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GERMINAL Emile ZOLA - livrefrance.com

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M. Hennebeau <strong>com</strong>battit cette théorie, mais il convint que les années heureuses<br />

avaient gâté l'ouvrier.<br />

- Quand je songe, cria-t-il, que ces gaillards, dans nos fosses, pouvaient se faire<br />

jusqu'à six francs par jour, le double de ce qu'ils gagnent à présent. Et ils vivaient<br />

bien, et ils prenaient des goûts de luxe... Aujourd'hui naturellement, ça leur semble<br />

dur, de revenir à leur frugalité ancienne.<br />

- Monsieur Grégoire, interrompit Mme Hennebeau je vous en prie, encore un peu de<br />

ces truites... Elles sont délicates, n'est-ce pas<br />

Le directeur continuait:<br />

- Mais, en vérité, est-ce notre faute Nous sommes atteints cruellement, nous aussi...<br />

Depuis que les usines ferment une à une, nous avons un mal du diable à nous<br />

débarrasser de notre stock; et, devant la réduction croissante des demandes, nous<br />

nous trouvons bien forcés d'abaisser le prix de revient... C'est ce que les ouvriers ne<br />

veulent pas <strong>com</strong>prendre.<br />

Un silence régna. Le domestique présentait des perdreaux rôtis, tandis que la femme<br />

de chambre <strong>com</strong>mençait à verser du chambertin aux convives.<br />

- Il y a eu une famine dans l'Inde, reprit Deneulin à demi-voix, <strong>com</strong>me s'il se fût parlé<br />

à lui-même. L'Amérique, en cessant ses <strong>com</strong>mandes de fer et de fonte, a porté un<br />

rude coup à nos hauts fourneaux. Tout se tient, une secousse lointaine suffit à<br />

ébranler le monde... Et l'Empire qui était si fier de cette fièvre chaude de l'industrie!<br />

Il attaqua son aile de perdreau. Puis, haussant la voix:<br />

- Le pis est que, pour abaisser le prix de revient, il faudrait logiquement produire<br />

davantage: autrement, la baisse se porte sur les salaires, et l'ouvrier a raison de dire<br />

qu'il paie les pots cassés.<br />

Cet aveu, arraché à sa franchise, souleva une discussion. Les dames ne s'amusaient<br />

guère. Chacun, du reste, s'occupait de son assiette, dans le feu du premier appétit.<br />

Comme le domestique rentrait, il sembla vouloir parler, puis il hésita.<br />

- Qu'y a-t-il demanda M. Hennebeau. Si ce sont des dépêches, donnez-les-moi...<br />

J'attends des réponses.<br />

- Non, Monsieur, c'est M. Dansaert qui est dans le vestibule... Mais il craint de<br />

déranger.<br />

Le directeur s'excusa et fit entrer le maître-porion. Celui-ci se tint debout, à quelques<br />

pas de la table; tandis que tous se tournaient pour le voir, énorme, essoufflé des<br />

nouvelles qu'il apportait. Les corons restaient tranquilles, seulement, c'était une chose<br />

décidée, une délégation allait venir. Peut-être, dans quelques minutes, serait-elle là.<br />

- C'est bien, merci, dit M. Hennebeau. Je veux un rapport matin et soir, entendezvous!<br />

Et, dès que Dansaert fut parti, on se remit à plaisanter, on se jeta sur la salade russe,<br />

en déclarant qu'il fallait ne pas perdre une seconde, si l'on voulait la finir. Mais la<br />

gaieté ne connut plus de borne, lorsque Négrel ayant demandé du pain à la femme de<br />

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