psychologie de l'identité _ soi et le groupe
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SOI SOCIAL/SOI INTIME 135<br />
cevoir. Ainsi, si une personne fait <strong>de</strong>s compliments à une autre personne<br />
<strong>de</strong> sexe opposé, ou d’ail<strong>le</strong>urs <strong>de</strong> même sexe, nous semblons tout <strong>de</strong> suite y<br />
attacher une connotation intime (affective – je ne trouve pas exactement <strong>le</strong><br />
mot – séductrice peut-être) dont nous avons honte dans son affichage<br />
public. »<br />
L’interdit vise donc ce qui pourrait constituer une intrusion dans l’intimité<br />
<strong>de</strong> l’autre : <strong>le</strong> contact corporel, <strong>le</strong>s jugements sur lui, <strong>le</strong>s suj<strong>et</strong>s trop personnels<br />
ou trop impliquants, <strong>le</strong> domaine <strong>de</strong> la vie privée – ce que Goffman désigne<br />
comme <strong>le</strong>s « réserves du moi » (1973, t. II, chap. 2). On voit que<br />
l’interdit, qui entraîne <strong>le</strong> non-dit, coïnci<strong>de</strong> très étroitement avec l’intime<br />
(celui du locuteur comme celui <strong>de</strong> l’interlocuteur) alors que <strong>le</strong> dit correspond<br />
à la sphère du social. Cependant <strong>le</strong> suj<strong>et</strong> n’en a pas nécessairement une conscience<br />
précise ; l’interdit étant profondément intériorisé, il appartient généra<strong>le</strong>ment<br />
au préconscient.<br />
Agnès. – Élizab<strong>et</strong>h dit qu’el<strong>le</strong> préfère rester à un certain niveau, donner<br />
une image socia<strong>le</strong> d’el<strong>le</strong>, ne pas livrer <strong>de</strong>s aspects trop personnels… Je<br />
ressens un peu quelque chose <strong>de</strong> similaire, dans <strong>le</strong> fond, sur l’idée <strong>de</strong> ne<br />
pas vouloir se montrer entièrement ; mais d’un autre côté, ce que je veux<br />
cacher, je ne <strong>le</strong> sais pas vraiment.<br />
Élizab<strong>et</strong>h. – Si tu ne dis pas du tout ce que tu penses, tout ce que tu ressens,<br />
c’est bien que tu masques un certain nombre <strong>de</strong> choses.<br />
Mais, bien entendu, la frontière entre dit <strong>et</strong> non-dit n’est pas rigi<strong>de</strong> <strong>et</strong><br />
infranchissab<strong>le</strong> : ce qui est tu peut s’exprimer dans un autre contexte ou dans<br />
un climat <strong>de</strong> confiance ; la limite entre <strong>le</strong>s <strong>de</strong>ux sphères peut se déplacer<br />
suivant la distance ou la proximité que l’on instaure avec l’autre <strong>et</strong> <strong>le</strong> <strong>de</strong>gré<br />
<strong>de</strong> liberté qu’on s’accor<strong>de</strong> dans <strong>le</strong>s relations à son égard.<br />
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit.<br />
Claire : « Je sens qu’il y a beaucoup <strong>de</strong> r<strong>et</strong>enue dans la façon <strong>de</strong> nous<br />
exprimer. C<strong>et</strong>te r<strong>et</strong>enue est intérieure d’abord : il y a <strong>de</strong>s choses que l’on<br />
hésite à communiquer, que l’on préfère gar<strong>de</strong>r pour <strong>soi</strong>. Mais il y a aussi<br />
<strong>le</strong>s autres : selon ce que l’on ressent du <strong>groupe</strong> on se dit que tel propos<br />
sera bien reçu ou non ; il faut avoir confiance dans <strong>le</strong>s autres, dans <strong>le</strong>ur<br />
écoute pour pouvoir exprimer <strong>de</strong>s choses personnel<strong>le</strong>s ; il faut aussi pouvoir<br />
s’attendre à une certaine réciprocité. »<br />
L’expression <strong>de</strong> l’intime doit donc respecter un certain tact, une certaine<br />
pu<strong>de</strong>ur ; sinon el<strong>le</strong> peut être ressentie comme exhibition, comme indécence,<br />
comme non-respect d’autrui ; car <strong>le</strong> dévoi<strong>le</strong>ment <strong>de</strong> ce qui est intérieur ne<br />
m<strong>et</strong> pas seu<strong>le</strong>ment en cause celui qui s’y livre ; el<strong>le</strong> implique aussi fortement<br />
<strong>le</strong>s spectateurs qui peuvent se sentir en position <strong>de</strong> « voyeurs ». Il faut, d’une<br />
certaine façon, traduire <strong>le</strong> langage <strong>de</strong> l’intime dans un langage socia<strong>le</strong>ment<br />
partageab<strong>le</strong>.