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03 carlos castaneda le voyage a Ixtlan

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crié ces mots. Cependant sa voix contenait un son<br />

métallique qui résonnait dans mes oreil<strong>le</strong>s.<br />

Du petit doigt de la main gauche je fourrageai dans<br />

mon oreil<strong>le</strong> gauche. Ayant des démangeaisons permanentes j’avais pris l'habitude d’user de mon<br />

petit doigt pour gratter <strong>le</strong> conduit, et ce mouvement devenait en fait une vibration de tout mon bras.<br />

tion.<br />

Don Juan m'observait avec une évidente fascina-<br />

« Eh bien... sommes-nous égaux ?<br />

– Bien sûr que nous <strong>le</strong> sommes. »<br />

Très naturel<strong>le</strong>ment j'étais condescendant. J’éprou-<br />

vai pour lui beaucoup d’amitié, bien que parfois il fût<br />

insupportab<strong>le</strong>, néanmoins je conservais bien au fond<br />

de moi-même la certitude, que pourtant je n'avais<br />

jamais exprimée, qu’un étudiant, donc un homme<br />

civilisé du monde occidental, restait supérieur à un<br />

Indien.<br />

« Non, dit-il calmement. Nous ne <strong>le</strong> sommes pas.<br />

– Et pourquoi ? Il est évident que nous <strong>le</strong> sommes.<br />

– Non, répliqua-t-il d’une voix douce. Je suis un<br />

chasseur et un guerrier ; toi tu es un maquereau. »<br />

J’en restai bouché bée. Je n’arrivais pas à croire ce<br />

qu’il venait de dire. Je laissai tomber mon carnet de<br />

notes et <strong>le</strong> regardai, abasourdi. Puis, naturel<strong>le</strong>ment, la fureur me gagna.<br />

Il me regardait calmement, droit dans <strong>le</strong>s yeux.<br />

J’évitais son regard. Alors il se mit à par<strong>le</strong>r. Il<br />

prononçait clairement ses mots. Ils jaillissaient <strong>le</strong>nte-<br />

ment mais mortel<strong>le</strong>ment. Il dit que je maquereautais<br />

pour quelqu’un d'autre, que je ne menais pas mes<br />

propres combats mais ceux d’inconnus, que je ne<br />

désirais pas apprendre ce qui touche aux plantes, ni<br />

chasser, ni n’importe quoi d’autre, et que son monde<br />

d’actions précises, de sensations, de résolutions, était infiniment plus efficace que la stupide idiotie<br />

que je nommais « ma vie ».<br />

90<br />

J'étais interloqué. Il avait parlé sans agressivité et sans mépris, mais avec une tel<strong>le</strong> puissance et<br />

un tel calme que je n'étais même plus en colère.<br />

Un long si<strong>le</strong>nce suivit. Embarrassé à l'extrême, je ne savais que dire. J’attendais qu’il par<strong>le</strong>. Les<br />

heures passèrent. Graduel<strong>le</strong>ment il s'immobilisa jusqu’à ce que son corps acquière une rigidité<br />

étrange et presque effrayante. Sa silhouette ne se dégageait plus qu’à peine de la nuit<br />

environnante. Lorsque l'obscurité devint tota<strong>le</strong> on eût dit qu’il s'était fondu dans la noirceur des<br />

rochers. Son immobilité était si tota<strong>le</strong> qu'il semblait ne plus exister du tout.<br />

Vers minuit je me rendis compte qu’il pourrait rester et resterait certainement immobi<strong>le</strong> dans ce

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