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Il a levé son œuvre à deux mains. C'était si beau que mon cœur a bondi dans ma poitrine : des ailes de<br />
métal, faites de milliers de plumes de bronze imbriquées les unes dans les autres. Il y en avait deux paires<br />
; la seconde reposait encore sur l'établi. Dédale a déployé l'armature et les ailes ont pris une envergure<br />
de plus de six mètres. Quelque part au fond de moi, je savais qu'elles ne pourraient jamais voler. Elles<br />
étaient trop lourdes pour décoller du sol. Il n'empêche que c'était de la belle ouvrage. Les plumes de<br />
métal captaient la lumière et renvoyaient des reflets de trente nuances d'or différentes. Le garçon a posé<br />
les soufflets pour venir voir. Il a souri, malgré la sueur et la crasse qui maculaient son visage.<br />
- Père, tu es un génie ! s'est-il exclamé.<br />
-Ce n'est pas une nouveauté, Icare, a répondu le vieil homme en souriant. Dépêche-toi, maintenant. Il va<br />
falloir au moins une heure pour les attacher. Viens.<br />
- Toi d'abord, a dit Icare.<br />
Dédale a protesté, mais Icare insistait.<br />
- C'est toi qui les as fabriquées, père. À toi l'honneur d'être le premier à les mettre.<br />
Le jeune garçon a attaché à la poitrine de son père un jeu de sangles en cuir qui m'a fait penser à un<br />
harnais d'alpiniste, avec des courroies qui reliaient les épaules aux poignets. Puis il a entrepris de fixer<br />
les ailes, s'aidant d'un récipient métallique qui ressemblait à un énorme pistolet à colle chaude.<br />
- Le composite de cire devrait tenir plusieurs heures, a dit Dédale d'une voix anxieuse, pendant que son<br />
fils travaillait. Mais il faut d'abord le laisser prendre. Et nous devrons éviter de voler trop bas ou trop<br />
haut. L'eau de mer mouillerait les attaches de cire...<br />
- Et la chaleur du soleil les ferait ramollir, a fini le garçon. Oui, père. On a déjà vu ça un million de fois !<br />
- On n'est jamais trop prudent.<br />
-J'ai entière confiance en tes inventions, père. Tu es l'homme le plus intelligent que la Terre ait jamais<br />
porté !<br />
Les yeux du vieillard ont brillé. Il était évident qu'il aimait son fils plus que tout au monde.<br />
- Maintenant je vais m'occuper de tes ailes pendant que les miennes prennent. Viens !<br />
<strong>La</strong> tâche s'est avérée laborieuse. Le vieil homme maniait gauchement les courroies. Il avait du mal à<br />
maintenir les ailes en place pendant qu'il les fixait. Ses propres ailes semblaient l'alourdir et le gêner<br />
dans ses mouvements.<br />
- Trop lent, a-t-il bougonné. Je suis trop lent.<br />
-Prends ton temps, père, a dit le garçon. Les gardes ne viennent pas avant...<br />
BOUM !<br />
Les portes de l'atelier ont tremblé. Dédale les avait barrées de l'intérieur avec une traverse en bois, mais