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03 carlos castaneda le voyage a Ixtlan

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montagnes à ma droite <strong>le</strong> brouillard avait envahi <strong>le</strong>s basses terres. A gauche <strong>le</strong> paysage restait<br />

dégagé. Cependant <strong>le</strong> vent venant de ma droite poussait <strong>le</strong> brouillard dans ces basses terres<br />

comme pour tenter de nous encerc<strong>le</strong>r.<br />

Don .Juan chuchota que je devais garder mon impassibilité, rester debout à ma place sans<br />

jamais fermer <strong>le</strong>s yeux. En aucun cas je ne devais me retourner tant que <strong>le</strong> brouillard ne nous<br />

aurait pas noyés. Alors, et alors seu<strong>le</strong>ment, il nous serait possib<strong>le</strong> d'entamer notre descente.<br />

Il se cacha au pied de quelques rochers proches de moi.<br />

Dans ces montagnes <strong>le</strong> si<strong>le</strong>nce avait quelque chose de magnifique et d’effrayant. Le vent doux<br />

qui poussait <strong>le</strong> brouillard me donna l'impression que celui-ci sifflait à mes oreil<strong>le</strong>s. D'énormes<br />

morceaux de brouillard, tel<strong>le</strong>s de solides pièces de matière blanche, descendirent en roulant vers<br />

moi. Je humai <strong>le</strong> brouillard. C'était comme un mélange spécial à la fois caustique et parfumé. Il<br />

m'enveloppa.<br />

J'eus la sensation qu’il agissait sur mes paupières. El<strong>le</strong>s étaient lourdes et j'avais envie de<br />

fermer <strong>le</strong>s yeux. Le froid me gagnait. Ma gorge était irritée mais je n'osai pas tousser. Pour calmer<br />

la toux je <strong>le</strong>vai <strong>le</strong> menton, étirai <strong>le</strong> cou, et en <strong>le</strong>vant <strong>le</strong>s yeux j'eus l'impression de voir l'épaisseur<br />

du banc de brouillard. C'était un banc de brouillard très lourd. Comme capab<strong>le</strong>s de <strong>le</strong> traverser du<br />

regard, mes yeux pouvaient en estimer l’épaisseur. Lentement mes paupières tombèrent et je ne<br />

pus m'empêcher de m'abandonner à la torpeur. J'eus l’impression que j'allais tomber par terre d'un<br />

instant à l’autre. Au moment même don Juan sauta vers moi, me saisit <strong>le</strong> bras et me secoua. La<br />

secousse suffit à restaurer ma lucidité.<br />

Au creux de l'oreil<strong>le</strong> il chuchota qu'il me fallait descendre la pente en courant de toutes mes<br />

forces.<br />

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Comme il ne désirait pas recevoir <strong>le</strong>s cailloux qu'en<br />

courant je ferais rou<strong>le</strong>r inévitab<strong>le</strong>ment, il allait me<br />

suivre. Il ajouta aussi que je passais devant parce que<br />

c'était ma batail<strong>le</strong> de pouvoir, donc pour arriver à<br />

nous guider sains et saufs hors d'ici il fallait que je<br />

garde l’esprit clair.<br />

« C’est comme ça, dit-il à haute voix. Si tu n’as pas<br />

<strong>le</strong> tempérament d’un guerrier, nous n’arriverons peut-<br />

être pas à quitter <strong>le</strong> brouillard. »<br />

J’eus un moment d'hésitation. Je n’étais pas certain<br />

de pouvoir trouver mon chemin dans ces montagnes<br />

inconnues.<br />

« Cours lapin, cours ! » hurla don Juan en me<br />

poussant gentiment dans la pente.<br />

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