psychologie de l'identité _ soi et le groupe
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18 À LA RECHERCHE DE L’IDENTITÉ<br />
Il est intéressant <strong>de</strong> constater que <strong>le</strong> paradoxe sémantique que l’on vient<br />
<strong>de</strong> souligner se r<strong>et</strong>rouve pratiquement dans tous <strong>le</strong>s autres termes qui<br />
entr<strong>et</strong>iennent avec l’i<strong>de</strong>ntité une proximité <strong>de</strong> signification. Le dictionnaire<br />
définit encore l’i<strong>de</strong>ntité comme « <strong>le</strong> fait pour une personne d’être tel<br />
individu » ; or « personne » a aussi un sens contradictoire : c’est à la fois<br />
quelqu’un, un être humain, <strong>et</strong> personne, c’est-à-dire aucun être humain. Individu<br />
renferme aussi une certaine ambiguïté : il est, par son étymologie, à la<br />
fois « chaque être considéré isolément » comme unique (du latin individuum<br />
« corps indivisib<strong>le</strong> ») <strong>et</strong> l’exemplaire d’une série, <strong>le</strong> spécimen d’une espèce<br />
possédant <strong>de</strong>s traits communs avec l’ensemb<strong>le</strong> <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te espèce.<br />
Ces exemp<strong>le</strong>s montrent que <strong>le</strong> statut paradoxal <strong>de</strong> l’i<strong>de</strong>ntité au niveau<br />
sémantique n’est pas un simp<strong>le</strong> trait anecdotique mais se r<strong>et</strong>rouve pour <strong>le</strong>s<br />
autres termes ayant une va<strong>le</strong>ur synonymique <strong>et</strong> revêt donc une signification<br />
profon<strong>de</strong>. Il s’agit bien, à mon sens, d’un paradoxe <strong>et</strong> non d’une simp<strong>le</strong><br />
contradiction ; c’est-à-dire que <strong>le</strong>s <strong>de</strong>ux sens ne fonctionnent pas selon <strong>le</strong><br />
principe <strong>de</strong> l’exclusion (ou l’un ou l’autre) mais qu’ils se présentent concurremment<br />
(<strong>et</strong> l’un <strong>et</strong> l’autre) <strong>et</strong> que, fondamenta<strong>le</strong>ment, la signification reste<br />
indécidab<strong>le</strong>.<br />
On peut poser l’hypothèse que l’i<strong>de</strong>ntité ne se soutient que dans c<strong>et</strong>te<br />
oscillation <strong>et</strong> qu’il importe que <strong>le</strong> paradoxe ne <strong>soi</strong>t pas résolu 1 . Sinon, c’est la<br />
bascu<strong>le</strong> dans l’un <strong>de</strong>s termes <strong>de</strong> la contradiction : l’unicité autistique ou<br />
l’indifférenciation uniformisante du fusionnel qui signent l’une <strong>et</strong> l’autre la<br />
perte <strong>de</strong> l’i<strong>de</strong>ntité.<br />
Cela vaut aussi pour l’i<strong>de</strong>ntité col<strong>le</strong>ctive. D’un côté, surgit la menace d’un<br />
corps social morcelé, où <strong>le</strong>s clivages <strong>et</strong> <strong>le</strong>s particularismes sapent l’image du<br />
lien social <strong>et</strong> d’une totalité intégrée ; <strong>de</strong> l’autre, c’est la dissolution dans<br />
l’homogène, <strong>le</strong> spectre <strong>de</strong> la « massification » (dans <strong>le</strong>quel <strong>le</strong> moi individuel<br />
est noyé).<br />
C’est donc au sein même <strong>de</strong> l’i<strong>de</strong>ntité qu’une tension <strong>et</strong> une dia<strong>le</strong>ctique<br />
s’instaurent entre <strong>le</strong> même <strong>et</strong> l’autre, l’un <strong>et</strong> <strong>le</strong> multip<strong>le</strong>, la similitu<strong>de</strong> <strong>et</strong> la<br />
différence. Et c’est encore Descartes qui notait :<br />
Nous sommes tous <strong>de</strong> lopins <strong>et</strong> d’une contexture si informe <strong>et</strong> diverse que chaque<br />
pièce, chaque moment fait son jeu. Et ce trouve autant <strong>de</strong> différence <strong>de</strong><br />
nous à nous-mêmes, que <strong>de</strong> nous à autruy 2 .<br />
1. En référence notamment au caractère paradoxal <strong>de</strong> l’obj<strong>et</strong> transitionnel chez Winnicott, référence<br />
sur laquel<strong>le</strong> je reviendrai un peu plus loin.<br />
2. Cité par Malrieu, 1980, p. 40.