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GERMINAL Emile ZOLA - livrefrance.com

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examiner la malade. Déballée de sa couverture, elle grelottait sous cette lueur<br />

vacillante, d'une maigreur d'oiseau agonisant dans la neige, si chétive qu'on ne voyait<br />

plus que sa bosse. Elle souriait pourtant, d'un sourire égaré de moribonde, les yeux<br />

très grands, tandis que ses pauvres mains se crispaient sur sa poitrine creuse. Et,<br />

<strong>com</strong>me la mère, suffoquée, demandait si c'était raisonnable de prendre, avant elle, la<br />

seule enfant qui l'aidât au ménage, si intelligente, si douce, le docteur se fâcha.<br />

- Tiens! la voilà qui passe... Elle est morte de faim, ta sacrée gamine. Et elle n'est pas<br />

la seule, j'en ai vu une autre, à côté... Vous m'appelez tous, je n'y peux rien, c'est de<br />

la viande qu'il faut pour vous guérir.<br />

Maheu, les doigts brûlés, avait lâché l'allumette; et les ténèbres retombèrent sur le<br />

petit cadavre encore chaud. Le médecin était reparti en courant. Etienne n'entendait<br />

plus dans la pièce noire que les sanglots de la Maheude, qui répétait son appel de<br />

mort, cette lamentation lugubre et sans fin:<br />

- Mon Dieu, c'est mon tour, prenez-moi!... Mon Dieu, prenez mon homme, prenez les<br />

autres, par pitié, pour en finir!<br />

VI, III<br />

Ce dimanche-là, dès huit heures, Souvarine resta seul dans la salle de l'Avantage, à<br />

sa place accoutumée, la tête contre le mur. Plus un charbonnier ne savait où prendre<br />

les deux sous d'une chope, jamais les débits n'avaient eu moins de clients. Aussi Mme<br />

Rasseneur, immobile au <strong>com</strong>ptoir, gardait-elle un silence irrité; pendant que<br />

Rasseneur, debout devant la cheminée de fonte, semblait suivre, d'un air réfléchi, la<br />

fumée rousse du charbon.<br />

Brusquement, dans cette paix lourde des pièces trop chauffées, trois petits coups<br />

secs, tapés contre une vitre de la fenêtre, firent tourner la tête à Souvarine. Il se leva,<br />

il avait reconnu le signal dont plusieurs fois déjà Etienne s'était servi pour l'appeler,<br />

lorsqu'il le voyait du dehors fumant sa cigarette, assis à une table vide. Mais, avant<br />

que le machineur eût gagné la porte, Rasseneur l'avait ouverte; et, reconnaissant<br />

l'homme qui était là, dans la clarté de la fenêtre, il lui disait:<br />

- Est-ce que tu as peur que je ne te vende... Vous serez mieux pour causer ici que<br />

sur la route.<br />

Etienne entra. Mme Rasseneur lui offrit poliment une chope, qu'il refusa d'un geste.<br />

Le cabaretier ajoutait:<br />

- Il y a longtemps que j'ai deviné où tu te caches. Si j'étais un mouchard <strong>com</strong>me tes<br />

amis le disent, je t'aurais depuis huit jours envoyé les gendarmes.<br />

- Tu n'as pas besoin de te défendre, répondit le jeune homme, je sais que tu n'as<br />

jamais mangé de ce pain-là... On peut ne pas avoir les mêmes idées et s'estimer tout<br />

de même.<br />

Et le silence régna de nouveau. Souvarine avait repris sa chaise, le dos à la muraille,<br />

les yeux perdus sur la fumée de sa cigarette; mais ses doigts fébriles étaient agités<br />

d'une inquiétude, il les promenait le long de ses genoux, cherchant le poil tiède de<br />

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