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GERMINAL Emile ZOLA - livrefrance.com

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enfermait. Aussi, abandonnant la discussion des deux centimes, élargit-il<br />

brusquement la question.<br />

- Non, avouez donc la vérité, vous obéissez à des excitations détestables. C'est une<br />

peste, maintenant, qui souffle sur tous les ouvriers et qui corrompt les meilleurs... Oh!<br />

je n'ai besoin de la confession de personne, je vois bien qu'on vous a changés, vous si<br />

tranquilles autrefois. N'est-ce pas on vous a promis plus de beurre que de pain, on<br />

vous a dit que votre tour était venu d'être les maîtres... Enfin, on vous enrégimente<br />

dans cette fameuse Internationale, cette armée de brigands dont le rêve est la<br />

destruction de la société...<br />

Etienne, alors, l'interrompit.<br />

- Vous vous trompez, monsieur le directeur. Pas un charbonnier de Montsou n'a<br />

encore adhéré. Mais, si on les y pousse, toutes les fosses s'enrôleront. Ca dépend de<br />

la Compagnie.<br />

Dès ce moment, la lutte continua entre M. Hennebeau et lui, <strong>com</strong>me si les autres<br />

mineurs n'avaient plus été là.<br />

- La Compagnie est une providence pour ses hommes, vous avez tort de la menacer.<br />

Cette année, elle a dépensé trois cent mille francs à bâtir des corons, qui ne lui<br />

rapportent pas le deux pour cent, et je ne parle ni des pensions qu'elle sert, ni du<br />

charbon, ni des médicaments qu'elle donne... Vous qui paraissez intelligent, qui êtes<br />

devenu en peu de mois un de nos ouvriers les plus habiles, ne feriez-vous pas mieux<br />

de répandre ces vérités-là que de vous perdre, en fréquentant des gens de mauvaise<br />

réputation Oui, je veux parler de Rasseneur, dont nous avons dû nous séparer, afin<br />

de sauver nos fosses de la pourriture socialiste... On vous voit toujours chez lui, et<br />

c'est lui assurément qui vous a poussés à créer cette caisse de prévoyance, que nous<br />

tolérerions bien volontiers si elle était seulement une épargne, mais où nous sentons<br />

une arme contre nous, un fonds de réserve pour payer les frais de la guerre. Et, à ce<br />

propos, je dois ajouter que la Compagnie entend avoir un contrôle sur cette caisse.<br />

Etienne le laissait aller, lés yeux sur les siens, les lèvres agitées d'un petit battement<br />

nerveux. Il sourit à la dernière phrase, il répondit simplement:<br />

- C'est donc une nouvelle exigence, car Monsieur le directeur avait jusqu'ici négligé de<br />

réclamer ce contrôle... Notre désir, par malheur, est que la Compagnie s'occupe moins<br />

de nous, et qu'au lieu de jouer le rôle de providence, elle se montre tout bonnement<br />

juste en nous donnant ce qui nous revient, notre gain qu'elle se partage. Est-ce<br />

honnête, à chaque crise, de laisser mourir de faim les travailleurs pour sauver les<br />

dividendes des actionnaires... Monsieur le directeur aura beau dire, le nouveau<br />

système est une baisse de salaire déguisée, et c'est ce qui nous révolte, car si la<br />

Compagnie a des économies à faire, elle agit très mal en les réalisant uniquement sur<br />

l'ouvrier.<br />

- Ah! nous y voilà! cria M. Hennebeau. Je l'attendais, cette accusation d'affamer le<br />

peuple et de vivre de sa sueur! Comment pouvez- vous dire des bêtises pareilles, vous<br />

qui devriez savoir les risques énormes que les capitaux courent dans l'industrie, dans<br />

les mines par exemple Une fosse tout équipée, aujourd'hui, coûte de quinze cent<br />

mille francs à deux millions; et que de peine avant de retirer un intérêt médiocre d'une<br />

telle somme engloutie! Presque la moitié des sociétés minières, en France, font<br />

faillite... Du reste, c'est stupide d'accuser de cruauté celles qui réussissent. Quand<br />

leurs ouvriers souffrent, elles souffrent elles-mêmes. Croyez-vous que la Compagnie<br />

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