psychologie de l'identité _ soi et le groupe
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130 LE SOI À L’ÉPREUVE DU GROUPE<br />
Col<strong>et</strong>te. – Moi, si tu veux, à partir du moment où je <strong>le</strong> dis en <strong>groupe</strong>, c’est<br />
que déjà ça ne me gêne pas, je sais à quoi je m’engage <strong>et</strong> je sais que ça<br />
peut gêner certains d’entendre une histoire très personnel<strong>le</strong> […] Mais, ça<br />
m’intéresse justement <strong>de</strong> sentir <strong>le</strong> regard <strong>et</strong> la réaction <strong>de</strong>s autres face à<br />
quelque chose <strong>de</strong> très intime […] Mon côté à raconter <strong>de</strong>s histoires marrantes,<br />
à me montrer comme quelqu’un d’insouciant, à mon avis, n’est<br />
qu’une faça<strong>de</strong> qui n’a rien à voir avec ma réalité qui est complètement<br />
speedée, à me morfondre, à me remuer <strong>le</strong>s sangs dans tous <strong>le</strong>s sens. En fait,<br />
je voulais vous donner une image que je crois plus réel<strong>le</strong>, pour que vous<br />
réussissiez à faire un pot-pourri <strong>de</strong> tout ce que je suis… C’est pas encore<br />
tout ce que je suis parce qu’il y a p<strong>le</strong>in d’autres trucs mais, disons, une<br />
bonne partie <strong>de</strong> ce que je suis ; ce qui me fait par<strong>le</strong>r comme ça<br />
aujourd’hui, pour qu’on comprenne ; je ne veux pas que ce <strong>soi</strong>t un individu<br />
qui me comprenne mais que ce <strong>soi</strong>t <strong>le</strong> <strong>groupe</strong> ; tu vois ce que je veux dire ?<br />
Denise. – Oui, je vois très bien […] Ce que tu dis maintenant c’est plus<br />
grave <strong>et</strong> avant, l’image que j’avais <strong>de</strong> toi – mais je pense que c’est aussi<br />
toi – <strong>de</strong> quelqu’un, je sais pas, un peu naïf, enfin ça me fait drô<strong>le</strong> […] Je<br />
me dis que dans tout ça – l’image socia<strong>le</strong> que tu donnes <strong>et</strong> puis ce que tu<br />
dis après – j’ai du mal à te percevoir… Quel<strong>le</strong> est la part <strong>de</strong> provocation,<br />
<strong>de</strong> vérité, enfin je sais pas…<br />
Col<strong>et</strong>te. – Non, c’est pas <strong>de</strong> la provocation […] Donner une image <strong>de</strong> moi<br />
candi<strong>de</strong>, naïve, p<strong>et</strong>ite fil<strong>le</strong> gentil<strong>le</strong> […] C’est une façon <strong>de</strong> cacher l’aspect<br />
plus dramatique <strong>de</strong> ma personnalité…<br />
C<strong>et</strong> échange montre clairement <strong>le</strong> rô<strong>le</strong> défensif du <strong>soi</strong> social <strong>et</strong> sa fonction<br />
<strong>de</strong> masque (ou <strong>de</strong> « formation réactionnel<strong>le</strong> »).<br />
Cependant, la coupure <strong>et</strong> la barrière entre <strong>le</strong>s <strong>de</strong>ux peuvent être plus ou<br />
moins accusées, plus ou moins rigi<strong>de</strong>s <strong>et</strong> plus ou moins perméab<strong>le</strong>s. Dans <strong>le</strong>s<br />
cas extrêmes, l’i<strong>de</strong>ntité socia<strong>le</strong> constitue un « faux self », servant à masquer<br />
<strong>et</strong> à protéger <strong>le</strong> « vrai self », pour utiliser <strong>de</strong>s notions élaborées par<br />
D. Winnicott. On peut aussi invoquer la notion rogérienne <strong>de</strong> « congruence »<br />
pour évaluer <strong>le</strong> <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> correspondance entre <strong>le</strong> moi intime, la conscience<br />
qu’en a <strong>le</strong> suj<strong>et</strong> <strong>et</strong> la façon dont il l’exprime socia<strong>le</strong>ment dans ses relations à<br />
autrui (Rogers, 1968). Les réf<strong>le</strong>xions que l’on peut tirer <strong>de</strong> la psychopathologie<br />
perm<strong>et</strong>tent d’avancer l’hypothèse que plus <strong>le</strong>s limites du moi sont mal<br />
établies, plus l’i<strong>de</strong>ntité est fragi<strong>le</strong> <strong>et</strong> plus fortes seront la coupure <strong>et</strong> la<br />
barrière entre <strong>le</strong> <strong>soi</strong> social <strong>et</strong> <strong>le</strong> <strong>soi</strong> intime 1 .<br />
L’i<strong>de</strong>ntité socia<strong>le</strong> est marquée aussi par <strong>le</strong>s mécanismes <strong>de</strong> défense qui<br />
interviennent dans l’expression <strong>de</strong> <strong>soi</strong>. El<strong>le</strong> peut re<strong>le</strong>ver, par exemp<strong>le</strong>, <strong>de</strong> la<br />
1. Ainsi, dans la schizophrénie, <strong>le</strong>s limites entre l’intérieur <strong>et</strong> l’extérieur <strong>de</strong>viennent floues, ce qui<br />
fait que <strong>le</strong> suj<strong>et</strong> peut percevoir comme venant du <strong>de</strong>hors ce qui lui appartient (hallucinations) <strong>et</strong><br />
l’inverse.