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03 carlos castaneda le voyage a Ixtlan

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pensées, ce qui ne m'échappa pas. Toute ma vie mes peurs avaient été suscitées selon un<br />

processus intel<strong>le</strong>ctuel et causées par des situations socia<strong>le</strong>s dangereuses ou par <strong>le</strong>s menaces de<br />

mes semblab<strong>le</strong>s. Cette fois-ci ma peur était entièrement nouvel<strong>le</strong>. El<strong>le</strong> surgissait d’une région<br />

inconnue du monde et me frappait dans une région inconnue de mon corps.<br />

Un peu à gauche et non loin de moi j’entendis un cri de hibou. Bien que je l'eusse mal entendu, il<br />

me semblait provenir de don Juan. Il n'était pas mélodieux. Je ra<strong>le</strong>ntis. Un autre cri jaillit. Sa<br />

sonorité rauque me frappa et je m’élançai rapidement. Le troisième ulu<strong>le</strong>ment sembla très proche.<br />

J'aperçus vaguement une zone noire, des rochers ou des arbres. Le quatrième cri me laissa<br />

penser que don Juan m'attendait, donc que nous devions être sortis de la région dangereuse.<br />

J’arrivai presque à la zone noirâtre lorsqu’un cinquième cri me figea sur place. Je fixai cette masse<br />

noire devant moi, mais soudain un bruissement attira mon attention à gauche. Juste à temps je vis<br />

un objet noir, bien plus noir que <strong>le</strong> reste, qui roulait ou glissait vers moi. J’eus un hoquet de<br />

surprise et sautai de côté. J’entendis un cliquetis, comme si quelqu'un claquait des lèvres et alors<br />

de la .zone noirâtre jaillit une énorme masse sombre. El<strong>le</strong> était rectangulaire, comme une porte de<br />

deux mètres cinquante à trois de haut.<br />

La rapidité de cette apparition me fit hur<strong>le</strong>r de peur, et pendant un instant ma frayeur prit une<br />

proportion extrême ; mais la seconde d’après je fus étrangement calme. J'observai la masse<br />

sombre.<br />

Ces réactions constituaient pour moi quelque chose d’entièrement nouveau. Une partie de moi<br />

semblait tirée vers la masse sombre avec une effrayante insistance, alors que <strong>le</strong> reste résistait à<br />

cette attraction. C’était comme si d'un côté je désirais savoir de quoi il<br />

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s’agissait et de l'autre prendre <strong>le</strong>s jambes à mon cou<br />

sans demander mon reste.<br />

Les appels de don Juan m'échappèrent presque. Ils<br />

venaient d'un endroit proche et manifestaient une<br />

furieuse impatience. Ses cris étaient plus longs, plus<br />

rocail<strong>le</strong>ux, comme si, toujours courant, il <strong>le</strong>s lançait<br />

vers moi.<br />

Soudain je repris <strong>le</strong> contrô<strong>le</strong> de moi-même. Je fis<br />

demi-tour et pendant un moment courus exactement<br />

comme don Juan voulait que je coure.<br />

« Don Juan ! » criai-je ne <strong>le</strong> retrouvant.<br />

Il posa sa main sur ma bouche et me fit signe de <strong>le</strong><br />

suivre. Nous trottâmes à un rythme confortab<strong>le</strong> jus-<br />

qu'au banc de grès d’où nous étions partis.<br />

Pendant une heure au moins, jusqu’à l'aube, nous<br />

observâmes <strong>le</strong> si<strong>le</strong>nce <strong>le</strong> plus comp<strong>le</strong>t. Puis nous<br />

mangeâmes. Il précisa qu'il fallait que nous restions<br />

sur ce banc de grès jusqu'à midi sans dormir et en<br />

parlant comme si tout était parfaitement normal.<br />

Il me fit récapitu<strong>le</strong>r dans <strong>le</strong>s moindres détails mon

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