psychologie de l'identité _ soi et le groupe
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102 LE SOI À L’ÉPREUVE DU GROUPE<br />
5.1 Le <strong>groupe</strong> comme totalité<br />
Après K. Lewin (<strong>le</strong> fondateur <strong>de</strong> la « dynamique <strong>de</strong>s <strong>groupe</strong>s », inspirée par<br />
la théorie <strong>de</strong> la forme), l’approche systémique a conceptualisé <strong>le</strong> fait que <strong>le</strong><br />
<strong>groupe</strong> constitue une totalité, différente <strong>de</strong>s éléments qui la composent, <strong>et</strong><br />
obéissant comme tel<strong>le</strong> à <strong>de</strong>s processus <strong>et</strong> <strong>de</strong>s mécanismes spécifiques 1 . C’est<br />
ce qui explique que l’on puisse repérer <strong>de</strong>s phénomènes propres au <strong>groupe</strong><br />
largement indépendants <strong>de</strong>s individualités qui <strong>le</strong> composent <strong>et</strong> qu’il <strong>soi</strong>t<br />
possib<strong>le</strong> d’élaborer une dynamique ou une systémique <strong>de</strong>s <strong>groupe</strong>s. La groupalité<br />
constitue donc un ordre <strong>de</strong> phénomènes originaux qui appartiennent à<br />
un autre « type logique » que l’individualité ou la relation duel<strong>le</strong> (ainsi peuton<br />
constater qu’un coup<strong>le</strong>, en présence d’amis, ne peut avoir la même<br />
conversation intime qu’en tête à tête). Dans un <strong>groupe</strong>, chaque membre<br />
<strong>de</strong>vient un élément <strong>de</strong> la totalité <strong>et</strong>, comme tel, ses perceptions, ses sentiments<br />
<strong>et</strong> ses comportements sont affectés <strong>et</strong> contraints par l’ensemb<strong>le</strong>.<br />
5.1.1 Un être indifférencié<br />
Ce fait est ressenti intensément par <strong>le</strong>s participants mais r<strong>et</strong>raduit souvent<br />
dans <strong>le</strong> langage <strong>et</strong> la logique <strong>de</strong> la « <strong>psychologie</strong> » individuel<strong>le</strong> (cel<strong>le</strong> du<br />
« sens commun » <strong>et</strong> <strong>de</strong>s « théories implicites <strong>de</strong> la personnalité »). Le <strong>groupe</strong><br />
est alors perçu comme une individualité, entité uniforme <strong>et</strong> indivisib<strong>le</strong> ;<br />
citons un témoignage parmi bien d’autres, celui <strong>de</strong> Laurence : « Une chose<br />
me frappe […] : la perception que j’ai du <strong>groupe</strong> comme une entité où <strong>le</strong>s<br />
individus me semb<strong>le</strong>nt au départ indifférenciés aussi bien dans <strong>le</strong>urs personnalités<br />
que dans <strong>le</strong>urs sexes. » Le discours <strong>de</strong>s participants reflète bien c<strong>et</strong>te<br />
vision à travers <strong>de</strong>s expressions sans cesse employées comme « <strong>le</strong> <strong>groupe</strong><br />
pense… », « <strong>le</strong> <strong>groupe</strong> souhaite… », « <strong>le</strong> <strong>groupe</strong> ressent… », « <strong>le</strong> <strong>groupe</strong> est<br />
<strong>de</strong> bonne humeur aujourd’hui », <strong>et</strong>c. C<strong>et</strong>te représentation d’un être à la fois<br />
massif <strong>et</strong> composite où se fon<strong>de</strong>nt <strong>et</strong> disparaissent <strong>le</strong>s individualités n’est pas<br />
sans provoquer un certain malaise <strong>et</strong> même, quelquefois, un certain effroi<br />
qu’exprime bien Bruno : « Ma perception du <strong>groupe</strong> se réduisait à la considération<br />
d’un monstre à plusieurs têtes, plusieurs bras <strong>et</strong> plusieurs jambes.<br />
Autrement dit, j’ai toujours considéré <strong>le</strong> <strong>groupe</strong> comme une totalité. »<br />
C<strong>et</strong>te sensation est souvent ressentie avec acuité lorsqu’une personne<br />
pénètre dans une pièce <strong>et</strong> se trouve face à une réunion d’inconnus ; el<strong>le</strong> a<br />
alors <strong>le</strong> sentiment d’une entité homogène <strong>et</strong> fermée dans laquel<strong>le</strong> il n’est pas<br />
faci<strong>le</strong> <strong>de</strong> s’inclure (même si, en fait, <strong>le</strong>s participants ne se connaissent pas <strong>et</strong><br />
n’ont pas l’impression <strong>de</strong> former un <strong>groupe</strong>). C’est, par exemp<strong>le</strong>, ce<br />
qu’éprouve Anne en entrant dans un <strong>groupe</strong> <strong>de</strong> formation à la troisième<br />
séance : « Lorsque je suis arrivée, <strong>le</strong> <strong>groupe</strong> avait déjà <strong>de</strong>ux semaines ; je me<br />
1. Cf. sur l’approche systémique : Marc <strong>et</strong> Picard, 2000a, première partie.