L'immunité de la France envers le fascisme: un demi ... - Marc Angenot
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démocratie, <strong>de</strong> l’<strong>un</strong>iversalisme et <strong>de</strong>s droits. Ce camp intègre ou du<br />
moins il fait <strong>de</strong>s avances à <strong>un</strong>e partie extrême <strong>de</strong> l’extrême gauche,<br />
souvent tentée, ce ne saurait être <strong>un</strong> hasard, par <strong>un</strong> antisémitisme <strong>de</strong><br />
dénonciation du «capital apatri<strong>de</strong>» pour <strong>la</strong>quel<strong>le</strong> <strong>la</strong> démocratie<br />
303<br />
«bourgeoise» est <strong>le</strong> mal et <strong>la</strong> chose à supprimer avant tout. Le «camp»<br />
tient ainsi ensemb<strong>le</strong> et agglomère <strong>de</strong>s famil<strong>le</strong>s d’esprit diverses par <strong>le</strong><br />
rejet <strong>de</strong> tout ce qui est issu <strong>de</strong> 1789, <strong>la</strong> démocratie et <strong>le</strong>s droits, – et tout<br />
d’<strong>un</strong> tenant l’émancipation <strong>de</strong>s Juifs et <strong>de</strong>s protestants.<br />
C’est peut-être <strong>la</strong> catégorie «<strong>fascisme</strong>» qui, trop vainement discutab<strong>le</strong><br />
et trop étendue dans <strong>le</strong> temps en vue d’englober, quarante ans avant <strong>la</strong><br />
<strong>le</strong>ttre «fascismo», <strong>le</strong> fait culturel fin-<strong>de</strong>-sièc<strong>le</strong> du «refus <strong>de</strong>s Lumières»,<br />
sous <strong>le</strong>s formes multip<strong>le</strong>s, mais i<strong>de</strong>ntiquement viru<strong>le</strong>ntes, <strong>de</strong> La Croix<br />
<strong>de</strong>s Père assomptionnistes et du Petit Caporal bonapartiste et <strong>de</strong><br />
L’Intransigeant <strong>de</strong> Rochefort et <strong>de</strong> <strong>la</strong> presse bou<strong>la</strong>ngiste en al<strong>la</strong>nt aux<br />
versions littéraires et savantes, à Édouard Drumont, Maurice Barrès,<br />
Ju<strong>le</strong>s Soury, G. Vacher <strong>de</strong> Lapouges, G. Le Bon, c’est peut-être cette<br />
catégorie qui est trop incertaine et fina<strong>le</strong>ment stéri<strong>le</strong>.<br />
303. Vers 1890, <strong>de</strong>s socialistes comme Albert Regnard, défenseur b<strong>la</strong>nquiste <strong>de</strong>s «Aryens»<br />
exploités, envoient <strong>le</strong>ur fraternel salut «socialiste» à Drumont, dénonciateur du capitalisme juif.<br />
Cf. Regnard, Albert-Adrien. Aryens et Sémites. Le bi<strong>la</strong>n du judaïsme et du christianisme. Paris:<br />
Dentu, 1890, dédicace. Je renvoie ici à mon livre La démocratie, c’est <strong>le</strong> mal. Un sièc<strong>le</strong><br />
d’argumentation antidémocratique à l’extrême gauche. Québec: Presses <strong>de</strong> l’Université Laval, 2004.<br />
Ce que j’analyse dans cet essai, c’est l’hostilité <strong>de</strong> principe, fondée en doctrine socialiste (et<br />
libertaire), à <strong>la</strong> démocratie, tel<strong>le</strong> qu’el<strong>le</strong> s’est exprimée continûment en certains secteurs <strong>de</strong><br />
l’extrême gauche <strong>de</strong> l’époque romantique à <strong>la</strong> Première Guerre mondia<strong>le</strong>. À l’orée <strong>de</strong> <strong>la</strong> Première<br />
Guerre, tout est dit et redit <strong>de</strong>s arguments antidémocratiquesqui ont profondément pénétré<br />
l’extrême gauche. Mais l’issue <strong>de</strong> <strong>la</strong> première gran<strong>de</strong> guerre civi<strong>le</strong> européenne servira <strong>de</strong> caisse<br />
<strong>de</strong> résonance aux anciennes haines anti-démocratiques qui passent à l’acte et triomphent dans<br />
<strong>le</strong>s idéologies et surtout dans <strong>la</strong> praxis bolcheviques et fascistes. La critique <strong>de</strong> <strong>la</strong> démocratie<br />
complice <strong>de</strong>s maux sociaux, sous ses formes <strong>le</strong>s plus sophistiques, a été à l’extrême gauche d’<strong>un</strong>e<br />
ème<br />
remarquab<strong>le</strong> persistance. C’est bien parce que <strong>le</strong>s malheurs du court XX sièc<strong>le</strong> ont partie liée<br />
à l’antidémocratisme et à ses aveug<strong>le</strong>ments qu’il importe <strong>de</strong> remonter à <strong>le</strong>ur origine et <strong>de</strong><br />
comprendre ce qui <strong>le</strong>s a préparés, ce qui a préparé <strong>le</strong>s esprits militants à accepter l’idée que <strong>la</strong><br />
démocratie est <strong>un</strong> mal, <strong>un</strong>e imposture, <strong>un</strong>e chose à supprimer.<br />
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