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GERMINAL Emile ZOLA - livrefrance.com

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- Vieux, c'est notre droit, <strong>com</strong>ment arriverons-nous à ce que la grève soit générale, si<br />

nous ne forçons pas les camarades à être avec nous<br />

Le vieux demeura un moment muet. Evidemment, son ignorance en matière de<br />

coalition égalait celle du haveur. Enfin, il répondit:<br />

- C'est votre droit, je ne dis pas. Mais, moi, je ne connais que la consigne... Je suis<br />

seul, ici. Les hommes sont au fond pour jusqu'à trois heures, et ils y resteront jusqu'à<br />

trois heures.<br />

Les derniers mots se perdirent dans des huées. On le menaçait du poing, déjà les<br />

femmes l'assourdissaient, lui soufflaient leur haleine chaude à la face. Mais il tenait<br />

bon, la tête haute, avec sa barbiche et ses cheveux d'un blanc de neige; et le courage<br />

enflait tellement sa voix, qu'on l'entendait distinctement, par-dessus le vacarme.<br />

- Nom de Dieu! vous ne passerez pas!... Aussi vrai que le soleil nous éclaire, j'aime<br />

mieux crever que de laisser toucher aux câbles... Ne poussez donc plus, je me fous<br />

dans le puits devant vous!<br />

Il y eut un frémissement, la foule recula, saisie. Lui, continuait:<br />

- Quel est le cochon qui ne <strong>com</strong>prend pas ca... Moi, je ne suis qu'un ouvrier <strong>com</strong>me<br />

vous autres. On m'a dit de garder, je garde.<br />

Et son intelligence n'allait pas plus loin, au père Quandieu, raidi dans son entêtement<br />

du devoir militaire, le crâne étroit, l'oeil éteint par la tristesse noire d'un demi-siècle<br />

de fond. Les camarades le regardaient, remués, ayant quelque part en eux l'écho de<br />

ce qu'il leur disait, cette obéissance du soldat, la fraternité et la résignation dans le<br />

danger. Il crut qu'ils hésitaient encore, il répéta:<br />

- Je me fous dans le puits devant vous!<br />

Une grande secousse remporta la bande. Tous avaient tourné le dos, la galopade<br />

reprenait sur la route droite, filant à l'infini, au milieu des terres. De nouveau, les cris<br />

s'élevaient:<br />

- A Madeleine! à Crèvecoeur! plus de travail! du pain, du pain!<br />

Mais, au centre, dans l'élan de la marche, une bousculade avait lieu. C'était Chaval,<br />

disait-on, qui avait voulu profiter de l'histoire pour s'échapper. Etienne venait de<br />

l'empoigner par un bras, en menaçant de lui casser les reins, s'il méditait quelque<br />

traîtrise. Et l'autre se débattait, protestait rageusement:<br />

- Pourquoi tout ça est-ce qu'on n'est plus libre... Moi, je gèle depuis une heure, j'ai<br />

besoin de me débarbouiller. Lâche-moi!<br />

Il souffrait en effet du charbon collé à sa peau par la sueur, et son tricot ne le<br />

protégeait guère.<br />

- File, ou c'est nous qui te débarbouillerons, répondait Etienne. Fallait pas renchérir<br />

en demandant du sang.<br />

On galopait toujours, il finit par se tourner vers Catherine, qui tenait bon. Cela le<br />

désespérait, de la sentir près de lui, si misérable, grelottante sous sa vieille veste<br />

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