25.01.2015 Views

GERMINAL Emile ZOLA - livrefrance.com

GERMINAL Emile ZOLA - livrefrance.com

GERMINAL Emile ZOLA - livrefrance.com

SHOW MORE
SHOW LESS
  • No tags were found...

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

Brûlé, armée d'une grande pelle, accroupie devant un des foyers, le vidait violemment,<br />

jetait le charbon incandescent sur le carreau de briques, où il continuait à brûler avec<br />

une fumée noire. Il y avait dix foyers pour les cinq générateurs. Bientôt, les femmes<br />

s'y acharnèrent, la Levaque manoeuvrant sa pelle des deux mains, la Mouquette se<br />

retroussant jusqu'aux cuisses afin de ne pas s'allumer, toutes sanglantes dans le reflet<br />

d'incendie, suantes et échevelées de cette cuisine de sabbat. Les tas de houille<br />

montaient, la chaleur ardente gerçait le plafond de la vaste salle.<br />

- Assez donc! cria la Maheude. La cambuse flambe.<br />

- Tant mieux! répondit la Brûlé. Ce sera de la besogne faite... Ah! nom de Dieu! je<br />

disais bien que je leur ferais payer la mort de mon homme!<br />

A ce moment, on entendit la voie aiguë de Jeanlin.<br />

- Attention! je vas éteindre, moi! je lâche tout!<br />

Entré un des premiers, il avait gambillé au travers de la cohue, enchanté de cette<br />

bagarre, cherchant ce qu'il pourrait faire de mal; et l'idée lui était venue de tourner les<br />

robinets de décharge, pour lâcher la vapeur. Les jets partirent avec la violence de<br />

coups de feu, les cinq chaudières se vidèrent d'un souffle de tempête, sifflant dans un<br />

tel grondement de foudre, que les oreilles en saignaient. Tout avait disparu au milieu<br />

de la vapeur, le charbon pâlissait, les femmes n'étaient plus que des ombres aux<br />

gestes cassés. Seul, l'enfant apparaissait, monté sur la galerie, derrière les tourbillons<br />

de buée blanche, l'air ravi, la bouche fendue par la joie d'avoir déchaîné cet ouragan.<br />

Cela dura près d'un quart d'heure. On avait lancé quelques seaux d'eau sur les tas,<br />

pour achever de les éteindre: toute menace d'incendie était écartée. Mais la colère de<br />

la foule ne tombait pas, fouettée au contraire. Des hommes descendaient avec des<br />

marteaux, les femmes elles-mêmes s'armaient de barres de fer; et l'on parlait de<br />

crever les générateurs, de briser les machines, de démolir la fosse.<br />

Etienne, prévenu, se hâta d'accourir avec Maheu. Lui-même se grisait, emporté dans<br />

cette fièvre chaude de revanche. Il luttait pourtant, il les conjurait d'être calmes,<br />

maintenant que les câbles coupés, les feux éteints, les chaudières vidées rendaient le<br />

travail impossible. On ne l'écoutait toujours pas, il allait être débordé de nouveau,<br />

lorsque des huées s'élevèrent dehors, à une petite porte basse, où débouchait le goyot<br />

des échelles.<br />

- A bas les traîtres!... Oh! les sales gueules de lâches!... A bas! à bas!<br />

C'était la sortie des ouvriers du fond qui <strong>com</strong>mençait. Les premiers, aveuglés par le<br />

grand jour, restaient là, à battre des paupières. Puis, ils défilèrent, tâchant de gagner<br />

la route et de fuir.<br />

- A bas les lâches! à bas les faux frères!<br />

Toute la bande des grévistes était accourue. En moins de trois minutes, il ne resta<br />

pas un homme dans les bâtiments, les cinq cents de Montsou se rangèrent sur deux<br />

files, pour forcer à passer entre cette double haie ceux de Vandame qui avaient eu la<br />

traîtrise de descendre. Et, à chaque nouveau mineur apparaissant sur la porte du<br />

goyot, avec les vêtements en loques et la boue noire du travail, les huées<br />

redoublaient, des blagues féroces l'accueillaient: oh! celui-là, trois pouces de jambes,<br />

et le cul tout de suite! et celui-ci, le nez mangé par les garces du Volcan! et cet autre,<br />

190

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!