La fabrication d'un paysage urbain à Hà-Nôi ... - Archipel - UQAM
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plus <strong>à</strong> prendre en considération. En parallèle avec le développement des sciences sociales tout<br />
au long du XX e siècle, les exégèses sur le patrimoine comme objet de recherche se sont<br />
multipliées, en particulier ces dernières années, mettant en valeur sa reconnaissance comme<br />
un mode d'expression identitaire et symbolique des collectivités qui la définissent et<br />
l'investissent. Ainsi ce champ disciplinaire s'est progressivement élargi pour aujourd'hui<br />
s'immiscer dans toutes les pratiques sociales. Pierre Nora rappelle que<br />
[l]e patrimoine est devenu l'un des maîtres-mots de la conscience historique<br />
contemporaine, passant de l'acception presque notariale qui était encore la sienne <strong>à</strong> la<br />
fin des années soixante et soixante-dix <strong>à</strong> une définition beaucoup plus contraignante<br />
et envahissante: non plus le bien dont on hérite, mais le bien constitutif de la<br />
conscience collective <strong>d'un</strong> groupe: véritable retournement. À ce titre, il est venu<br />
rejoindre dans la même constellation passionnelle les mots « mémoire », « identité »,<br />
dont il est devenu presque synonyme, et qui ont eux aussi connu dans le même temps,<br />
en très peu d'années, le même renversement de sens ravageur 1 8.<br />
<strong>La</strong> mémoire et l'identité semblent s'être récemment substituées <strong>à</strong> l'histoire et <strong>à</strong> la<br />
nation. Nous sommes passés <strong>d'un</strong>e perception où «on a une mémoire» <strong>à</strong> celle où « on est<br />
une mémoire ». Dans ce basculement, le patrimoine est devenu, pom reprendre le terme de<br />
Krzysztof Pomian, «sémiophore », porteur <strong>d'un</strong> ensemble de significations, qui, dans sa<br />
nouvelle condition, hypothèque dans la plupart des cas les « utilités» de l'objet pour le porter<br />
vers «l'invisible »19. Le patrimoine s'ouvre aussi <strong>à</strong> des horizons nouveaux et de plus en plus<br />
nombreux et considère des « monuments» (au sens premier de perpétuation de la mémoire)<br />
issus <strong>d'un</strong> passé de plus en plus rapproché. Il tente de consacrer de nouvelles pistes comme le<br />
patrimoine cultmel et immatériel et les sites naturels. Il a acquis de plus une dimension<br />
internationale, voire supranationale, par la volonté de prise en charge de certains sites au nom<br />
18 Nora, 1997 : 12.<br />
19 Pomian, 2003 ; Bonnot, 2006 citant Pomian, 1978 : 3-56. Tiré de<br />
http://espacestemps.netldocumentl922.html. « Pour celui-ci [Krzysztof Pomian] en effet, l'inutilité au<br />
sens fonctionnel est une condition sine qua non de j'attribution du statut d'objet de collection,<br />
distinguant les objets utiles des sémiophores, « des objets qui n'ont point d'utilité au sens qui vient<br />
d'être précisé, mais qui représentent l'invisible, c'est-<strong>à</strong>-dire sont dotés <strong>d'un</strong>e signification; n'étant pas<br />
manipulés, mais exposés au regard, ils ne subissent pas l'usure» (p. 34). Pomian reconnaît toutefois<br />
que cette dichotomie n'est pas toujours si clairement tranchée, mais, une fois posé qu'utilité et<br />
signification, n'étant pas des qualités intrinsèques aux objets, n'existent que s'il y a un observateur, il<br />
souligne qu'« aucun objet n'est en même temps et pour un même observateur une chose et un<br />
sémiophore. Car il n'est une chose que lorsqu'on l'utilise, mais alors on ne s'amuse pas <strong>à</strong> en déchiffrer<br />
la signification. Et quand on s'adonne <strong>à</strong> cela, l'utilité devient purement virtuelle. » (p. 35)<br />
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