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GERMINAL Emile ZOLA - livrefrance.com

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poussait du coude Bébert, forçait Lydie à lever le nez. Mais les femmes revenaient<br />

déjà, tournant sur elles-mêmes, passant sous les fenêtres de la Direction. Et, derrière<br />

les persiennes, ces dames et ces demoiselles allongeaient le cou. Elles n'avaient pu<br />

apercevoir la scène, cachée par le mur, elles distinguaient mal, dans la nuit devenue<br />

noire.<br />

- Qu'ont-elles donc au bout de ce bâton demanda Cécile, qui s'était enhardie jusqu'à<br />

regarder.<br />

Lucie et Jeanne déclarèrent que ce devait être une peau de lapin.<br />

- Non, non, murmura Mme Hennebeau, ils auront pillé la charcuterie, on dirait un<br />

débris de porc.<br />

A ce moment, elle tressaillit et elle se tut. Mme Grégoire lui avait donné un coup de<br />

genou. Toutes deux restèrent béantes. Ces demoiselles, très pâles, ne questionnaient<br />

plus, suivaient de leurs grands yeux cette vision rouge, au fond des ténèbres.<br />

Etienne de nouveau brandit la hache. Mais le malaise ne se dissipait pas, ce cadavre à<br />

présent barrait la route et protégeait la boutique. Beaucoup avaient reculé. C'était<br />

<strong>com</strong>me un assouvissement qui les apaisait tous. Maheu demeurait sombre, lorsqu'il<br />

entendit une voix lui dire à l'oreille de se sauver. Il se retourna, il reconnut Catherine,<br />

toujours dans son vieux paletot d'homme, noire, haletante. D'un geste, il la repoussa.<br />

Il ne voulait pas l'écouter, il menaçait de la battre. Alors, elle eut un geste de<br />

désespoir, elle hésita, puis courut vers Etienne.<br />

- Sauve-toi, sauve-toi, voilà les gendarmes!<br />

Lui aussi la chassait, l'injuriait, en sentant remonter à ses joues le sang des gifles<br />

qu'il avait reçues. Mais elle ne se rebutait pas, elle l'obligeait à jeter la hache, elle<br />

l'entraînait par les deux bras, avec une force irrésistible.<br />

- Quand je te dis que voilà les gendarmes!... Ecoute-moi donc. C'est Chaval qui est<br />

allé les chercher et qui les amène, si tu veux savoir. Moi, ça m'a dégoûtée, je suis<br />

venue... Sauve-toi, je ne veux pas qu'on te prenne.<br />

Et Catherine l'emmena, à l'instant où un lourd galop ébranlait au loin le pavé. Tout de<br />

suite, un cri éclata: "Les gendarmes! les gendarmes!" Ce fut une débâcle, un sauvequi-peut<br />

si éperdu, qu'en deux minutes la route se trouva libre, absolument nette,<br />

<strong>com</strong>me balayée par un ouragan. Le cadavre de Maigrat faisait seul une tache d'ombre<br />

sur la terre blanche. Devant l'estaminet Tison, il n'était resté que Rasseneur, qui,<br />

soulagé, la face ouverte, applaudissait à la facile victoire des sabres; tandis que, dans<br />

Montsou désert, éteint, dans le silence des façades closes, les bourgeois, la sueur à la<br />

peau, n'osant risquer un oeil, claquaient des dents. La plaine se noyait sous l'épaisse<br />

nuit, il n'y avait plus que les hauts fourneaux et les fours à coke incendiés au fond du<br />

ciel tragique. Pesamment, le galop des gendarmes approchait, ils débouchèrent sans<br />

qu'on les distinguât, en une masse sombre. Et, derrière eux, confiée à leur garde, la<br />

voiture du pâtissier de Marchiennes arrivait enfin, une carriole d'où sauta un<br />

marmiton, qui se mit d'un air tranquille à déballer les croûtes des vol-au-vent.<br />

SIXIEME PARTIE - VI, I<br />

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