Glossarium mediae et infimae latinitatis Conditum a Carolo du ...

pour quelque terre qu'il auroit possedee mouvante de 1'empire.
II se peut faire encore, que comme il vint au secours de
t'empereur (auxilium suum illi pollicitus est), il s'engagea a
son service ayec des conditions qui 1'obligeqient a luy faire
hommage, soit pour des terres qu'il luy auroit donn^es mouvantes
de 1'empire, soit pour des fiefs, que Ton nommoit de
bourse, c'est-a-dire de rentes, ou sommes de deniers. que Ton
percevoit sur le tresor du prince, tant que Ton estoit a son
service. Du Tillet' fournit une infinite de ces sortes d'hommages,
que les seigneurs allemans ont faits aux roys de
France lorsqu'ils s'engageoient a leur service durant leurs
guerres ; desquels on ne pourroit pas tirer cette induction,
que 1'Allemagne relevoit de la France.
Mais voicy une autre preuve convaincante, qui justifie
absolument que la Champagne n'a jamais releve del 'empire.
Durant le schisme qui travailla long-temps 1'Eglise sous le
regne de Frederic I, Henry, comte de Champagne, s'engagea
a I'empereur de luy procurer une entreveue avec Louys VII,
roy de France, pour appaiser et pour terminer ces divisions
qui troubloient les esprits des catholiques. Et meme il s'obligea
envers 1'empereur que si le roy ne vouloit pas consentir
& cette entreveue il quitteroit son hommage. et se feroit son
vassal. Ce que le comte dit en termes formels au roy, par
forme de menaces 2 : « Si tua majestas noluerit nee preedictis
« pactionibus acquiescere, nee arbitrio judicum assensum
« prsebere, ego jurejurando jurayi quod ad partes illius
« transibo, et quicquid de fisco regis in feodum habeo, impe-
« ratori tradens, ab illo tenebo. » Et sur ce que le roy faisoit
quelque difficult^ pour cette entreveue, « venit comes Hen-
« ricus ad regem, in palatio ducis Burgundies, allegans re-
« gem nequaquam esse a pactionibus liberum, ideoque se
« necessario discessurum ab eo, et se traditurum in manu
« imperatoris, ita ut totam terram quam defeodo regis hac-
« tenus tenuerat, modo imperatori traditam ab eo reciperet,
« et hominium illi faceret.» Quoy que 1'histoire remarque que
le roy s'estant mis en devoir de 'sa part d'accomplir cette
entreveue, qui n'eut point d'effet par la faute de Frederic,
qui ne se trouva pasau lieu qui avoit este convenu, le comte
Henry soit demeure d'accord que sa majeste estoit quitte des
traittez dont on estoit convenu pour ce regard, il est neantmoins
constant qu'attendu que I'empereur en rejettoit la
faute sur le roy, le comte Henry, pour satisfaire a sa parole,
fut oblige de passer en sa prison. Ensuite, pour obtenir sa
liberte" il luy accorda de luy faire hommage de quelques places
de la Champagne, qu'il tenoit du roy avec le reste de ce
comte. C'est ce que nous apprenons d'une ancienne enquete,
qui se lit dans le registre de la chambre des comptes de
Paris 3 , intitu!6 Feoda Campanise, pu elle est conceue en ces
termes : « Girardus Eventatus dixit, quod super quibusdam
« convention!bus, quas rex Francise et imperator Alemanniae
« habebant inter se tempore schismatis, fuitfidejussorcom.es
« Campaniae ex parte regis Francise, quod rex conventiones
« illas teneret: sed cum rex in conventionibus illis tenendis
« deficeret, comes Campanise ivit in captionem imperatoris,
« tanquam fidejussor ; et cum in captione ilia aliquamdiu
« mansisset, et videret quod rex Francise eum non liberaret,
« petiit ab imperatore ut quitaret eum a captione et fidejus-
« sione, et ipse caperetde eo nescio quot castella, et ita fac-
« turn fuit de quibusdam castellis. Unum est Hyz, quod est
« juxta Clarum-Mpntem in Bassigniaco ; aliud est Mustero-
« lium in Bassigniaco ; aliud Gollemont versus Bondricourt;
« aliud Raucourt, quod comes Barri; Ducis tenet. Girardus
« Eventatus nescit nominare alia, sed scit castella ilia fuisse
» plus quam quatuor. Item Conradus, episcppus Metensis et
« Spirensis imperialis aulae cancellarius, dicit hsec esse cas-
« tella quse comes Campaniae tenet de imperatore Aleman-
« niae, et ita invenit in scriptis imperatoris, Burmont, Dam-
« pierre, Porsesse, Risnel, la Sessie, Gondricourt, Karnay,
« Raucourt, Bearazin. » L'enquete faite sous Maximilian I
au sujet des terres de 1'Empire, rapportee par Chifflet, fait
mention du chateau de Hais, ou Hyz en Champagne, qu'on
a pretendu relever de 1'empire.
Le comte de Champagne se d^partit de la mouvance de
France pour ces chateaux, suivant le pouvoir que 1'usage
recti pour lors universellement dans les fiefs luy donnoit:
par lequel, comme le vassal estoit oblige de servir son seigneur,
et lui en faisoit la promesse dans 1'hommage, sous
peine de commise et de confiscation de son fief; ainsi le seigneur
promettoit a son vassal de d6fendre, tant sa personne
que son fief- Nous avons la formule de ces obligations du
seigneur en plusieurs titres des comtes de Tholose de la
1. Au recueil des Trait, d'entre les rois de France et d'Anglet. — 2. Hug. Pictav.
1. 4. Hist. Vezel. p. 580, 581. — 3. CommuniquS par M. d'Herouval, fol. 66.
