psychologie de l'identité _ soi et le groupe
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86 LE SOI À L’ÉPREUVE DU GROUPE<br />
c<strong>et</strong> aspect : « Participer à un <strong>groupe</strong> <strong>de</strong> formation constitue une démarche qui<br />
va engager notre individualité, peut-être la risquer dans la rencontre avec<br />
l’autre, ou plutôt <strong>le</strong>s autres, puisqu’il s’agit d’une rencontre pluriel<strong>le</strong>. C’est<br />
donc venir y faire l’épreuve <strong>de</strong> son i<strong>de</strong>ntité, se rem<strong>et</strong>tre en question à travers<br />
la paro<strong>le</strong> <strong>et</strong> <strong>le</strong> regard <strong>de</strong>s autres qui jouent un rô<strong>le</strong> <strong>de</strong> miroir. » Jean-Louis<br />
note aussi : « Ce qui revient souvent dans la dynamique <strong>de</strong> <strong>groupe</strong>, du moins<br />
au début, ce sont <strong>de</strong>s questions du genre : “Que suis-je ici, pour moi <strong>et</strong> <strong>le</strong>s<br />
autres participants ?”. » Muriel<strong>le</strong> relève encore c<strong>et</strong>te vacillation qu’entraîne<br />
<strong>le</strong> regard d’autrui : « Je ne prenais pas forcément la place que je souhaitais<br />
prendre dans <strong>le</strong> <strong>groupe</strong> ; l’image <strong>de</strong> moi-même que je voulais donner n’était<br />
pas toujours cel<strong>le</strong> que l’on me renvoyait. »<br />
4.1.2 La peur d’autrui<br />
Si l’on appréhen<strong>de</strong> <strong>le</strong> regard d’autrui, c’est bien sûr parce que l’on redoute<br />
son jugement, que l’on a peur qu’il vous renvoie une image négative <strong>et</strong><br />
dévalorisante <strong>de</strong> <strong>soi</strong> : « C’est en dynamique <strong>de</strong> <strong>groupe</strong>, témoigne Nadia,<br />
que j’ai pris conscience avec autant <strong>de</strong> force <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te peur constante du<br />
jugement d’autrui ; el<strong>le</strong> vient du regard que nous prêtons à autrui. Ne vontils<br />
pas me trouver stupi<strong>de</strong>, inintéressante, antipathique ? Je crois que si<br />
l’on pense que <strong>le</strong>s autres nous jugent aussi durement, c’est que l’on n’est<br />
pas sûr <strong>de</strong> <strong>soi</strong>, qu’on manque <strong>de</strong> confiance en <strong>soi</strong>. » La peur du jugement<br />
s’insinue donc là où chacun sent son i<strong>de</strong>ntité fragi<strong>le</strong>, mal assurée, p<strong>le</strong>ine <strong>de</strong><br />
fail<strong>le</strong>s. Jacques, qui est Antillais, est persuadé qu’il maîtrise mal <strong>le</strong> français<br />
(bien qu’il n’en <strong>soi</strong>t rien) <strong>et</strong> que cela <strong>le</strong> m<strong>et</strong> en position d’infériorité <strong>et</strong><br />
entraîne un jugement négatif à son égard. Jeanine, parce qu’el<strong>le</strong> est la plus<br />
âgée du <strong>groupe</strong>, pense qu’el<strong>le</strong> va être rej<strong>et</strong>ée par <strong>le</strong>s plus jeunes (qui, <strong>de</strong><br />
<strong>le</strong>ur côté, se sentent jugés par el<strong>le</strong>). Isabel<strong>le</strong> qui a une allure un peu<br />
masculine : « J’ai peur que <strong>le</strong>s autres me col<strong>le</strong>nt une étiqu<strong>et</strong>te, qu’ils ne me<br />
voient que sous c<strong>et</strong>te apparence <strong>et</strong> que j’en <strong>soi</strong>s prisonnière, que je ne<br />
puisse plus m’en débarrasser. »<br />
L’expérience groupa<strong>le</strong> rejoint donc <strong>de</strong> manière saisissante la perspective<br />
développée par la phénoménologie existentiel<strong>le</strong>, <strong>et</strong> tout spécia<strong>le</strong>ment par J.-<br />
P. Sartre. Pour lui, c’est d’abord dans <strong>le</strong> regard <strong>de</strong> l’autre que chacun saisit<br />
son i<strong>de</strong>ntité ; mais ce regard est réifiant <strong>et</strong> aliénant car à travers lui <strong>le</strong> suj<strong>et</strong><br />
s’éprouve comme obj<strong>et</strong> <strong>de</strong> points <strong>de</strong> vue qui lui échappent <strong>et</strong> d’appréciations<br />
inconnaissab<strong>le</strong>s. C’est dans la mesure où j’en suis intrinsèquement<br />
dépendant que <strong>le</strong> regard <strong>de</strong> l’autre menace mon i<strong>de</strong>ntité : « Le fait d’autrui<br />
est incontestab<strong>le</strong> <strong>et</strong> m’atteint en p<strong>le</strong>in cœur. Je <strong>le</strong> réalise dans <strong>le</strong> malaise ; par<br />
lui je suis perpétuel<strong>le</strong>ment en danger… » (Sartre, 1943, p. 322).<br />
Ce sentiment originaire est intensément vécu dans <strong>le</strong>s débuts du <strong>groupe</strong> <strong>et</strong><br />
progressivement verbalisés.