1902 T.46.pdf

LA POPULATION BERBÈRE AU MAROC 101
cinq ou six ans, le gouverneur d'un de ces présidios
subit un jour des voies de fait de la part des indigènes,
et la seule satisfaction que l'Espagne obtint pour ce
grave événement consiste en ceci, qu'elle dut relever
l'officier en question. Le sultan qui, on le sait, n'est
maître du Rîf que in partibus, ordonna une enquête ;
cela fit rire les Berbères du Rîf ; quant à une punition
des coupables, il n'en fut pas question II est palpable
cependant qu'un tel incident,
qui peut se reproduire
chaque jour, constitue selon les circonstances un excel
lent casus belli. Tel fut le cas en 1859 : l'Espagne avait
alors certaines raisons de vouloir la guerre avec le
Maroc et elle profita d'incidents de ce genre, qui s'étaient
produits à Ceuta,
pour la provoquer. Mais si les Espa
gnols des présidios vivent pour ainsi dire complètement
en quarantaine, ils doivent par contre permettre aux
«Rifenos» (c'est ainsi qu'ils nomment les habitants du
Rîf) de visiter leurs places, ne serait-ce qu'en vue du
ravitaillement. Cependant le trafic est très peu impor
tant. A Melilla (berb. Mlila, la blanche)
les relations se
sont améliorées dans ces dernières années, depuis que
les vapeurs des Messageries maritimes (ligne Marseille-
Oran) y accostent,
et que le sultan a soumis les
tribus voisines : Guelaïa (Kelaïa) et Kibdâna,
Quelques Rifenos sont soldats au service de l'Espagne •
comme je l'ai vu à Ceuta, ils constituent un tout petit
corps dans le genre des zouaves ; on les appelle « Moros
dei rey ...
L'autorité et la puissance du sultan du Maroc dans le
Rîf n'ont donc que des bases très faibles. Quoiqu'appar-
tenant nominalement à cet empire, ies Rîfains sont,, de
fait, indépendants;
ils ne fournissent pas de soldats et
ne paient presque pas d'impôts, si ce n'est, occasion
nellement,
sous la forme de contributions volontaires
ou de présents. Moulay Hassan a aussi, sur un petit
nombre de points de tout ce district côtier, des kaïds
ou des gouverneurs qui, où qu'ils se trouvent, n'ont