Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
<strong>Contes</strong> <strong>chinois</strong><br />
Le naïf, comprenant seulement alors qu'on s'était amusé à ses<br />
dépens et n'ayant pas le moyen de demander lui-même des<br />
explications à la jeune fille, son premier enthousiasme fut vite refroidi ;<br />
il se consola, en se disant que A-Pao ne devait pas être une personne<br />
bien sérieuse, et qu'il n'aurait pas à regretter de ne pas l'avoir épousée.<br />
A la fête des Morts, ses amis lui proposèrent d'aller aux tombeaux,<br />
avec l'espoir de rencontrer une personne qui lui conviendrait ; peut-être<br />
même cette occasion lui permettrait-elle de voir A-Pao.<br />
On aperçut effectivement la belle, assise sous un arbre, entourée<br />
d'une foule de jeunes gens, qui lui formaient une muraille<br />
d'admirateurs ; sa beauté, du reste, était sans pareille et digne de tels<br />
hommages.<br />
Pendant que les autres louaient à grands efforts d'éloquence, le<br />
visage de la jeune fille, Seng gardait le silence. Lorsque le public fut<br />
parti, après même que la jeune fille eut quitté sa place, il resta seul,<br />
immobile, sans répondre même aux appels de ses amis. On lui frappa<br />
sur l'épaule en disant ;<br />
— Votre âme est-elle donc partie avec A-Pao ?<br />
Ce fut inutile ; il n'avait plus l'intelligence nécessaire pour<br />
comprendre ce qu'on lui disait.<br />
On le ramena chez lui : il garda le lit, depuis, comme s'il était ivre.<br />
De temps en temps, il répondait à son entourage par une seule<br />
phrase : qu'il était auprès de A-Pao.<br />
Depuis cette rencontre il lui semblait toujours qu'il allait au-devant<br />
de la personne aimée et l'accompagnait chez elle, où il ne la quittait<br />
plus.<br />
De son côté, la jeune fille dans son rêve, voyait tous les soirs un<br />
jeune homme qui disait se nommer Seng : la honte seule l'empêchait<br />
d'informer ses parents de ces visions intimes.<br />
Pendant ce temps, le corps de Seng, maintenu toujours dans la<br />
même absence d'esprit, n'était rattaché à la vie que par un souffle. On<br />
175