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GERMINAL Emile ZOLA - livrefrance.com

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ils le sentaient seulement <strong>com</strong>me une force qui, de loin, pesait sur les dix mille<br />

charbonniers de Montsou. Et, quand le directeur parlait, c'était cette force qu'il avait<br />

derrière lui, cachée et rendant des oracles.<br />

Un découragement les accabla, Etienne lui-même eut un haussement d'épaules pour<br />

leur dire que le mieux était de s'en aller; tandis que M. Hennebeau tapait amicalement<br />

sur le bras de Maheu, en lui demandant des nouvelles de Jeanlin.<br />

- En voilà une rude leçon cependant, et c'est vous qui défendez les mauvais<br />

boisages!... Vous réfléchirez, mes amis, vous <strong>com</strong>prendrez qu'une grève serait un<br />

désastre pour tout le monde. Avant une semaine, vous mourrez de faim: <strong>com</strong>ment<br />

ferez-vous... Je <strong>com</strong>pte sur votre sagesse d'ailleurs, et je suis convaincu que vous<br />

redescendrez lundi au plus tard.<br />

Tous partaient, quittaient le salon dans un piétinement de troupeau, le dos arrondi,<br />

sans répondre un mot à cet espoir de soumission. Le directeur, qui les ac<strong>com</strong>pagnait,<br />

fut obligé de résumer l'entretien: la Compagnie d'un côté avec son nouveau tarif, les<br />

ouvriers de l'autre avec leur demande d'une augmentation de cinq centimes par<br />

berline. Pour ne leur laisser aucune illusion, il crut devoir les prévenir que leurs<br />

conditions seraient certainement repoussées par la Régie.<br />

- Réfléchissez avant de faire des bêtises, répéta-t-il, inquiet de leur silence.<br />

Dans le vestibule, Pierron salua très bas, pendant que Levaque affectait de remettre<br />

sa casquette. Maheu cherchait un mot pour partir, lorsque Etienne, de nouveau, le<br />

toucha du coude. Et tous s'en allèrent, au milieu de ce silence menaçant. La porte<br />

seule retomba, à grand bruit.<br />

Lorsque M. Hennebeau rentra dans la salle à manger, il retrouva ses convives<br />

immobiles et muets, devant les liqueurs. En deux mots, il mit au courant Deneulin,<br />

dont le visage acheva de s'assombrir. Puis, tandis qu'il buvait son café froid, on tâcha<br />

de parler d'autre chose. Mais les Grégoire eux-mêmes revinrent à la grève, étonnés<br />

qu'il n'y eût pas des lois pour défendre aux ouvriers de quitter leur travail. Paul<br />

rassurait Cécile, affirmait qu'on attendait les gendarmes.<br />

Enfin, Mme Hennebeau appela le domestique.<br />

- Hippolyte, avant que nous passions au salon, ouvrez les fenêtres et donnez de l'air.<br />

IV, III<br />

Quinze jours s'étaient écoulés; et, le lundi de la troisième semaine, les feuilles de<br />

présence, envoyées à la Direction, indiquèrent une diminution nouvelle dans le<br />

nombre des ouvriers descendus. Ce matin-là, on <strong>com</strong>ptait sur la reprise du travail;<br />

mais l'obstination de la Régie à ne pas céder exaspérait les mineurs. Le Voreux,<br />

Crèvecoeur, Mirou, Madeleine n'étaient plus les seuls qui chômaient; à la Victoire et à<br />

Feutry-Cantel, la descente <strong>com</strong>ptait à peine maintenant le quart des hommes; et<br />

Saint-Thomas lui-même se trouvait atteint. Peu à peu, la grève devenait générale.<br />

Au Voreux, un lourd silence pesait sur le carreau. C'était l'usine morte, ce vide et cet<br />

abandon des grands chantiers, où dort le travail. Dans le ciel gris de décembre, le long<br />

des hautes passerelles, trois ou quatre berlines oubliées avaient la tristesse muette<br />

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