25.01.2015 Views

GERMINAL Emile ZOLA - livrefrance.com

GERMINAL Emile ZOLA - livrefrance.com

GERMINAL Emile ZOLA - livrefrance.com

SHOW MORE
SHOW LESS
  • No tags were found...

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

capitaine lui enflait les joues; mais, à la fin, celui-ci abusait trop, risquant leurs os<br />

dans des maraudes folles, refusant ensuite tout partage; et leur coeur se soulevait de<br />

révolte, ils avaient fini par s'embrasser, malgré sa défense, quittes à recevoir une gifle<br />

de l'invisible, ainsi qu'il les en menaçait. La gifle ne venant pas, ils continuaient de se<br />

baiser doucement, sans avoir l'idée d'autre chose, mettant dans cette caresse leur<br />

longue passion <strong>com</strong>battue, tout ce qu'il y avait en eux de martyrisé et d'attendri. La<br />

nuit entière, ils s'étaient ainsi réchauffés, si heureux au fond de ce trou perdu, qu'ils<br />

ne se rappelaient pas l'avoir été davantage, même à la Sainte-Barbe, quand on<br />

mangeait des beignets et qu'on buvait du vin.<br />

Une brusque sonnerie de clairon fit tressaillir Catherine. Elle se haussa, elle vit le<br />

poste du Voreux qui prenait les armes. Etienne arrivait au pas de course, Bébert et<br />

Lydie avaient sauté d'un bond hors de leur cachette. Et, là-bas, sous le jour<br />

grandissant, une bande d'hommes et de femmes descendaient du coron, avec de<br />

grands gestes de colère.<br />

VI, V<br />

On venait de fermer toutes les ouvertures du Voreux; et les soixante soldats, l'arme<br />

au pied, barraient la seule porte restée libre, celle qui menait à la recette, par un<br />

escalier étroit, où s'ouvraient la chambre des porions et la baraque. Le capitaine les<br />

avait alignés sur deux rangs, contre le mur de briques, pour qu'on ne pût les attaquer<br />

par-derrière.<br />

D'abord, la bande des mineurs descendue du coron se tint à distance. Ils étaient une<br />

trentaine au plus, ils se concertaient en paroles violentes et confuses.<br />

La Maheude, arrivée la première, dépeignée sous un mouchoir noué à la hâte, ayant<br />

au bras Estelle endormie, répétait d'une voix fiévreuse:<br />

- Que personne n'entre et que personne ne sorte! Faut les pincer tous là-dedans!<br />

Maheu approuvait, lorsque le père Mouque, justement, arriva de Réquillart. On voulut<br />

l'empêcher de passer. Mais il se débattit, il dit que ses chevaux mangeaient tout de<br />

même leur avoine et se fichaient de la révolution. D'ailleurs, il y avait un cheval mort,<br />

on l'attendait pour le sortir. Etienne dégagea le vieux palefrenier, que les soldats<br />

laissèrent monter au puits. Et, un quart d'heure plus tard, <strong>com</strong>me la bande de<br />

grévistes, peu à peu grossie, devenait menaçante, une large porte se rouvrit au rezde-chaussée,<br />

des hommes parurent, charriant la bête morte, un paquet lamentable,<br />

encore serré dans le filet de corde, qu'ils abandonnèrent au milieu des flaques de<br />

neige fondue. Le saisissement fut tel, qu'on ne les empêcha pas de rentrer et de<br />

barricader la porte de nouveau. Tous avaient reconnu le cheval, à sa tête repliée et<br />

raidie contre le flanc. Des chuchotements coururent.<br />

- C'est Trompette, n'est-ce pas c'est Trompette.<br />

C'était Trompette, en effet. Depuis sa descente, jamais il n'avait pu s'acclimater. Il<br />

restait morne, sans goût à la besogne, <strong>com</strong>me torturé du regret de la lumière.<br />

Vainement, Bataille, le doyen de la mine, le frottait amicalement de ses côtes, lui<br />

mordillait le cou, pour lui donner un peu de la résignation de ses dix années de fond.<br />

Ces caresses redoublaient sa mélancolie, son poil frémissait sous les confidences du<br />

camarade vieilli dans les ténèbres; et tous deux, chaque fois qu'ils se rencontraient et<br />

247

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!