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GERMINAL Emile ZOLA - livrefrance.com

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Elle eut un petit frisson, elle répondit:<br />

- Va, ne regrette rien, tu ne perds pas grand-chose, si tu savais quelle patraque je<br />

suis, guère plus grosse que deux sous de beurre, si mal fichue que je ne deviendrai<br />

jamais une femme, bien sûr!<br />

Et elle continua librement, elle s'accusait <strong>com</strong>me d'une faute de ce long retard de sa<br />

puberté. Cela, malgré l'homme qu'elle avait eu, la diminuait, la reléguait parmi les<br />

gamines. On a une excuse encore, lorsqu'on peut faire un enfant.<br />

- Ma pauvre petite! dit tout bas Etienne, saisi d'une grande pitié.<br />

Ils étaient au pied du terri, cachés dans l'ombre du tas énorme. Un nuage d'encre<br />

passait justement sur la lune, ils ne distinguaient même plus leurs visages, et leurs<br />

souffles se mêlaient, leurs lèvres se cherchaient, pour ce baiser dont le désir les avait<br />

tourmentés pendant des mois. Mais, brusquement, la lune reparut, ils virent audessus<br />

d'eux, en haut des roches blanches de lumière, la sentinelle détachée du<br />

Voreux, toute droite. Et, sans qu'ils se fussent baisés enfin, une pudeur les sépara,<br />

cette pudeur ancienne où il y avait de la colère, une vague répugnance et beaucoup<br />

d'amitié. Ils repartirent pesamment, dans le gâchis jusqu'aux chevilles.<br />

- C'est décidé, tu ne veux pas demanda Etienne.<br />

- Non, dit-elle. Toi, après Chaval, hein et, après toi, un autre... Non, ça me dégoûte,<br />

je n'y ai aucun plaisir, pour quoi faire alors<br />

Ils se turent, marchèrent une centaine de pas, sans échanger un mot.<br />

- Sais-tu où tu vas au moins reprit-il. Je ne puis te laisser dehors par une nuit<br />

pareille.<br />

Elle répondit simplement:<br />

- Je rentre, Chaval est mon homme, je n'ai pas à coucher ailleurs que chez lui.<br />

- Mais il t'assommera de coups!<br />

Le silence re<strong>com</strong>mença. Elle avait eu un haussement d'épaules résigné. Il la battrait,<br />

et quand il serait las de la battre, il s'arrêterait: ne valait-il pas mieux ça, que de<br />

rouler les chemins <strong>com</strong>me une gueuse Puis, elle s'habituait aux gifles, elle disait,<br />

pour se consoler, que, sur dix filles, huit ne tombaient pas mieux qu'elle. Si son galant<br />

l'épousait un jour, ce serait tout de même bien gentil de sa part.<br />

Etienne et Catherine s'étaient dirigés machinalement vers Montsou, et à mesure qu'ils<br />

s'en approchaient, leurs silences devenaient plus longs. C'était <strong>com</strong>me s'ils n'avaient<br />

déjà plus été ensemble. Lui, ne trouvait rien pour la convaincre, malgré le gros<br />

chagrin qu'il éprouvait à la voir retourner avec Chaval. Son coeur se brisait, il n'avait<br />

guère mieux à offrir, une existence de misère et de fuite, une nuit sans lendemain, si<br />

la balle d'un soldat lui cassait la tête. Peut- être, en effet, était-ce plus sage de souffrir<br />

ce qu'on souffrait, sans tenter une autre souffrance. Et il la reconduisait chez son<br />

galant, la tête basse, et il n'eut pas de protestation, lorsque, sur la grande route, elle<br />

l'arrêta au coin des Chantiers, à vingt mètres de l'estaminet Piquette, en disant:<br />

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