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GERMINAL Emile ZOLA - livrefrance.com

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- Toi qui dis toujours des autres qu'elles sont sales, criait la Levaque à la Pierronne,<br />

ce n'est pas étonnant que tu sois propre, si tu te fais récurer par les chefs!<br />

- Ah! ça lui va, de parler! reprenait Levaque. En voilà une salope qui a dit que ma<br />

femme couchait avec moi et le logeur, l'un dessous et l'autre dessus!.. Oui, oui, on<br />

m'a dit que tu l'as dit.<br />

Mais la Pierronne, calmée, tenait tête aux gros mots, très méprisante, dans sa<br />

certitude d'être la plus belle et la plus riche.<br />

- J'ai dit ce que j'ai dit, fichez-moi la paix, hein!... Est-ce que ça vous regarde, mes<br />

affaires, tas de jaloux qui nous en voulez, parce que nous mettons de l'argent à la<br />

caisse d'épargne! Allez, allez, vous aurez beau dire, mon mari sait bien pourquoi<br />

monsieur Dansaert était chez nous.<br />

En effet, Pierron s'emportait, détendait sa femme. La querelle tourna, on le traita de<br />

vendu, de mouchard, de chien de la Compagnie, on l'accusa de s'enfermer pour se<br />

gaver des bons morceaux, dont les chefs lui payaient ses traîtrises. Lui, répliquait,<br />

prétendait que Maheu lui avait glissé des menaces sous sa porte, un papier où se<br />

trouvaient deux os de mort en croix, avec un poignard au-dessus. Et cela se termina<br />

forcément par un massacre entre les hommes, <strong>com</strong>me toutes les querelles de<br />

femmes, depuis que la faim enrageait les plus doux. Maheu et Levaque s'étaient rués<br />

sur Perron à coups de poing, il fallut les séparer.<br />

Le sang coulait à flots du nez de son gendre, lorsque la Brûlé, à son tour, arriva du<br />

lavoir. Mise au courant, elle se contenta de dire:<br />

- Ce cochon-là me déshonore.<br />

La rue redevint déserte, pas une ombre ne tachait la blancheur nue de la neige; et le<br />

coron, retombé à son immobilité de mort, crevait de faim sous le froid intense.<br />

- Et le médecin demanda Maheu, en refermant la porte.<br />

- Pas venu, répondit la Maheude, toujours debout devant la fenêtre.<br />

- Les petits sont rentrés<br />

- Non, pas rentrés.<br />

Maheu reprit sa marche lourde, d'un mur à l'autre, de son air de boeuf assommé.<br />

Raidi sur sa chaise, le père Bonnemort n'avait pas même levé la tête. Alzire non plus<br />

ne disait rien, tâchait de ne pas trembler, pour leur éviter de la peine; mais, malgré<br />

son courage à souffrir, elle tremblait si fort par moments, qu'on entendait contre la<br />

couverture le frisson de son maigre corps de fillette infirme; pendant que, de ses<br />

grands yeux ouverts, elle regardait au plafond le pâle reflet des jardins tout blancs,<br />

qui éclairait la pièce d'une lueur de lune.<br />

C'était, maintenant, l'agonie dernière, la maison vidée, tombée au dénuement final.<br />

Les toiles des matelas avaient suivi la laine chez la brocanteuse; puis les draps étaient<br />

partis, le linge, tout ce qui pouvait se vendre. Un soir, on avait vendu deux sous un<br />

mouchoir du grand-père. Des larmes coulaient, à chaque objet du pauvre ménage<br />

dont il fallait se séparer, et la mère se lamentait encore d'avoir emporté un jour, dans<br />

sa jupe, la boîte de carton rose, l'ancien cadeau de son homme, <strong>com</strong>me on<br />

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