25.01.2015 Views

GERMINAL Emile ZOLA - livrefrance.com

GERMINAL Emile ZOLA - livrefrance.com

GERMINAL Emile ZOLA - livrefrance.com

SHOW MORE
SHOW LESS
  • No tags were found...

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

egards obliques sur le mobilier, une de ces confusions de tous les styles, que le goût<br />

de l'antiquaille a mises à la mode: des fauteuils Henri II, des chaises Louis XV, un<br />

cabinet italien du dix- septième siècle, un contador espagnol du quinzième, et un<br />

devant d'autel pour le lambrequin de la cheminée, et des chamarres d'anciennes<br />

chasubles réappliquées sur les portières. Ces vieux ors, ces vieilles soies aux tons<br />

fauves, tout ce luxe de chapelle, les avait saisis d'un malaise respectueux. Les tapis<br />

d'Orient semblaient les lier aux pieds de leur haute laine. Mais ce qui les suffoquait<br />

surtout, c'était la chaleur, une chaleur égale de calorifère, dont l'enveloppement les<br />

surprenait, les joues glacées du vent de la route. Cinq minutes s'écoulèrent. Leur gêne<br />

augmentait, dans le bien-être de cette pièce riche, si confortablement close.<br />

Enfin, M. Hennebeau entra, boutonné militairement, portant à sa redingote le petit<br />

noeud correct de sa décoration. Il parla le premier.<br />

- Ah! vous voilà!... Vous vous révoltez, à ce qu'il paraît...<br />

- Et il s'interrompit, pour ajouter avec une raideur polie:<br />

- Asseyez-vous, je ne demande pas mieux que de causer.<br />

Les mineurs se tournèrent, cherchèrent des sièges du regard. Quelques-uns se<br />

risquèrent sur les chaises; tandis que les autres, inquiétés par les soies brodées,<br />

préféraient se tenir debout.<br />

Il y eut un silence. M. Hennebeau, qui avait roulé son fauteuil devant la cheminée, les<br />

dénombrait vivement, tâchait de se rappeler leurs visages. Il venait de reconnaître<br />

Pierron, caché au dernier rang; et ses yeux s'étaient arrêtés sur Etienne, assis en face<br />

de lui.<br />

- Voyons, demanda-t-il, qu'avez-vous à me dire<br />

Il s'attendait à entendre le jeune homme prendre la parole, et il fut tellement surpris<br />

de voir Maheu s'avancer qu'il ne put s'empêcher d'ajouter encore:<br />

- Comment! c'est vous, un bon ouvrier qui s'est toujours montré si raisonnable, un<br />

ancien de Montsou dont la famille travaille au fond depuis le premier coup de<br />

pioche!... Ah! c'est mal, ça me chagrine que vous soyez à la tête des mécontents!<br />

Maheu écoutait, les yeux baissés. Puis, il <strong>com</strong>mença, la voix hésitante et sourde<br />

d'abord.<br />

- Monsieur le directeur, c'est justement parce que je suis un homme tranquille,<br />

auquel on n'a rien à reprocher, que les camarades m'ont choisi. Cela doit vous prouver<br />

qu'il ne s'agit pas d'une révolte de tapageurs, de mauvaises têtes cherchant à faire du<br />

désordre. Nous voulons seulement la justice, nous sommes las de crever de faim, et il<br />

nous semble qu'il serait temps de s'arranger, pour que nous ayons au moins du pain<br />

tous les jours.<br />

Sa voix se raffermissait. Il leva les yeux, il continua, en regardant le directeur:<br />

- Vous savez bien que nous ne pouvons accepter votre nouveau système... On nous<br />

accuse de mal boiser. C'est vrai, nous ne donnons pas à ce travail le temps<br />

nécessaire. Mais, si nous le donnions, notre journée se trouverait réduite encore, et<br />

<strong>com</strong>me elle n'arrive déjà pas à nous nourrir, ce serait donc la fin de tout, le coup de<br />

127

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!