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GERMINAL Emile ZOLA - livrefrance.com

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lâchaient des ruisseaux. Ce n'était à présent qu'une question d'heures, le puits<br />

achèverait de se décuveler, et s'écroulerait.<br />

Au jour, M. Hennebeau anxieux attendait Négrel.<br />

- Eh bien! quoi demanda-t-il.<br />

Mais l'ingénieur, étranglé, ne parlait point. Il défaillait.<br />

- Ce n'est pas possible, jamais on n'a vu ça... As-tu examiné<br />

Oui, il répondait de la tête, avec des regards défiants. Il refusait de s'expliquer en<br />

présence des quelques porions qui écoutaient, il emmena son oncle à dix mètres, ne<br />

se jugea pas assez loin, recula encore; puis, très bas, à l'oreille, il lui dit enfin<br />

l'attentat, les planches trouées et sciées, la fosse saignée au cou et râlant. Devenu<br />

blême, le directeur baissait aussi la voix, dans le besoin instinctif qui fait le silence sur<br />

la monstruosité des grandes débauches et des grands crimes. Il était inutile d'avoir<br />

l'air de trembler devant les dix mille ouvriers de Montsou: plus tard, on verrait. Et tous<br />

deux continuaient à chuchoter, atterrés qu'un homme eût trouvé le courage de<br />

descendre, de se pendre au milieu du vide, de risquer sa vie vingt fois, pour cette<br />

effroyable besogne. Ils ne <strong>com</strong>prenaient même pas cette bravoure folle dans la<br />

destruction, ils refusaient de croire malgré l'évidence, <strong>com</strong>me on doute de ces<br />

histoires d'évasions célèbres, de ces prisonniers envolés par des fenêtres, à trente<br />

mètres du sol.<br />

Lorsque M. Hennebeau se rapprocha des porions, un tic nerveux tirait son visage. Il<br />

eut un geste de désespoir, il donna l'ordre d'évacuer la fosse tout de suite. Ce fut une<br />

sortie lugubre d'enterrement, un abandon muet, avec des coups d'oeil en arrière sur<br />

ces grands corps de briques, vides et encore debout, que rien désormais ne pouvait<br />

sauver.<br />

Et, <strong>com</strong>me le directeur et l'ingénieur descendaient les derniers de la recette, la foule<br />

les accueillit de sa clameur, répétée obstinément.<br />

- Les noms! les noms! dites les noms!<br />

Maintenant, la Maheude était là, parmi les femmes. Elle se rappelait le bruit de la<br />

nuit, sa fille et le logeur avaient dû partir ensemble, ils se trouvaient pour sûr au fond;<br />

et, après avoir crié que c'était bien fait, qu'ils méritaient d'y rester, les sans-coeur, les<br />

lâches, elle était accourue, elle se tenait au premier rang, grelottante d'angoisse.<br />

D'ailleurs, elle n'osait plus douter, la discussion qui s'élevait autour d'elle sur les noms<br />

la renseignait. Oui, oui, Catherine y était, Etienne aussi, un camarade les avait vus.<br />

Mais, au sujet des autres, l'accord ne se faisait toujours pas. Non, pas celui-ci, celui-là<br />

au contraire, peut-être Chaval, avec lequel pourtant un galibot jurait d'être remonté.<br />

La Levaque et la Pierronne, bien qu'elles n'eussent personne en péril, s'acharnaient, se<br />

lamentaient aussi fort que les autres. Sorti un des premiers, Zacharie, malgré son air<br />

de se moquer de tout, avait embrassé en pleurant sa femme et sa mère; et, demeuré<br />

près de celle-ci, il grelottait avec elle, montrant pour sa soeur un débordement<br />

inattendu de tendresse, refusant de la croire là-bas, tant que les chefs ne l'auraient<br />

pas constaté officiellement.<br />

- Les noms! les noms! de grâce les noms!<br />

Négrel, énervé, dit très haut aux surveillants:<br />

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