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<strong>Contes</strong> <strong>chinois</strong><br />
UN BON ENNEMI<br />
Une dame Chao, dont le mari avait disparu pendant les tourmentes<br />
d'une révolution, élevait péniblement, des faibles ressources de son<br />
travail, ses deux fils en bas âge, Fô et Lô. Elle avait un vieil oncle<br />
excellent homme, mais malheureusement sans fortune ; très affligé de<br />
voir sa nièce passer sa jeunesse dans une gêne laborieuse, il eût voulu<br />
la remarier et fit plusieurs démarches en ce sens. Il avait compté sans<br />
les mauvaises langues. — A qui ne s'attaquent-elles pas ! Un ennemi,<br />
qu'elle ne connaissait pas, avait si bien miné la réputation de la pauvre<br />
veuve, que tous les projets de mariage échouèrent les uns après les<br />
autres.<br />
Les enfants grandissaient, et promettaient déjà de récompenser un<br />
jour leur mère de ses longs sacrifices, lorsque madame Chao, excédée<br />
de fatigue et de chagrins, succombant sous la honte des calomnies,<br />
tomba gravement malade. Elle ne guérit que pour demeurer affectée de<br />
paralysie chronique.<br />
Mais, si le corps de la vaillante femme était brisé, elle avait conservé<br />
la vigueur de sa tête. Enfermée dans sa chambre de valétudinaire, elle<br />
sut choisir celle qui devait la remplacer dans le ménage. Elle maria Fô,<br />
son fils aîné, alors âgé de seize ans, avec une jeune fille très<br />
distinguée. Grâce à la direction intelligente imprimée par cette dernière<br />
aux affaires de la maison, la misère fit bientôt place à l'aisance.<br />
L'ennemi mystérieux, qui avait une première fois calomnié la veuve,<br />
ne put assister impassible au relèvement de cette famille, dont il avait<br />
juré la perte.<br />
Pour assurer la réalisation de ses plans, il chercha à se faire<br />
admettre dans l'intimité des Chao, et fut assez habile pour réussir ; il<br />
se lia particulièrement avec Fô qui, bientôt, ne sut plus se passer de la<br />
société d'un ami si aimable et, en apparence, si bienveillant.<br />
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