You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
trié les fossiles. Sans trop savoir ce que je faisais, j'ai couru le long des box en jetant des coquillages<br />
dans les tas de crottin. À chaque endroit où tombait un coquillage, une fontaine d'eau de mer jaillissait.<br />
Arrête ! ont crié les chevaux. <strong>La</strong> viande, oui ! Les bains, non !<br />
J'ai alors remarqué une chose : l'eau ne s'échappait pas des écuries, ni ne coulait vers l'aval, comme elle<br />
aurait dû le faire normalement. Elle bouillonnait autour de chaque fontaine et s'enfonçait dans le sol,<br />
emportant le fumier avec elle. Le crottin de cheval se dissolvait dans l'eau de mer et laissait place à<br />
de la terre mouillée.<br />
- Encore ! ai-je hurlé.<br />
J'ai senti comme une saccade dans mon ventre, et la puissance des jets d'eau de mer a décuplé. Ils fusaient<br />
à six mètres de haut ; je me serais cru dans un portique de lavage automatique géant. Les chevaux<br />
couraient comme des dingues, asper-gés par les geysers qui les prenaient de tous les côtés. Des<br />
montagnes de crottin fondaient comme de la glace. <strong>La</strong> sensation dans mon ventre s'accentuait, devenait<br />
presque douloureuse, mais la vue de toute cette eau de mer était grisante. C'était moi qui avais fait ça.<br />
J'avais fait venir l'océan sur cette colline.<br />
Arrête, seigneur ! a crié un cheval. Arrête, s'il te plaît !<br />
Il y avait de l'eau partout, maintenant. Les chevaux étaient trempés et certains, pris de panique, glissaient<br />
dans la boue. Le crottin avait entièrement disparu ; toutes ces tonnes de fumier avaient été englouties par<br />
le sol. L'eau commençait à<br />
former des flaques qui se ramifiaient en dizaines de petits ruisseaux et s'échappaient des écuries pour<br />
couler vers la rivière.<br />
- Stop ! ai-je ordonné à l'eau.<br />
Il ne s'est rien passé. Au creux de mon ventre, la douleur s'avivait. Si je ne coupais pas rapidement les<br />
geysers, l'eau de mer se déverserait dans la rivière et tuerait les poissons et les plantes.<br />
- Stop !<br />
J'ai concentré toute ma puissance pour désamorcer la force de la mer.<br />
Brusquement, les geysers ont cessé de couler. Je suis tombé<br />
à genoux, exténué. J'avais sous les yeux des écuries étincelantes de propreté, un champ plein de boue<br />
salée et cinquante chevaux qui avaient été si bien bouchonnés que leurs robes luisaient. Même les<br />
lambeaux de chair entre leurs crocs avaient été délogés.<br />
On ne te mangera pas ! ont gémi les chevaux. Pitié, seigneur !<br />
Plus de bains salés !<br />
- À une condition, ai-je dit. À partir de maintenant, vous ne mangerez que la nourriture qu'on vous donne.
Change language