L'immunité de la France envers le fascisme: un demi ... - Marc Angenot
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Toute <strong>la</strong> gauche, traumatisée par ce qui se passe en Al<strong>le</strong>magne et<br />
ail<strong>le</strong>urs en Europe à ses frontières, voit en 1934 <strong>le</strong> <strong>fascisme</strong> s’incarner<br />
avant tout en <strong>France</strong> dans <strong>un</strong> mouvement <strong>de</strong> droite en progrès rapi<strong>de</strong>s,<br />
ligue d’anciens combattants à ses débuts, dirigée par <strong>le</strong> colonel<br />
François <strong>de</strong> <strong>la</strong> Rocque: <strong>le</strong>s Croix <strong>de</strong> feu. L’association <strong>de</strong>s Croix <strong>de</strong> Feu<br />
ou «Association <strong>de</strong>s combattants <strong>de</strong> l’avant et <strong>de</strong>s b<strong>le</strong>ssés <strong>de</strong> guerre cités<br />
pour action d’éc<strong>la</strong>t» (née en 1927) était considérée <strong>un</strong>animement par<br />
<strong>la</strong> gauche comme l’expression menaçante d’<strong>un</strong> <strong>fascisme</strong> hexagonal.<br />
Jacques Droz, dans son indispensab<strong>le</strong> Histoire <strong>de</strong> l’anti<strong>fascisme</strong> en Europe,<br />
193<br />
1923-1939 , montre que <strong>la</strong> peur du Colonel <strong>de</strong> <strong>la</strong> Rocque et <strong>de</strong> son<br />
mouvement «a bien été à l’origine du Front popu<strong>la</strong>ire et <strong>de</strong> sa rapi<strong>de</strong><br />
consolidation», – mais il considère quant à lui que <strong>le</strong> danger représenté<br />
par <strong>le</strong> <strong>le</strong>a<strong>de</strong>r <strong>de</strong> droite a été surestimé. La Rocque ne se considérait pas<br />
et ne se disait pas fasciste; beaucoup d’historiens actuels font <strong>de</strong> cette<br />
qualification d’époque l’exemp<strong>le</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> diabolisation manichéenne<br />
éternel<strong>le</strong>ment chère à <strong>la</strong> gauche, surtout aux comm<strong>un</strong>istes, qui<br />
c<strong>la</strong>ssaient «fasciste» quiconque s’opposait à eux – et à coup sûr, <strong>le</strong>s<br />
Croix <strong>de</strong> feu étaient éperdument anticomm<strong>un</strong>istes, non moins que, du<br />
reste, à titre <strong>de</strong> patriotes, anti-nazis.<br />
La Rocque lui-même, pétainiste mais anti-al<strong>le</strong>mand, sera déporté en<br />
Al<strong>le</strong>magne en 1943 pour intelligence avec <strong>le</strong>s services secrets<br />
britanniques. Il sera interné administrativement à son retour en <strong>France</strong><br />
et va décé<strong>de</strong>r en 1946. 194<br />
La question a été et <strong>de</strong>meure au cœur du débat <strong>le</strong> plus po<strong>la</strong>risé, <strong>le</strong> plus<br />
têtu et <strong>le</strong> plus acrimonieux <strong>de</strong>s historiens. Étant donné en effet<br />
l’amp<strong>le</strong>ur du recrutement <strong>de</strong>s Croix <strong>de</strong> feu, <strong>le</strong>ur succès et plus encore<br />
193. Paris: La Découverte, 1985. Paris: La Découverte, 2001, 178.<br />
194. François <strong>de</strong> La Rocque fut décoré à titre posthume, en 1961, <strong>de</strong> <strong>la</strong> Médail<strong>le</strong> <strong>de</strong>s déportés<br />
et se vit attribuer <strong>la</strong> carte <strong>de</strong> résistant, qui lui avait été refusée <strong>de</strong> son vivant. De Gaul<strong>le</strong> vou<strong>la</strong>it<br />
alors «réparer <strong>un</strong>e grave injustice», selon ses propres termes.<br />
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