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GERMINAL Emile ZOLA - livrefrance.com

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et la pitié affreuse qui le serrait à la gorge! Le spectacle de cette agonie le bouleversait<br />

à un tel point qu'il cherchait des paroles, pour leur conseiller la soumission.<br />

Mais, violemment, Maheu s'était planté devant lui criant:<br />

- Des Borains! ils n'oseront pas, les jean-foutre!.. Qu'ils fassent donc descendre des<br />

Borains, s'ils veulent que nous démolissions les fosses!<br />

D'un air de gêne, Etienne expliqua qu'on ne pourrait pas bouger, que les soldats qui<br />

gardaient les fosses protégeraient la descente des ouvriers belges. Et Maheu serrait<br />

les poings, irrité surtout, <strong>com</strong>me il disait, d'avoir ces baïonnettes dans le dos. Alors,<br />

les charbonniers n'étaient plus les maîtres chez eux on les traitait donc en galériens,<br />

pour les forcer au travail, le fusil chargé Il aimait son puits, ça lui faisait une grosse<br />

peine de n'y être pas descendu depuis deux mois. Aussi voyait-il rouge, à l'idée de<br />

cette injure, de ces étrangers qu'on menaçait d'y introduire. Puis, le souvenir qu'on lui<br />

avait rendu son livret, lui creva le coeur.<br />

- Je ne sais pas pourquoi je me fâche, murmura-t-il. Moi, je n'en suis plus, de leur<br />

baraque... Quand ils m'auront chassé d'ici, je pourrai bien crever sur la route.<br />

- Laisse donc! dit Etienne. Si tu veux, ils te le reprendront demain, ton livret. On ne<br />

renvoie pas les bons ouvriers.<br />

Il s'interrompit, étonné d'entendre Alzire, qui riait doucement, dans le délire de sa<br />

fièvre. Il n'avait encore distingué que l'ombre raidie du père Bonnemort, et cette<br />

gaieté d'enfant malade l'effrayait. C'était trop, cette fois, Si les petits se mettaient à<br />

en mourir. La voix tremblante, il se décida.<br />

- Voyons, ça ne peut pas durer, nous sommes foutus... Il faut se rendre.<br />

La Maheude, immobile et silencieuse jusque-là, éclata tout d'un coup, lui cria dans la<br />

face, en le tutoyant et en jurant <strong>com</strong>me un homme:<br />

- Qu'est-ce que tu dis C'est toi qui dis ça, nom de Dieu!<br />

Il voulut donner des raisons, mais elle ne le laissait point parler.<br />

- Ne répète pas, nom de Dieu! ou, toute femme que je suis, je te flanque ma main<br />

sur la figure... Alors, nous aurions crevé pendant deux mois, j'aurais vendu mon<br />

ménage, mes petits en seraient tombés malades, et il n'y aurait rien de fait, et<br />

l'injustice re<strong>com</strong>mencerait!... Ah! vois-tu, quand je songe à ça, le sang m'étouffe.<br />

Non! non! moi, je brûlerais tout, je tuerais tout maintenant, plutôt que de me rendre.<br />

Elle désigna Maheu dans l'obscurité, d'un grand geste menaçant.<br />

- Ecoute ça, si mon homme retourne à la fosse, c'est moi qui l'attendrai sur la route,<br />

pour lui cracher au visage et le traiter de lâche!<br />

Etienne ne la voyait pas, mais il sentait une chaleur, <strong>com</strong>me une haleine de bête<br />

aboyante; et il avait reculé, saisi, devant cet enragement qui était son oeuvre. Il la<br />

trouvait si changée, qu'il ne la reconnaissait plus, de tant de sagesse autrefois, lui<br />

reprochant sa violence, disant qu'on ne doit souhaiter la mort de personne, puis à<br />

cette heure refusant d'entendre la raison, parlant de tuer le monde. Ce n'était plus lui,<br />

c'était elle qui causait politique, qui voulait balayer d'un coup les bourgeois, qui<br />

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