DISSERTATIONS
chambres des comptes de Paris, qui sont ordinairement
concus en ces termes : « Ad hoc nos dictus comes recipientes
« dictam confessionem et recognitionem fidelitatis et homa-
« glum a vobis dicto N. pro prsedictis feudis, in forma
« prsescripta, promittimus vobis, quod tarn personam ves-
« tram quam dicta feuda, et omnia jura quae in eis habetis,
« contra quoslibet molestatores qui super hoc eis injuriari
« voluerint bona fide defendemus. » C'est ce qui a fait dire 4
Philippes de Beaumanoir, en SSL Coutume de Beauvaisis ', que
« li sires doit autant foi et loiate a son home, come li horns
« fet a son seigneur. » En sorte que si le vassal estoit attaque
par ses ennemis, et n'estoit pas d6fendu par son seigneur, le
seigneur perdoit sa mouvance, et le vassal pouvoit se donner
a un autre seigneur, et relever son fief de luy, qui est presque
le cas ou le comte Henry prit sujet de relever quelques
chateaux de son comte de I'empereur, parce qu'estant son
prisonnier pour le fait du roy, le roy ne se mettoit Jpas en
devoir de luy faire obtenir sa liberte. Le Roman de Garin le
Loherans a touche en divers endroits cet usage:
Pepins li rois, dont devoie tenir
Mon fie, ma terre, et trestot mon pa'is,
Li rois ne m'est vilainement faillis,
Mes ma cite ont Sarazin assis,
Desconfit sont, se vos tenes ami,
Se vos del siege les poves d^partir,
De toi tiendrai ma terre et mon pa'is.
Et ailleurs :
Or viens a vos, empereres gentis,
Que vos ailli6s vostre fie garantir,
Se vos nel faites, mal en somes baillis,
Et tuit baron doivent de vos tenir.
J'en parlerai, ce dit le rois Pepin,
Qui que ge faille, vos ne dois ge faillir.
II a plusieurs exemples dans 1'histoire 2 , des renvois, des
remises, et des changemensd'hommages en ces cas, dont les
formes sont prescrites dans les loix de Henry I, roy d'Angleterre,
en ces termes 3 : « Si dominus terram suam, vel feodum
« suum, auferat homini suo, unde est homo suus ; vel si eum
« in mortali necessitate deserat, supervacue forisfacere po-
« test dominium suum erga eum : sustinere tamen debet
« homo dominum suum, si faciet ei oontumeliam, vel inju-
« riam ejusmodi, in guerrft 30 dies, in pace unum annum et
« diem, et interim private per compares, per vicinos, et. per
« domesticos, et per extraneos, per legem requirere eum de
« recto. » Je me suis un peu etendu sur cette matiere, afin
d'expliquer les raisons qui porterent Henry, comte de Champagne,
a se soustraire de rhommage du roy de France pour
ces quatre ou cinq chateaux, et a les relever de 1'Empire ; ce
qu'il fit probablement pour donner quelque satisfaction a
Frederic, qui ne voulut pas qu'on luy imputat de n'avoir pas
tenu sa parole pour 1'entreveue, qui ayoiteste arretee,s'estant
trouve au lieu designe apres la retraite du roy. De sorte que
ce fut apres cet hommage que Frederic 6crivit cet lettre A
Henry, ou il le qualifie fidelis et consanguineus suus *, d'oii
Chifflet infere qu'il estoit sujet de 1'empereur: ce qui est
vray a 1'esgard de ces chateaux que je viens de nommer,.
mais non pas de toute la Champagne. Ce qui paroit assez
par la substance et la teneur de ces lettres. Mais avant ce
temps-la, lorsque Frederic se servit de luy pour moyenner
une entreveue avec le roy, cet empereur declare en termes
formels qu'il n'estoit pas son vassal, mais du roy 5 : « Sane
« quaecumque necessaria sunt ad conservandam inter nos
« mutuee dilectionis integritatem, cum dilecto consanguineo
« nostro, fidele tuo, Henrico, comite Trecarum, amice et
« plenarie ordinavimus, etc. »
Le sire de Joinville nous fournit encore une autre preuve
de la mouvance de la Champagne de la couronne de France,
ecrivant que le roy saint Louys et le roy de Navarre 1'ayant
presse de vouloir entreprendre avec eux le voyage d'Afrique
en 1'an 1270, il s'en excusa sur ce que, tandis qu'il avoit este
outremer au voyage precedent, « les gens et les officiers du
« roy de France avoient trop grev6 et foulie ses subjets, tant
« qu'ils en estoient apovris, tellement que jamais il ne seroit
« que eux et luy ne s'en santissent. » Car jevoudrois demander
a Chifflet en quelle qualite les officiers du roy grevoient
les sujets du sire de Joinville, si ce n'est parce que le roy
1. Ch. 58. — 2. Tresor des Chart, du roy, laiete Flandres cofre 2, sac 2, tit. 20;
cofre 3, sac 2, tit. 23. — 3. LL. Henr. 1, cap. 43. — 4. Extat apud Freher. 1.1.
p. 306, 309 : et Goldast. in Const. Imp. p. 282. — 5. Freher. p. 305 ; Gold. p. 279.