25.01.2015 Views

GERMINAL Emile ZOLA - livrefrance.com

GERMINAL Emile ZOLA - livrefrance.com

GERMINAL Emile ZOLA - livrefrance.com

SHOW MORE
SHOW LESS
  • No tags were found...

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

- Faites-les entrer dans le salon, dit M. Hennebeau.<br />

Autour de la table, les convives s'étaient regardés, avec un vacillement d'inquiétude.<br />

Un silence régna. Puis, ils voulurent reprendre leurs plaisanteries: on feignit de mettre<br />

le reste du sucre dans sa poche, on parla de cacher les couverts. Mais le directeur<br />

restait grave, et les rires tombèrent, les voix devinrent des chuchotements, pendant<br />

que les pas lourds des délégués, qu'on introduisait, écrasaient à côté le tapis du salon.<br />

Mme Hennebeau dit à son mari, en baissant la voix:<br />

- J'espère que vous allez boire votre café.<br />

- Sans doute, répondit-il. Qu'ils attendent!<br />

Il était nerveux, il prêtait l'oreille aux bruits, l'air uniquement occupé de sa tasse.<br />

Paul et Cécile venaient de se lever, et il lui avait fait risquer un oeil à la serrure. Ils<br />

étouffaient des rires, ils parlaient très bas.<br />

- Les voyez-vous<br />

- Oui... J'en vois un gros, avec deux autres petits, derrière.<br />

- Hein ils ont des figures abominables.<br />

- Mais non, ils sont très gentils.<br />

Brusquement, M. Hennebeau quitta sa chaise, en disant que le café était trop chaud<br />

et qu'il le boirait après. Comme il sortait, il posa un doigt sur sa bouche, pour<br />

re<strong>com</strong>mander la prudence. Tous s'étaient rassis, et ils restèrent à table, muets,<br />

n'osant plus remuer, écoutant de loin, l'oreille tendue, dans le malaise de ces grosses<br />

voix d'homme.<br />

IV, II<br />

Dès la veille, dans une réunion tenue chez Rasseneur, Etienne et quelques camarades<br />

avaient choisi les délégués qui devaient se rendre le lendemain à la Direction. Lorsque,<br />

le soir, la Maheude sut que son homme en était, elle fut désolée, elle lui demanda s'il<br />

voulait qu'on les jetât à la rue. Maheu lui-même n'avait point accepté sans<br />

répugnance. Tous deux, au moment d'agir, malgré l'injustice de leur misère,<br />

retombaient à la résignation de la race, tremblant devant le lendemain, préférant<br />

encore plier l'échine. D'habitude, lui, pour la conduite de l'existence, s'en remettait au<br />

jugement de sa femme, qui était de bon conseil. Cette fois, cependant, il finit par se<br />

fâcher d'autant plus qu'il partageait secrètement ses craintes.<br />

- Fiche-moi la paix, hein! lui dit-il en se couchant et en tournant le dos. Ce serait<br />

propre, de lâcher les camarades!... Je fais mon devoir.<br />

Elle se coucha à son tour. Ni l'un ni l'autre ne parlait. Puis, après un long silence, elle<br />

répondit:<br />

- Tu as raison, vas-y. Seulement, mon pauvre vieux, nous sommes foutus.<br />

125

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!