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<strong>Contes</strong> <strong>chinois</strong><br />
lendemain assuré. La fille travaillait à la couture ; elle vivait au jour le<br />
jour.<br />
Émue de pitié à l'aspect de cette infortuné, la visiteuse proposa aux<br />
deux femmes de venir partager sa table. La vieille mère aurait bien<br />
voulu accepter, si la jeune fille ne lui avait fait un signe de tête négatif.<br />
La mère du jeune lettré se retira, sans oser insister davantage et ne put<br />
s'empêcher d'admirer cette courageuse jeune fille, à la fois jolie comme<br />
la fleur et froide comme la glace.<br />
Un jour, un jeune ami du lettré vint le voir et rencontra justement la<br />
jeune fille qui sortait. Très léger de nature, il eût voulu l'aborder : il dut<br />
reculer devant la froideur de la jeune fille. Après le départ de cet<br />
écervelé, madame Kou raconta à son fils que leur belle voisine était<br />
venue lui demander du riz, n'ayant rien mangé depuis plusieurs jours :<br />
— Cette fille est charmante, continuait-elle, il faut la secourir.<br />
Le jeune lettré porta lui-même une mesure de riz et la remit, de la<br />
part de sa mère, à la jeune inconnue qui reçut ce cadeau sans proférer<br />
aucun remerciement. Elle vint depuis lors, tous les jours à la maison de<br />
ses bienfaiteurs. Lorsqu'elle voyait madame Kou occupée aux travaux<br />
d'aiguille, elle lui prenait l'ouvrage des mains et se mettait à coudre<br />
pour elle ; elle s'occupait même du ménage de la maison, tout comme<br />
si elle en faisait partie. De son côté, le lettré, très reconnaissant des<br />
soins qu'elle prenait de sa mère, partagea toujours ses honoraires entre<br />
sa propre maison et la famille d'en face.<br />
Sur ces entrefaites, madame Kou tomba malade ; elle avait un<br />
abcès qui la faisait continuellement souffrir. La jeune fille la soignait<br />
comme si elle eût été sa propre mère, lavait sa plaie et la pansait trois<br />
ou quatre fois par jour, sans montrer jamais la moindre répugnance :<br />
— Quel bonheur pour moi, disait la malade en pleurant, si<br />
j'avais une bru comme vous, pour prendre soin de mes<br />
derniers jours !<br />
La jeune fille, pour la consoler, lui dit que son fils, un modèle de piété<br />
filiale, valait bien mieux qu'elle, à ce point de vue.<br />
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