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03 carlos castaneda le voyage a Ixtlan

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donna de ne porter attention qu'à la sensation de cha<strong>le</strong>ur qui allait émaner des feuil<strong>le</strong>s.<br />

Pendant un moment je restai immobi<strong>le</strong>, et alors je ressentis une étrange cha<strong>le</strong>ur se dégager des<br />

feuil<strong>le</strong>s, tout d'abord dans la paume de mes mains puis dans mon ventre. En quelques minutes<br />

mes pieds brûlaient comme si j’avais une forte fièvre.<br />

Je mentionnai cette désagréab<strong>le</strong> sensation à don Juan, et mon envie d’ôter mes chaussures. Il<br />

me dit qu'il allait m'aider à me re<strong>le</strong>ver et que je ne devais ouvrir <strong>le</strong>s yeux que sur son ordre. Je<br />

devais continuer à presser <strong>le</strong>s feuil<strong>le</strong>s sur mon ventre jusqu'à ce que j'aie trouvé l’endroit adéquat<br />

où nous reposer.<br />

Une fois debout il me chuchota au creux de l'oreil<strong>le</strong> que je devais ouvrir <strong>le</strong>s yeux et marcher<br />

sans réfléchir, en laissant <strong>le</strong> pouvoir des feuil<strong>le</strong>s me tirer et me guider.<br />

J'entamai une errance sans but. La cha<strong>le</strong>ur de mon corps me mettait mal à l’aise. Je croyais<br />

avoir de la fièvre et je me demandais comment don Juan avait pu la provoquer.<br />

Il marchait derrière moi. Tout à coup il poussa un cri qui me figea sur place. En riant il expliqua<br />

que par un cri soudain on effraie <strong>le</strong>s esprits malfaisants. Pendant une demi-heure je clignai des<br />

yeux tout en déambulant. Je me rendis compte que l’insupportab<strong>le</strong> brûlure s’était transformée en<br />

une cha<strong>le</strong>ur agréab<strong>le</strong>. En marchant sur ce sommet de colline je me sentais très léger, et<br />

néanmoins déçu. J’avais espéré percevoir un phénomène visuel, mais dans mon champ de vision<br />

rien d'inhabituel n’avait passé, pas même des cou<strong>le</strong>urs anorma<strong>le</strong>s, des lueurs ou des masses<br />

sombres.<br />

Las de cligner <strong>le</strong>s yeux, je <strong>le</strong>s ouvris. J’étais devant une petite terrasse de grès, un des rares<br />

endroits nus de ce sommet ; <strong>le</strong> reste était couvert çà et là de petits buissons espacés. La<br />

végétation avait dû brû<strong>le</strong>r quelque temps auparavant, et l’herbe renaissante n'avait<br />

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pas encore bien repoussé. Pour une étrange et inexplicab<strong>le</strong> raison la terrasse de grès me semblait<br />

magnifique. Je la contemplai un long moment, puis je m'assis<br />

là.<br />

« Très bien ! Très bien ! » déclara don Juan en me<br />

tapotant <strong>le</strong> dos.<br />

Il m’ordonna d'en<strong>le</strong>ver soigneusement <strong>le</strong>s feuil<strong>le</strong>s et<br />

de <strong>le</strong>s poser sur <strong>le</strong> rocher.<br />

Dès que je <strong>le</strong>s en<strong>le</strong>vai, mon corps se rafraîchit. Je<br />

contrôlai mon pouls, il était normal.<br />

Don Juan éclata de rire en m'appelant « docteur<br />

Carlos » et en me demandant si je voulais bien avoir<br />

l'obligeance de prendre aussi son pouls. Puis il déclara<br />

que j’avais ressenti <strong>le</strong> pouvoir des feuil<strong>le</strong>s, que ce<br />

pouvoir m'avait nettoyé et rendu capab<strong>le</strong> d'accomplir<br />

ma tâche.<br />

En toute sincérité je déclarai n'avoir rien fait, et<br />

m’être assis à cet endroit par fatigue et surtout parce<br />

que la cou<strong>le</strong>ur du rocher m'avait beaucoup plu.<br />

Il ne dit rien. Il restait debout non loin de moi.

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