comment on soulloit<br />
« faire anciennement les tournois.<br />
« ITEM le cry est tel : OR oyez, seigneurs chevaliers, que<br />
« je vous fais ascavoir le grand digne pardon d'armes <strong>et</strong> le<br />
« grand digne tournoyement de par les Francois <strong>et</strong> de par<br />
« les Vermandoiciens <strong>et</strong> Beauvoisins, de par les 2 Poitiers <strong>et</strong><br />
« les Corbeiois, de par les Arthisiens <strong>et</strong> les Flamens, de par<br />
« les Champenois <strong>et</strong> les Normans, de par les Angevins, Poi-<br />
« tevins <strong>et</strong> Tourangeaux, de par les Br<strong>et</strong>ons <strong>et</strong> Manceaux,<br />
« de par les Rives 3 <strong>et</strong> Hasbegnons*, <strong>et</strong> de par tous autres<br />
« chevaliers, qui accordez s'y sont, <strong>et</strong> accorderent qui venir<br />
« y vouldront, a estre aus hostieux accompagnez le dimanche<br />
« apres S. Remy, <strong>et</strong> les diseurs prins, Percheyal de Varennes,<br />
« <strong>et</strong> Witasse sire de Campregny 5 , <strong>et</strong> conseillers le sire de<br />
« Meullant <strong>et</strong> le sire de Hangest, <strong>et</strong> pour faire fenestre le<br />
« lundy, pour tournoier le mardy, <strong>et</strong> de batesist marthe*.<br />
« pource qu'il ne auroit pas ses chevaus ne son harnois, il<br />
« pourroit faire cesser le tournoy jusques a jeudy, qu'il est<br />
« fin de la sepmaine, <strong>et</strong> qui ne le voudroit attendre, <strong>et</strong> que<br />
« Ton tournoyast, ce seroit un tournoyement sans accord, <strong>et</strong><br />
« doivent le heraut crier, que Ton boute hors les bannieres,<br />
« blasons, ou housses d'escu, ou enseignes d'armes, pourquoi<br />
« on puisse tournoier par accord.<br />
« ITEM doivent les diseurs aller avec les herauts aux lieux<br />
« ou les seigneurs donnent a manger aux chevaliers, ou aux<br />
« places ou ils pourroient trouver lesdits chevaliers, qu'ils<br />
« viennent armez pour tournoier, <strong>et</strong> prendre les fois desdits<br />
« chevaliers, qui ne porteront espees, armures, ne bastons<br />
« affustiez. n'enforceront les armes, estaqu<strong>et</strong>es assises par<br />
« lesdits diseurs, <strong>et</strong> tiendront le dit desdits diseurs.<br />
« ITEM, la veille <strong>du</strong> tournoy doivent faire, s'il leur plaist,<br />
« les chevaliers m<strong>et</strong>tre les selles sur leurs chevaux, <strong>et</strong> de<br />
« leurs escuyers, pincheres <strong>et</strong> chamfroy de leurs armes,<br />
« affin qu'on puisse voir <strong>et</strong> connoistre 1'estoffe <strong>et</strong> 1'estat de<br />
« chascun endroit soy, <strong>et</strong> ne peut avoir chascun che-<br />
« valier que deux escuiers, s'il ne veut mentir, tant soit<br />
« grand sire.<br />
« ITEM le jour <strong>du</strong> tournoy doivent les chevaliers aller aux<br />
« messes, <strong>et</strong> faire faire les places a 1'espee, <strong>et</strong> doivent les<br />
« diseurs aller voir la place ou le tournoy doit estre fait<br />
« sans advantage, <strong>et</strong> attacher les attaches en chascune route,<br />
« es batailles il y doit avoir deus estach<strong>et</strong>tes de part, <strong>et</strong><br />
« 1'autre d'autre part, <strong>et</strong> la doivent les chevaliers essongnies<br />
« chevaux <strong>et</strong> harnois tout asseurez, sans qu'on leur puisse<br />
« rien meffaire, s'ils ne veulent fiancer leur serment <strong>et</strong> mentir<br />
« leur foy.<br />
I « ITEM doivent les diseurs, a 1'heure qu'ils verront qu'il<br />
« sera temps, soit a jour de tournoier au matin, ou aux ves-<br />
« pres, faire crier 7 laisser : <strong>et</strong> lors se doivent toutes manie-<br />
« res de chevaliers <strong>et</strong> escuiers eux armer, <strong>et</strong> doivent les<br />
« herauts asses tost apres crier : Issez hors, seigneurs che-<br />
« valiers, issez hors. Et quand les chevaliers sont hors, <strong>et</strong><br />
« chascun est r<strong>et</strong>rait en sa banniere, <strong>et</strong> en sa route, ou en la<br />
« route de son issue, les diseurs viennent pardevant les<br />
« batailles, <strong>et</strong> font passer ceux qui ont ordonne pour passer,<br />
« pour faire le tournoy a compte de chascun chevalier, tou-<br />
« tefois au dit des seigneurs sous qui ils sont.<br />
« ITEM ce fait, les deux diseurs se doivent m<strong>et</strong>tre en place<br />
« devant les batailles, <strong>et</strong> se doivent quitter la foy 1'un a<br />
« 1'autre, <strong>et</strong> lors est le tournoy par accord, <strong>et</strong> se m<strong>et</strong>tront les<br />
« pays chascun au droit de son issue, <strong>et</strong> doivent les herauz<br />
« porter les bannieres, <strong>et</strong> des communes de chascun pays,<br />
« selon ce que ils ont accoustume, <strong>et</strong> au cas qu'ils ne vou-<br />
« droient quitter leur foy 1'un a 1'autre, le tournoy seroit<br />
« sans accord.<br />
« ITEM si-tost que le roy des heraux <strong>et</strong> les autres heraux<br />
« verront que le tournoy aura asses <strong>du</strong>re, <strong>et</strong> qu'il sera sur<br />
« le tard <strong>et</strong> temps de partir, ils doivent faire lever les esta-<br />
« ches, <strong>et</strong> crier : Seigneurs cheyaliers, allez-vous-en ; vous<br />
« ne pouvez huym<strong>et</strong>s ne perdre ne gagner, car les estach<strong>et</strong>tes<br />
« sont levees.<br />
« ITEM quand les chevaliers seront revenus a leurs hostels<br />
« ils se desarmeront, <strong>et</strong> laveront leurs visages, <strong>et</strong> viendront<br />
« manger devers les seigneurs, qui donnent a manger, <strong>et</strong><br />
« tandis que les chevaliers seront assis au scupper, seront<br />
« prins lesdits diseurs, avec le roy desdits heraux, accompa-<br />
« gnez de deux chevaliers, tels comme ils voudront prendre,<br />
« pour faire 1'enqueste des bienfaisans, <strong>et</strong> en 1'enqueste fai-<br />
1. V. le Theatre d'honneur de la Colombiere, 1.1, p. 48. — 2. Picards, ceux des<br />
environs de Pois. — 3. Ripuarii, Alemans vere le Rhin. — 4. Hasbaniente*. —<br />
5. Campremy. — 6. Sic. in ms. — 7. L'Issez.