psychologie de l'identité _ soi et le groupe
psychologie de l'identité _ soi et le groupe
psychologie de l'identité _ soi et le groupe
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
L’EXPRESSION DE SOI 195<br />
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.<br />
pas l’ascendant qu’el<strong>le</strong> avait ainsi sur <strong>le</strong> <strong>groupe</strong> ; j’avais un peu l’impression<br />
qu’el<strong>le</strong> était en partie responsab<strong>le</strong> <strong>de</strong> mon effacement. »<br />
Alors même qu’on ne se bouscu<strong>le</strong> pas pour par<strong>le</strong>r, l’expression est perçue<br />
dans <strong>le</strong>s premiers temps comme une sorte <strong>de</strong> jeu à somme nul<strong>le</strong> où la paro<strong>le</strong><br />
<strong>de</strong>s uns est comme en<strong>le</strong>vée aux autres. On reproche alors aux « bavards » <strong>de</strong><br />
prendre trop <strong>de</strong> place, <strong>de</strong> s’affirmer aux dépens <strong>de</strong>s autres ou <strong>de</strong> chercher à se<br />
rassurer sur <strong>le</strong>ur propre existence.<br />
Jean-Louis : « Sophie s’exprimait d’une voix forte <strong>et</strong> j’avais l’impression<br />
qu’el<strong>le</strong> parlait pour faire du volume <strong>et</strong> que ce volume sonore la rassurait<br />
sur sa place dans <strong>le</strong> <strong>groupe</strong>. »<br />
Corinne : « Valérie par<strong>le</strong> <strong>de</strong>puis quelques minutes <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te occupation<br />
débordant du temps <strong>de</strong> paro<strong>le</strong> se traduit aussi par une occupation envahissante<br />
<strong>de</strong> l’espace. Moi qui suis assise à côté d’el<strong>le</strong>, je trouve mon territoire<br />
singulièrement rétréci ! »<br />
Ce phénomène est amplifié par un autre mécanisme. On constate souvent<br />
que lorsqu’une personne commence à par<strong>le</strong>r dans un <strong>groupe</strong>, el<strong>le</strong> craint, si<br />
el<strong>le</strong> s’arrête, que cela ne crée un certain vi<strong>de</strong> <strong>et</strong> que personne ne « prenne <strong>le</strong><br />
relais » ; c<strong>et</strong>te anxiété peut l’entraîner à poursuivre, même si el<strong>le</strong> a <strong>le</strong> sentiment<br />
qu’el<strong>le</strong> par<strong>le</strong> trop longuement <strong>et</strong> qu’el<strong>le</strong> focalise sur el<strong>le</strong> l’attention du<br />
<strong>groupe</strong>, ce qui peut <strong>de</strong>venir pesant <strong>et</strong> pénib<strong>le</strong>.<br />
Françoise par<strong>le</strong> <strong>de</strong>puis un certain temps ; à plusieurs reprises el<strong>le</strong> s’arrête<br />
mais <strong>le</strong> si<strong>le</strong>nce s’instal<strong>le</strong>, el<strong>le</strong> reprend assez vite la paro<strong>le</strong> ; bientôt son<br />
malaise <strong>de</strong>vient perceptib<strong>le</strong> ; el<strong>le</strong> s’adresse aux autres en disant : « Je vous<br />
endors ou quoi ? » Anne commente : « Peut-être que la responsabilité <strong>de</strong><br />
la paro<strong>le</strong> que <strong>le</strong> <strong>groupe</strong> lui accor<strong>de</strong> la dérange <strong>et</strong> qu’el<strong>le</strong> désire la fuir. »<br />
Ainsi l’expression est ressentie à la fois comme une affirmation <strong>de</strong> <strong>soi</strong> <strong>et</strong><br />
comme une prise <strong>de</strong> risque.<br />
Bénédicte : « Une première prise <strong>de</strong> paro<strong>le</strong> provoque la peur car cela fait<br />
converger <strong>le</strong>s regards <strong>de</strong>s autres sur <strong>soi</strong> <strong>et</strong> potentialise un danger : danger<br />
d’être jugé, ignoré, refusé par <strong>le</strong> <strong>groupe</strong>. »<br />
En même temps, l’affirmation <strong>de</strong> <strong>soi</strong> peut être vécue, dans l’imaginaire,<br />
comme un acte agressif, ce qui entraîne suivant <strong>le</strong>s cas son inhibition ou au<br />
contraire une expression agressive.<br />
Thierry : « La paro<strong>le</strong>, au début, je l’utilisais un peu comme une arme pour<br />
attaquer <strong>le</strong>s autres ; l’agressivité était toujours latente chez moi <strong>et</strong> je<br />
m’exprimais d’ail<strong>le</strong>urs beaucoup plus faci<strong>le</strong>ment quand j’étais agressif. »<br />
L’expression est aussi un moyen <strong>de</strong> s’intégrer dans <strong>le</strong> <strong>groupe</strong>, <strong>de</strong> tisser un<br />
lien avec <strong>le</strong>s autres participants ; la communication est vécue comme instaurant<br />
<strong>et</strong> manifestant la communauté groupa<strong>le</strong>, alors que son défaut est ressenti