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GERMINAL Emile ZOLA - livrefrance.com

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d'assassins. D'ailleurs, elle ne soupçonna pas le vrai coupable, elle finissait par croire à<br />

une armée de <strong>com</strong>plices, ne pouvant admettre qu'un seul homme eût trouvé l'audace<br />

et la force d'une telle besogne; et là, justement, était la pensée qui l'obsédait, cette<br />

pensée d'une menace désormais grandissante autour de ses fosses. Le directeur avait<br />

reçu l'ordre d'organiser un vaste système d'espionnage, puis de congédier un à un,<br />

sans bruit, les hommes dangereux, soupçonnés d'avoir trempé dans le crime. On se<br />

contenta de cette épuration, d'une haute prudence politique.<br />

Il n'y eut qu'un renvoi immédiat, celui de Dansaert, le maître- porion. Depuis le<br />

scandale chez la Pierronne, il était devenu impossible. Et l'on prétexta son attitude<br />

dans le danger, cette lâcheté du capitaine abandonnant ses hommes. D'autre part,<br />

c'était une avance discrète aux mineurs, qui l'exécraient.<br />

Cependant, parmi le public, des bruits avaient transpiré, et la Direction dut envoyer<br />

une note rectificative à un journal, pour démentir une version où l'on parlait d'un baril<br />

de poudre, allumé par les grévistes. Déjà, après une rapide enquête, le rapport de<br />

l'ingénieur du gouvernement concluait à une rupture naturelle du cuvelage, que le<br />

tassement des terrains aurait occasionnée; et la Compagnie avait préféré se taire et<br />

accepter le blâme d'un manque de surveillance. Dans la presse, à Paris, dès le<br />

troisième jour, la catastrophe était allée grossir les faits divers: on ne causait plus que<br />

des ouvriers agonisant au fond de la mine, on lisait avidement les dépêches publiées<br />

chaque matin. A Montsou même, les bourgeois blêmissaient et perdaient la parole au<br />

seul nom du Voreux, une légende se formait, que les plus hardis tremblaient de se<br />

raconter à l'oreille. Tout le pays montrait aussi une grande pitié pour les victimes, des<br />

promenades s'organisaient à la fosse détruite, on y accourait en famille se donner<br />

l'horreur des dé<strong>com</strong>bres, pesant si lourd sur la tête des misérables ensevelis.<br />

Deneulin, nommé ingénieur divisionnaire, venait de tomber au milieu du désastre,<br />

pour son entrée en fonction; et son premier soin fut de refouler le canal dans son lit,<br />

car ce torrent d'eau aggravait le dommage à chaque heure. De grands travaux étaient<br />

nécessaires, il mit tout de suite une centaine d'ouvriers à la construction d'une digue.<br />

Deux fois, l'impétuosité du flot emporta les premiers barrages. Maintenant, on<br />

installait des pompes, c'était une lutte acharnée, une reprise violente, pas à pas, de<br />

ces terrains disparus.<br />

Mais le sauvetage des mineurs engloutis passionnait plus encore. Négrel restait<br />

chargé de tenter un effort suprême, et les bras ne lui manquaient pas, tous les<br />

charbonniers accouraient s'offrir, dans un élan de fraternité. Ils oubliaient la grève, ils<br />

ne s'inquiétaient point de la paie; on pouvait ne leur donner rien, ils ne demandaient<br />

qu'à risquer leur peau, du moment où il y avait des camarades en danger de mort.<br />

Tous étaient là, avec leurs outils, frémissant, attendant de savoir à quelle place il<br />

fallait taper. Beaucoup, malades de frayeur après l'accident, agités de tremblements<br />

nerveux, trempés de sueurs froides, dans l'obsession de continuels cauchemars, se<br />

levaient quand même, se montraient les plus enragés à vouloir se battre contre la<br />

terre, <strong>com</strong>me s'ils avaient une revanche à prendre. Malheureusement, l'embarras<br />

<strong>com</strong>mençait devant cette question d'une besogne utile: que faire <strong>com</strong>ment<br />

descendre par quel côté attaquer les roches<br />

L'opinion de Négrel était que pas un des malheureux ne survivait, les quinze avaient à<br />

coup sûr péri, noyés ou asphyxiés; seulement, dans ces catastrophes des mines, la<br />

règle est de toujours supposer vivants les hommes murés au fond; et il raisonnait en<br />

ce sens. Le premier problème qu'il se posait était de déduire où ils avaient pu se<br />

réfugier. Les porions, les vieux mineurs consultés par lui, tombaient d'accord sur ce<br />

point: devant la crue, les camarades étaient certainement montés, de galerie en<br />

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