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psychologie de l'identité _ soi et le groupe

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LA DYNAMIQUE IDENTITAIRE 203<br />

dépendance, <strong>le</strong> be<strong>soi</strong>n d’être « nourri », par <strong>de</strong>s angoisses <strong>de</strong> type persécutif,<br />

une agressivité ora<strong>le</strong> entraînant une peur <strong>de</strong> la dévoration 1 .<br />

La communication est vécue comme « hachée » <strong>et</strong> « morcelée » ; <strong>le</strong>s<br />

participants expriment souvent l’appréhension que <strong>le</strong>urs paro<strong>le</strong>s <strong>soi</strong>ent<br />

« disséquées », « décortiquées » ou « dévorées » (Emmanuel<strong>le</strong> : « Dire ce<br />

que l’on ressent profondément, c’est se dépecer »). La prise <strong>de</strong> paro<strong>le</strong> peut<br />

être ressentie, dans l’imaginaire, comme une perte <strong>de</strong> substance, appauvrissant<br />

<strong>et</strong> dépossédant <strong>le</strong> suj<strong>et</strong> <strong>de</strong> son i<strong>de</strong>ntité <strong>et</strong> <strong>le</strong> si<strong>le</strong>nce groupal comme une<br />

sorte <strong>de</strong> bouche dévorante.<br />

Jacqueline : « Quand je m’apprête à prendre la paro<strong>le</strong> dans ce si<strong>le</strong>nce <strong>et</strong><br />

ce vi<strong>de</strong> angoissants, je me <strong>de</strong>man<strong>de</strong> si mes paro<strong>le</strong>s ne vont pas se perdre,<br />

si el<strong>le</strong>s ne vont pas se noyer au milieu <strong>de</strong> tout ce mon<strong>de</strong>. »<br />

Laurent : « Quand je m’exprime <strong>de</strong>vant <strong>le</strong> <strong>groupe</strong>, j’ai toujours la peur <strong>de</strong><br />

perdre quelque chose <strong>de</strong> fondamental, <strong>de</strong> livrer une partie <strong>de</strong> moi dont je<br />

ne sais pas ce que <strong>le</strong>s autres vont faire. »<br />

Une autre image qui apparaît avec c<strong>et</strong>te signification <strong>de</strong> perte vita<strong>le</strong> est<br />

cel<strong>le</strong> du corps vidé <strong>de</strong> son sang.<br />

Marie confie au <strong>groupe</strong> un problème personnel ; soudain Thérèse explose :<br />

« C’est trop ! Tu vas trop loin ! Tes histoires, ça ne concerne que toi, tu<br />

manques <strong>de</strong> pu<strong>de</strong>ur ; c’est une véritab<strong>le</strong> hémorragie quand tu par<strong>le</strong>s. »<br />

Louise qui s’implique beaucoup exprime son malaise face aux si<strong>le</strong>ncieux :<br />

« Ils me font l’impression <strong>de</strong> vampires ; ils se nourrissent <strong>de</strong> la substance<br />

<strong>de</strong> ceux qui par<strong>le</strong>nt. »<br />

Enfin, à ce sta<strong>de</strong> la paro<strong>le</strong> peut être investie d’une forte charge narcissique<br />

<strong>et</strong> si <strong>le</strong> suj<strong>et</strong> a l’impression qu’el<strong>le</strong> n’est pas accueillie comme il <strong>le</strong> souhaiterait,<br />

il <strong>le</strong> ressent comme une forme d’annihilation.<br />

Claire dit qu’el<strong>le</strong> a du mal à s’investir dans <strong>le</strong> <strong>groupe</strong> <strong>et</strong> a peur <strong>de</strong><br />

s’exprimer ; el<strong>le</strong> fait cependant un gros effort pour par<strong>le</strong>r un peu d’el<strong>le</strong> ;<br />

el<strong>le</strong> reçoit quelques réponses rassurantes <strong>et</strong> un rien « paternalistes »<br />

qu’el<strong>le</strong> juge ironiques ; sa réaction intérieure est alors très forte : « J’ai<br />

joué l’indifférente ou la fière, je ne sais pas, disant que ce n’était rien.<br />

Mais ce jour-là, j’ai haï <strong>le</strong> <strong>groupe</strong> […] Je me suis sentie tota<strong>le</strong>ment rej<strong>et</strong>ée<br />

<strong>et</strong> j’ai décidé <strong>de</strong> ne plus faire d’effort dans ce <strong>groupe</strong>. »<br />

C’est ce sentiment <strong>de</strong> fragilité narcissique qui fait que beaucoup ressentent,<br />

à ce sta<strong>de</strong>, une agressivité forte <strong>et</strong> y réagissent par un repli défensif.<br />

1. La problématique ora<strong>le</strong>, <strong>et</strong> plus largement la fantasmatique groupa<strong>le</strong>, a été très bien mise en<br />

lumière <strong>et</strong> analysée par D. Anzieu (cf. notamment Le Groupe <strong>et</strong> l’Inconscient, chap. 4, p. 182 :<br />

« Le <strong>groupe</strong> est une bouche. La fantasmatique ora<strong>le</strong> dans <strong>le</strong> <strong>groupe</strong> »). C’est pourquoi je ne<br />

développe pas plus c<strong>et</strong> aspect ici, mes propres observations rejoignant <strong>et</strong> confirmant tout à fait<br />

cel<strong>le</strong>s <strong>de</strong> D. Anzieu (sur l’investissement pulsionnel <strong>de</strong> la paro<strong>le</strong>, cf. aussi Gori, 1978).

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