psychologie de l'identité _ soi et le groupe
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140 LE SOI À L’ÉPREUVE DU GROUPE<br />
7.1 Le jeu <strong>de</strong>s images<br />
L’expérience groupa<strong>le</strong> montre que la plupart <strong>de</strong>s participants oscil<strong>le</strong>nt entre<br />
<strong>le</strong> désir <strong>de</strong> savoir comment <strong>le</strong>s autres <strong>le</strong>s voient, quel<strong>le</strong>s images ils se font<br />
d’eux <strong>et</strong> la peur d’être figés dans c<strong>et</strong>te image, <strong>de</strong> se voir réduits à une apparence<br />
ou i<strong>de</strong>ntifiés à une catégorie.<br />
La curiosité <strong>et</strong> <strong>le</strong> be<strong>soi</strong>n <strong>de</strong> connaître la façon dont chacun est perçu par<br />
<strong>le</strong>s autres n’aff<strong>le</strong>urent que progressivement au cours <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te expérience.<br />
Mais il semb<strong>le</strong> bien que, dans l’évolution <strong>de</strong>s <strong>groupe</strong>s, il existe un sta<strong>de</strong> (qui<br />
correspond paradoxa<strong>le</strong>ment au dégagement d’une trop forte prégnance <strong>de</strong><br />
l’imaginaire) où ces attitu<strong>de</strong>s apparaissent <strong>et</strong> s’expriment n<strong>et</strong>tement. C’est<br />
comme si, après une phase où <strong>le</strong>s mécanismes projectifs ont été dominants<br />
dans la perception d’autrui, <strong>le</strong>s participants éprouvaient <strong>le</strong> be<strong>soi</strong>n <strong>de</strong> verbaliser<br />
ces images pour pouvoir <strong>le</strong>s dépasser <strong>et</strong> découvrir une certaine réalité <strong>de</strong><br />
<strong>soi</strong> <strong>et</strong> d’autrui. Il y a aussi la prise <strong>de</strong> conscience que l’image <strong>de</strong> <strong>soi</strong> n’est pas<br />
indépendante <strong>de</strong> l’image que l’on a pour autrui <strong>et</strong> que <strong>le</strong> regard <strong>de</strong> l’autre<br />
nous est une sorte <strong>de</strong> miroir, même s’il est parfois un miroir déformant.<br />
Fanny : « On ne peut se voir que dans <strong>le</strong> regard <strong>de</strong>s autres, ou bien dans un<br />
miroir ; quel que <strong>soi</strong>t <strong>le</strong> <strong>groupe</strong>, il y a une image qui nous est renvoyée. »<br />
Le fait que l’on accè<strong>de</strong> à la conscience <strong>de</strong> <strong>soi</strong> en partie à travers l’image<br />
que nous renvoie <strong>le</strong> regard d’autrui n’est pas sans créer une relation <strong>de</strong><br />
dépendance, plus ou moins ressentie <strong>et</strong> plus ou moins acceptée.<br />
Sandrine : « Je me sens “être” par <strong>le</strong> regard <strong>de</strong>s autres, s’ils me par<strong>le</strong>nt,<br />
c’est parce qu’ils me voient. »<br />
Ce sentiment <strong>de</strong> dépendance, joint au fait qu’en <strong>groupe</strong> on peut se voir<br />
refléter une multiplicité d’images convergentes ou contradictoires, est<br />
souvent source <strong>de</strong> malaise ; lorsque <strong>le</strong>s participants en prennent conscience,<br />
c’est généra<strong>le</strong>ment avec une impression d’aliénation contre laquel<strong>le</strong> ils se<br />
révoltent.<br />
Marie : « Je suis en eff<strong>et</strong> complètement dépendante <strong>de</strong> la manière dont <strong>le</strong>s<br />
autres vont me percevoir, m’apprécier ou me détester. Si l’on me renvoie<br />
une image positive, je vais pouvoir me sentir soli<strong>de</strong> <strong>et</strong> assurée, alors que si<br />
l’on me renvoie une image négative ou que je perçois comme tel<strong>le</strong>,<br />
“j’encaisse mal” <strong>et</strong> toute ma fragilité réapparaît : je doute <strong>de</strong> moi, je crois<br />
plus en la paro<strong>le</strong> d’autrui qu’en la mienne. Or en <strong>groupe</strong> je me trouve<br />
confrontée à la multiplicité <strong>de</strong>s images qui me sont renvoyées. J’ai alors<br />
du mal à percevoir une image unifiée <strong>et</strong> valorisante <strong>de</strong> moi-même. Je<br />
n’arrive pas à cerner la manière dont je suis perçue, <strong>et</strong> cela m’angoisse. »<br />
C’est ainsi que <strong>le</strong> désir <strong>de</strong> savoir comment <strong>le</strong>s autres nous voient s’accompagne<br />
généra<strong>le</strong>ment d’anxiété. Transparaît aussi la peur d’être figé dans un<br />
aspect <strong>de</strong> <strong>soi</strong>, d’être réduit à sa seu<strong>le</strong> apparence.