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J'avais besoin de la mer. Je sentais quelque chose qui me tirait au creux du ventre, mais il n'y avait rien<br />
dans les parages dont je puisse m'aider. Pas de rivière, pas le moindre robinet. Pas même un coquillage<br />
fossilisé, cette fois-ci. Par ailleurs, quand j'avais fait appel à mon pouvoir, aux écuries, il y avait eu un<br />
court et effrayant moment où j'avais failli en perdre le contrôle.<br />
Je n'avais pas le choix. J'ai invoqué la mer. J'ai plongé en moi-même et communiqué avec les vagues et<br />
les courants, avec le pouvoir infini de l'océan. Et je l'ai libéré en poussant un cri horrible.<br />
Plus tard, je n'ai jamais trouvé les mots pour décrire ce qui s'est alors passé. Une explosion, un raz-demarée,<br />
un tourbillon de pouvoir m'a dans le même temps happé et précipité<br />
dans le lac de lave. Le feu et l'eau sont entrés en collision, soulevant des vapeurs brûlantes, et j'ai été<br />
projeté hors du volcan dans une immense explosion, simple fétu libéré par une pression d'un million de<br />
kilos. Mon dernier souvenir avant de perdre connaissance est que je volais, volais si haut que Zeus ne me<br />
l'aurait jamais pardonné, puis que je commençais à<br />
tomber en traçant un sillage de fumée, de flammes et d'eau. J'étais une comète qui fonçait vers la Terre.<br />
12 JE PRENDS DES VACANCES SANS FIN<br />
J e me suis réveillé avec la sensation de brûler encore. <strong>La</strong> peau me piquait, j'avais la gorge sèche et<br />
râpeuse. J'ai vu des arbres et du ciel bleu au-dessus de ma tête. J'ai entendu le glouglou d'une fontaine et<br />
senti dans l'air un parfum de genièvre, de cèdre et de plusieurs autres plantes odorantes. J'ai entendu des<br />
vagues, aussi, qui clapotaient doucement contre une grève rocailleuse. Je me suis demandé un instant si<br />
j'étais mort, mais je savais bien que non. Je m'étais rendu au Pays des Morts, et il n'y avait pas de ciel<br />
bleu. J'ai essayé de me redresser. Mes muscles étaient tout mous, comme s'ils fondaient.<br />
- Reste tranquille, a dit une voix de fille. Tu es encore trop faible pour te lever.<br />
Elle a posé un tissu frais sur mon front. Une cuillère de bronze a plané au-dessus de moi et son contenu a<br />
coulé dans ma bouche. Le liquide a apaisé la brûlure de ma gorge et m'a laissé un arrière-goût de<br />
chocolat tiède dans la bouche. Le nectar des dieux. Puis le visage de la fille est apparu au-dessus de moi.<br />
Elle avait des yeux en amande et des cheveux couleur caramel, tressés en une seule natte sur une épaule.<br />
Quant à<br />
son âge... quinze ans ? Seize ? Difficile à dire. Elle avait un de ces visages hors du temps. Elle s'est mise<br />
à chanter et ma douleur s'est dissipée. Elle pratiquait de la magie. Je sentais que sa mélodie pénétrait<br />
dans ma peau, me soignait et cicatrisait mes brûlures.<br />
- Qui... ? ai-je demandé d'une voix rauque.<br />
- Chut, brave héros, a-t-elle dit. Repose-toi et guéris. Il ne t'arrivera rien, ici. Je suis Calypso.<br />
Quand je me suis réveillé pour la deuxième fois, j'étais dans une grotte, mais autant vous dire que, côté<br />
grottes, j'en avais connu de bien pires. Ici, la voûte était couverte de cristaux de différentes couleurs -<br />
vert, blanc, violet, comme à<br />
l'intérieur des géodes en verre taillé des magasins de souvenirs. J'étais allongé dans un lit douillet, la tête