Le trait "De unitate formae" de Gilles de Lessines ... - Boston College

Étude analytique du de unifafc fonnac 107
Dans le monde corporel, au contraire, la raison fondamentale de la
multiplicité des formes d'une même espèce est leur assujettissement à la
matière, et comme la quantité, avec les dimensions spatiales qui en résultent,
est l'attribut fondamental de la matière, c'est la quantité qui est la raison
prochaine et l'indice de l'individualité. En d'autres termes, si le type spéci-
fique et abstrait doit actualiser une matière, et que celle-ci implique un
rapport nécessaire avec l'espace, il doit se trouver réalisé en autant d'indi-
vidus semblables qu'il y a de circonscriptions quantitatives et corporelles
de la matière réceptrice'.
Dernière question, quelle est l'origine des formes substantielles ?
Les anciens physiciens, Démocrite, Leucippe, Anaxagore, Empédocle,
déclarent les formes ingénérables et éternelles. D'autres, comme Platon et
Avicenne, font appel à une cause extrinsèque, un dator fonnarum, appli-
quant les formes à la matière :
théorie insoutenable, car elle n'accorde
aucune fonction réelle au travail de la nature, et exige une intervention
constante de la divinité dans la génération^. Gilles souscrit à la théorie
aristotélico-thomiste de Vcdiictio fonnariiin e potentiis inateriac. Le mou-
vement (jjiotus) emporte les substances corporelles dans un incessant
devenir ;
la production d'une forme est la réalisation d'une aptitude nouvelle,
la mise au point d'un nouvel état que traverse la matière^
c i e r , ibiil. Gilles dit de même que l'espèce « determinatur per unum suppositum »,
p. 41]. Or, le suppositum est la substance individuelle, complète.
^ Gilles parle d'un troisième mode d'individuation, celui de Dieu, ou de l'être « in
quo non differt sua essentia, suuni esse et sua operatio », p. 41]. De plus, il démontre qu'en
dehors de ces trois modes d'individuation il est impossible d'en concevoir d'autres, p. 42].
Incidemment, il explique comment les corps célestes sont uniques dans leur espèce, tout en
étant composés de matière et de forme (v. à ce sujet notre Histoire de la Phil. médiévale,
p. 276 et 277), et pourquoi il faudrait maintenir la doctrine exposée sur l'individuation des
anges, même si on admettait, conformément à quelques textes de saint Augustin, que les
anges ont des corps.
^ Cette page d'histoire est exacte dans ses grandes lignes. Notamment l'explication
du démiurge platonien, que Gilles représente comme cause d'application des idées à la
matière, est une des interprétations qui s'adaptent !e mieux à l'économie du platonisme.
Exacte aussi la doctrine attribuée à Avicenne.
' 11 est remarquable que Gilles ne souffle mot de la doctrine des rationes séminales,
chère aux anciens scolastiques, et chèEC avant tout à Robert Kihvardby, qui s'est exprimé