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GERMINAL Emile ZOLA - livrefrance.com

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- La mort souffle la lampe.<br />

Pourtant, devant cette menace, leur instinct luttait, une fièvre de vivre les ranima.<br />

Lui, violemment, se mit à creuser le schiste avec le crochet de la lampe, tandis qu'elle<br />

l'aidait de ses ongles. Ils pratiquèrent une sorte de banc élevé, et lorsqu'ils s'y furent<br />

hissés, tous les deux, ils se trouvèrent assis, les jambes pendantes, le dos ployé, car<br />

la voûte les forçait à baisser la tête. L'eau ne glaçait plus que leurs talons; mais ils ne<br />

tardèrent pas à en sentir le froid leur couper les chevilles, les mollets, les genoux,<br />

dans un mouvement invincible et sans trêve. Le banc, mal aplani, se trempait d'une<br />

humidité si gluante, qu'ils devaient se tenir fortement pour ne pas glisser. C'était la<br />

fin, <strong>com</strong>bien attendraient-ils, réduits à cette niche, où ils n'osaient risquer un geste,<br />

exténués, affamés, n'ayant plus ni pain ni lumière Et ils souffraient surtout des<br />

ténèbres, qui les empêchaient de voir venir la mort. Un grand silence régnait, la mine<br />

gorgée d'eau ne bougeait plus. Ils n'avaient maintenant, sous eux, que la sensation de<br />

cette mer, enflant, du fond des galeries, sa marée muette.<br />

Les heures se succédaient, toutes également noires, sans qu'ils pussent en mesurer la<br />

durée exacte, de plus en plus égarés dans le calcul du temps. Leurs tortures, qui<br />

auraient dû allonger les minutes, les emportaient, rapides. Ils croyaient n'être<br />

enfermés que depuis deux jours et une nuit, lorsqu'en réalité la troisième journée déjà<br />

se terminait. Toute espérance de secours s'en était allée, personne ne les savait là,<br />

personne n'avait le pouvoir d'y descendre, et la faim les achèverait, si l'inondation leur<br />

faisait grâce. Une dernière fois, ils avaient eu la pensée de battre le rappel; mais la<br />

pierre était restée sous l'eau. D'ailleurs, qui les entendrait<br />

Catherine, résignée, avait appuyé contre la veine sa tête endolorie, lorsqu'un<br />

tressaillement la redressa.<br />

- Ecoute! dit-elle.<br />

D'abord, Etienne crut qu'elle parlait du petit bruit de l'eau montant toujours. Il mentit,<br />

il voulut la tranquilliser.<br />

- C'est moi que tu entends, je remue les jambes.<br />

- Non, non, pas ça... Là-bas, écoute!<br />

Et elle collait son oreille au charbon. Il <strong>com</strong>prit, il fit <strong>com</strong>me elle. Une attente de<br />

quelques secondes les étouffa. Puis, très lointains, très faibles, ils entendirent trois<br />

coups, largement espacés. Mais ils doutaient encore, leurs oreilles sonnaient, c'étaient<br />

peut-être des craquements dans la couche. Et ils ne savaient avec quoi frapper pour<br />

répondre.<br />

Etienne eut une idée.<br />

- Tu as les sabots. Sors les pieds, tape avec les talons.<br />

Elle tapa, elle battit le rappel des mineurs; et ils écoutèrent, et ils distinguèrent de<br />

nouveau les trois coups, au loin. Vingt fois ils re<strong>com</strong>mencèrent, vingt fois les coups<br />

répondirent. Ils pleuraient, ils s'embrassaient, au risque de perdre l'équilibre. Enfin,<br />

les camarades étaient là, ils arrivaient. C'était un débordement de joie et d'amour qui<br />

emportait les tourments de l'attente, la rage des appels longtemps inutiles, <strong>com</strong>me si<br />

les sauveurs n'avaient eu qu'à fendre la roche du doigt, pour les délivrer.<br />

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