Le trait "De unitate formae" de Gilles de Lessines ... - Boston College

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34 Cluipitrc Deuxième Sont-ce là les seules influences ()ui aient aj^i sur les premiers scolastiques du XIII*' siècle, partisans de la pluralité des formes ? A défaut d'un dépouillement complet des sources, il serait téméraire de l'affirmer. Si la thèse pluraliste est étrangère à l'augustinisme par son origine et son esprit, peut-être a-t-elle des attaches avec l'antique conception de la « forme-pro- priété » qu'on rencontre encore au Xlh" siècle. Peut-être aussi la métaphy- sique nouvelle inclina-t-elle spontanément quelques docteurs à multiplier les principes formels (|iii viennent combler la potentialité de la matière. Autant (le points obscurs que seuls pourront dissiper les travaux monogra- phiques. VI. Les idées principielles du pluralisme sont relatives aux fondements mêmes sur lesquels on assied le système, et à la nature des rapports qui relient ces formes à la matière, ou cjui déterminent la valeur relative de ces formes dans le composé. I. La base méthaphysic|ue du pluralisme. — A chaque perfection essen- tielle, à c/i(ii/iir tlrfrniiiiHjtio)! irréductible de Vêtre substantiel doit corres- pondre une forme substantielle distincte. Telle est, ce qu'on peut appeler la Oase métaphysique du pluralisme, l'idée inspiratrice du sj-stème', qui plane au-dessus de toutes les variétés du pluralisme > et que l'on rencontre franchement énoncée par les uns, sa théorie (r.Avicenne, à laquelle il refuse de se rallier, il écrit : « Et ex hoc contingere magnum impossibile, scilicet ut elementa sint in composito in actu, propter quod compositum non habebit unam l'ormam substantialem. Quid ergo est quod diximus compositum esse unum, utrum per unam formam, aut ut dictum est in rébus contiguis aut continuis eas esse unas. Sed impossibile est dici compositum esse unum secundum contactum... relin- quitur igitur ut sit unum .secundum formam substantialem. » De coeloy 1. III, n" 67 (Aristo- telis de coelo, etc., cum Averrois Comment, éd. Venise, I.tOO, t. V, p. 105j. Les scolastiques ne sont pas d'accord dans l'interprétation de la pensée d'Averroës. Duns Scot et Hervé de Nédellcc, p. ex., croient qu'il enseigne la permanence actuelle des formes élémentaires dans le mixte (v. p. 33, n. -t). Au contraire l'auteur du de pliiralitute formarum, édité dans les œuvres de saint Thomas (V. Chap. troisième) attribue à Averroës une opinion contraire. 5. Tlioinae opiisciila etc. éd. M. de Maria (Tifemi Tiberini, 1886) t. l, p. 417 et 418. ' On la trouve énoncée par saint Thomas, notamment Qiiodl. XI. a. .5. Cf. Gilles de Rome, De i^radii funinirinii, Pars. I, cap. 5.
La pluralité des formes au XIIF siècle 35 ou invoquée incidemment chez les autres^ Ce n'est pas le fondement unique du système ; pour le consolider, les pluralistes recourent à une foule d'autres considérations, variables d'un écrivain à l'autre et dont le pamphlet de Gilles de Lessines nous donnera quelques spécimens'. M. Wittmann considère que la thèse organogénique du pluralisme est une vigoureuse expression du réalisme médiévaP. Cette réflexion est juste, à condition d'être précisée. Si l'on entend par réalisme, ce critérium d'objectivité réelle qui hante les panthéistes de tous les temps et qui con- siste à reporter au dehors toutes les décompositions logiques auxquelles nous soumettons un objet au dedans de nous, on a touché du doigt le vice congénital de la théorie pluraliste, née d'une application particulière de ce critérium général. Avicebron énonce la formule du réalisme rationaliste en ces termes absolus: « Ouicquid compositorum intelligentia dividit et resolvit in aliud, est compositum ex illo in quo resolvitur »*, et c'est lui aussi qui le plus hardiment poursuit le pluralisme des formes.— Mais il ne faut pas oublier que l'usage a réservé l'appellation de réalisme à un autre ordre d'idées. On s'accorde à donner ce nom à une doctrine médiévale sur l'état des essences, à celle notamment qui reporte sur l'objet extramental ce mode d'être universel qui ne leur convient que dans l'entendement^. Le réalisme, cir- conscrit à la question des universaux, n'est qu'une application du principe réaliste énoncé par Avicebron ; le pluralisme des formes en est une autre. On peut poursuivre l'idée réaliste dans le second domaine et l'abandonner dans le premier. La pluralité des formes s'allie fort bien, et chez la plupart ' Comme dans ce texte de saint Bonaventure: «Item, quanto forma est spiritualior, tanto est plurium operationum principiuni ; sed anima sensibilis est forma valde spiritualis : ergo est principium multiplicis operationis. Sed corpus datum est ad subministrandum ei : ergo necesse est, quod corpus sit aptum et idoneum ad diversas operationes ; sed non est aptum ad diversas operationes nisi per diversas virtates, nec ad diversas virtutes nisi per diversas naturas, nec habet diversas natnras, nisi quia ex diversis compositum. » In II l. Sent., D. XV, a. 1, q. 2. (éd. Quaracchi, t. II, p. 377-378). - P. ex., on invoque les exigences de la transformation substantielle. C'est un des arguments favoris de Richard de Middleton. Voir Chap. sixième. ' Op. cit., p. 56, 58. * Fons vita^,ll,16,p.5l. M. Wittmann relève la même idée chez Gundissalinus, op. cit., p. 18. Il serait intéressant de rapprocher le principe d'Avicebron du critérium cartésien, qui s'inspire du même rationalisme réaliste. ^ Histoire de la philos, médiévale, p. 168 et suiv.
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